Tomas Gantz sur le « Sanguinarisme »

Notes de traduction concernant le terme « sanguinarien ».

Le terme « sanguinarian » en anglais est utilisé par un certains nombres d’individus percevant un besoin, pour différentes raisons, de régulièrement consommer du sang, humain ou animal. Dans cet article, sont discutés spécifiquement des sanguinariens qui le font pour des raisons de santé. Ils rapportent une dégradation de leur état général s’ils s’abstiennent d’en consommer.

Le terme « Sanguinarian » est un terme créé de toute pièce et est difficile à traduire, sa francisation directe « Sanguinarien » à été préféré pour ce texte, faute de meilleure option. « Sanguinivore » ou « hematophage » sont des termes français existants qui qualifient n’importe quel organisme se nourrissant de sang (exclusivement ou occasionnellement.) mais qui ne sont plus généraux. Le terme « Vampire Sanguin » se retrouve parfois également dans des articles traitant du même sujet mais est souvent associé à une subculture et un lifestyle qui n’est pas forcément en lien avec ce qui est discuté ici.

Source : « Interview with Dr. Tomas Ganz, Regarding His Views on Sanguinarianism » par Erin Chapman, Vamped, février 17, 2016. Traduit de l’anglais par Petro Myzon.

Vamped a publié le 10 février 2016 un article 1 sur les problèmes digestifs rencontrés par les sanguinariens (terme utilisé par des personnes buvant du sang pour se qualifier). En fait, nous avions tellement de matériel que nous avons décidé de publier le reste sous forme d’interview indépendante avec le médecin que j’ai contacté.

Tomas Gantz sur le "Sanguinarisme"

Le Dr. Tomas Ganz lors d’une intervention au European Iron Club meeting à Vérone (Italie), le 11/09/2014. Ganz pense que le sanguinarisme peut être causé par des déficiences en fer. Photo fournie par le Dr. Tomas Ganz.

 

A l’origine, j’avais envoyé un courrier électronique au Dr Tomas Ganz, professeur au département de pathologie médicale et de médecine de laboratoire de l’Université de Californie à Los Angeles, après avoir vu son nom cité dans un article de la BBC sur les personnes buvant du sang par David Robson 2.

Les commentaires de Ganz sur les propriétés nutritives et les effets laxatifs du sang dans cet article m’ont suffisamment intriguées pour le contacter. Le 21 octobre 2016, je lui ai envoyé une série de questions pour obtenir plus de précisions à ce sujet – et il a répondu le jour même. Toutes les citations contenues dans les questions sont extraites de l’article de Robson.

Erin Chapman : Pouvez-vous me dire comment l’écrivain David Robson vous a trouvé pour l’article ? Vous connaissez-vous ou est-ce qu’il vous a contacté au hasard ?

Dr Tomas Ganz : Je ne connaissais pas David Robson. Je pense qu’il m’a contacté parce que je m’intéresse au métabolisme du fer et que je suis bien connu pour mes travaux dans ce domaine.

EC : Avez-vous des liens avec les autres personnes mentionnées dans l’article, telles que Merticus, John [Edgar] Browning ou l’un des membres de la communauté vampire ?

TG : Non, je n’en connais aucun, ni aucune autre personne qui consomme délibérément du sang humain.

EC : Dans l’article cité, vous êtes cité : «Tomas Ganz, de l’Université de Californie à Los Angeles, précise qu’ils ne peuvent pas éliminer complètement le risque d’infection. «Les tests dans les cliniques pour maladies sexuellement transmissibles ne couvrent pas tout le spectre des maladies potentiellement transmissibles, mais devraient couvrir les maladies les plus courantes telles que le VIH ou l’hépatite B et C», a-t-il déclaré. Avez-vous donné à l’auteur cette citation spécifiquement pour l’article ou a-t-elle été extraite d’un article que vous avez déjà publié ? De plus, pouvez-vous préciser quelles maladies sont oubliées lorsque ce type de test est utilisé et les dangers qui y sont associés ?

TG : J’ai donné la citation spécifiquement. Voici une liste des maladies que la Croix-Rouge américaine utilise pour vérifier l’approvisionnement en sang en transfusions ; http://www.redcrossblood.org/learn-about-blood/what-happens-donated-blood/blood-testing. Certaines de ces maladies (par exemple la maladie de Chagas et le virus du Nil occidental) sont transmises par des insectes suceurs de sang et ne seraient pas testées dans le contexte des maladies sexuellement transmissibles (voici une liste type des tests de dépistage des MST avec discussion, http://www.mayoclinic.org/diseases-conditions/sexually-transmitted-diseases-stds/in-depth/std-testing/art-20046019). Ni moi ni personne d’autre ne sait quels sont les risques de transmission de maladies par ingestion de sang. Cela nécessiterait des études qui n’ont jamais été réalisées.

EC : La deuxième citation : «Ganz suggère que le soulagement lié à la consommation de sang pourrait être en grande partie psychologique ; les médecins comprennent encore comment notre cerveau peut contrôler notre santé de manière très réelle et physique. »  

«Il existe probablement un fort effet placebo, assimilable à l’ingestion de poudres amères, de liquides aux couleurs vives ou d’autres substances qui ne ressemblent ni ne goûtent les aliments conventionnels», déclare Ganz. « Cet effet peut être encore renforcé s’il existe un élément rituel associé à l’ingestion et si l’individu ressent un sentiment d’exclusivité (comme boire un vin très cher et rare). » 

Combiné au fait que le sang est très nutritif et qu’il est un laxatif naturel, il pense que c’est peut-être pour cette raison qu’il procure un soulagement temporaire aux difficultés digestives et mentales. Avez-vous donné à l’auteur cette citation spécifiquement pour l’article ou a-t-elle été extraite d’un article que vous avez déjà publié ?

TG : C’était une citation spécifique.

EC : Pouvez-vous également préciser la valeur nutritionnelle du sang ? Un humain peut-il ingérer suffisamment pour tomber malade ? Si vous analysez, disons une once de sang humain, quels sont les nutriments présents et en quelles quantités, par exemple, du sel, du fer, etc. ?

TG : Je ne sais pas quelle quantité de sang serait susceptible de rendre un humain malade. Sur le plan nutritionnel, 100 ml (3,3 oz) de sang contiennent 12 à 15 g d’hémoglobine (protéine) contenant 40 à 50 mg de fer, 8 g d’autres protéines, 0,9 g de sel, 0,1 à 0,2 g de sucre et 0,1 à 1 g de graisse, en fonction du moment où le dernier repas avant la collecte de sang a été consommé. Il s’agit donc d’une substance riche en protéines, en fer et en sel.

EC : Vous dites que le sang est aussi un laxatif naturel, pouvez-vous élaborer et nous expliquer pourquoi ? Boire du sang peut-il également améliorer l’état de votre flore, comme le fait la consommation quotidienne de probiotiques ? En quoi l’ingestion de sang par voie orale diffère-t-elle de celle d’une personne atteinte d’un ulcère qui a déjà du sang dans l’estomac ?

TG : Le sang cru est un laxatif, probablement parce qu’il est riche en protéines et difficile à digérer (sa cuisson le rend plus digeste, comme c’est le cas pour la viande et d’autres aliments riches en protéines). La protéine mal digérée empêche probablement l’intestin d’absorber l’eau du sang, de sorte que le matériel reste liquide («diarrhée osmotique»)

EC : Au fil des ans, avez-vous déjà rencontré quelqu’un qui prétendait avoir déjà bu du sang humain, ou des membres de la communauté vampire ? Quelle est votre opinion sur les sanguinariens qui disent améliorer leur santé en consommant du sang ?

TG : Je n’ai jamais rencontré quelqu’un qui prétendait boire du sang. Certains des effets allégués de l’ingestion de sang pourraient provenir de sa teneur en fer (si une personne est carencée en fer), d’un effet laxatif (si elle est constipée) ou d’un effet psychologique complexe. Les membres de la tribu des Maasaï boivent du lait enrichi de sang de vache frais, ce qui est logique, car le lait de vache est une source médiocre de fer et que l’ajout de sang en fait un nutriment plus complet.

EC : Dans l’article, CJ ! (surnom) a déclaré qu’elle souffrait d’un syndrome de l’intestin irritable qui n’est soulagé que par l’ingestion de sang. Elle nous dit «après avoir consommé une quantité considérable (entre sept shooters et une demi-pinte), notre système digestif fonctionne à merveille». Pouvez-vous partager avec nous votre opinion à ce sujet ? En théorie, quel effet une telle consommation de sang aurait-elle sur une personne souffrant du SCI ?

TG : Il est possible que l’effet laxatif soit important ici ou que l’ingestion de sang modifie les bactéries dans le côlon. Cela pourrait affecter les symptômes du SCI.

EC : Pensez-vous que ce sujet mérite une étude plus approfondie ?

TG : Il y a tellement de problèmes nutritionnels prioritaires, tels que l’obésité, le diabète, la carence en fer, etc. que je ne pense pas que ce sera la liste des vingt meilleurs pour la recherche en nutrition.


Une sélection bibliographique des travaux du Dr Ganz est disponible sur le site de la David Geffen School of Medicine :  https://people.healthsciences.ucla.edu/research/institution/personnel?personnel_id=45783

Notes:

  1. Erin Chapman, « A Drink of Blood a Day Keeps the Doctor Away: Do Sanguinarians Have Digestive Issues? », Vamped, Feb. 10, 2016, accessed Feb. 15, 2016, http://vamped.org/2016/02/10/drink-blood-day-keeps-doctor-away-sanguinarians-digestive-issues/.
  2. David Robson, « The People Who Drink Human Blood », BBC, Oct. 21, 2015, accessed Oct. 21, 2015, http://www.bbc.com/future/story/20151021-the-people-who-drink-human-blood

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