Brèque, Jean-Daniel : interview avec le traducteur de L’échiquier du Mal…et directeur de la collection Baskerville

Brèque, Jean-Daniel : interview avec le traducteur de L'échiquier du Mal...et directeur de la collection BaskervilleBonjour Jean-Daniel. Pouvez-vous vous présenter pour les internautes de Vampirisme.com ?

Je suis traducteur à plein temps depuis une trentaine d’années et, l’année dernière, j’ai fait valoir mes droits à la retraite, pas pour arrêter toute activité mais pour travailler en priorité sur des projets personnels, pas forcément rémunérateurs. J’ai surtout traduit de la SF, du fantastique et de la fantasy, mais aussi d’autres genres, le polar par exemple.

On retrouve votre nom en tant que traducteur de nombreux romans ou recueils rattachés à la figure du vampire, de L’Échiquier du mal de Dan Simmons à L’Extase des Vampires de Brian Stableford. Est-ce un hasard ou la preuve d’un intérêt poussé pour les buveurs de sang ? Sachant que vous avez également publié deux nouvelles de votre cru (« La Grosse Dame » et « Stigmata ») qu’on retrouve dans des anthologies sur le sujet.

Brèque, Jean-Daniel : interview avec le traducteur de L'échiquier du Mal...et directeur de la collection BaskervilleCes traductions comme ces nouvelles remontent à une période où le fantastique et la terreur étaient des genres populaires en France, et où je dévorais avec avidité pas mal de textes y ressortissant. Autant le Simmons que le Stableford, c’est le regretté Jacques Chambon qui me les a proposés ; j’avais lu le Simmons à sa sortie et, bien entendu, j’ai été ravi de le traduire, même si ce fut un travail de longue haleine ; je ne connaissais pas le Stableford, qui m’a lui aussi enchanté. À propos de L’Extase des vampires, il faut savoir que ce n’était que le premier volet d’une trilogie, que Stableford a par la suite refondue en un gros roman, à la traduction duquel je viens de m’atteler et qui paraîtra chez Rivière Blanche.

Donc, pour répondre à votre question, il y avait à la fois hasard et intérêt pour le thème.

Si on replace les œuvres sur les vampires que vous avez traduites dans une perspective chronologique, avez-vous senti une évolution dans le traitement de la créature ?

Avec un mythe aussi connu que le vampire, on n’a qu’une seule alternative, du moins à mon avis : soit on respecte scrupuleusement la tradition, soit on la bouscule dans l’espoir de faire du neuf. Évolution ? Oui, dans la mesure où le vampire est durable et où ceux qui s’attaquent au sujet souhaitent faire preuve d’originalité.

Parmi vos travaux passés, plusieurs projets remontent à la défunte collection Épouvante de J’ai Lu. Pensez-vous qu’elle a participé à donner une plus grande visibilité à la littérature fantastique en France ?

Oui et non. Avec le recul, si cette collection a publié beaucoup de très bons livres, on a pu y lire aussi quantité de navets. Contrairement à Terreur chez Presses Pocket, où officiait le regretté Patrice Duvic, la personne responsable des choix ne comprenait pas le genre. Quant elle a publié Le Sang du matador, Patrick Marcel a jugé que ce ne pouvait être que pour une seule raison : il y avait un amateur de tauromachie au comité de lecture. Gagné ! Bon, cela dit, j’ai eu le plaisir d’y traduire quelques bons bouquins…

Quelles sont vos premières et dernières rencontres avec un vampire (littéraire et / ou cinématographique) ?

Difficile de dire quelle est la première rencontre ; sans doute une nouvelle lue dans Fiction durant les années 1960-70. La dernière est remarquable : en faisant des recherches sur la toile, j’ai trouvé la traduction non répertoriée d’un classique du vampirisme, The Blood of the Vampire, de Florence Marryat ! Inutile de dire que je ne vais pas en rester là…

Pour vous, comment peut-on analyser le mythe du vampire? Qu’est ce qui en fait la pérennité ?

Plein de choses. Pour commencer, la transformation du vampire est une version perverse de la résurrection du Christ. Par ailleurs, l’époque où la figure du vampire s’est affirmée dans la littérature occidentale (pour simplifier) correspond à la montée de certaines angoisses (peur de la dégénérescence, effondrement annoncé des empires coloniaux, peur de l’étranger…) dont il est la parfaite incarnation. C’est un mythe inépuisable.

Petit aparté concernant la collection Baskerville, que vous dirigez depuis 2011 au sein de la maison d’édition Rivière Blanche. Si la majorité des textes qui y sont publiés sont des récits policiers, on y retrouve également un recueil proposant plusieurs nouvelles vampiriques : Flaxman Low – Expériences spectrales. Pouvez-vous nous détailler la ligne éditoriale de la collection et la manière dont vous travaillez au sein de celle-ci ?

Brèque, Jean-Daniel : interview avec le traducteur de L'échiquier du Mal...et directeur de la collection BaskervilleJ’avais de grandes ambitions en créant Baskerville et j’ai dû les revoir à la baisse. À l’origine, je souhaitais publier des livres relevant de tous les genres populaires de l’époque : fantastique, merveilleux-scientifique, policier et même aventures. Mais je me suis rendu compte à mesure que je découvrais le domaine que c’était en policier qu’il y avait le plus de (re)découvertes à faire. En fantastique, après le travail fait par Marabout puis par NéO, il ne reste quasiment plus rien à traduire ; en science-fiction, on ne peut pas dire que les ouvrages « baskervilliens » que j’ai pu dénicher aient été très convaincants ; pour les romans d’aventures, oui, j’ai quelques atouts dans ma manche, mais ça va être dur de les placer vu l’orientation prise par la collection. J’ai quand même un ancêtre de l’heroic-fantasy prévu pour 2020… et, du même auteur, George Griffith, un grand livre de SF.

Brèque, Jean-Daniel : interview avec le traducteur de L'échiquier du Mal...et directeur de la collection BaskervilleDonc : ligne éditoriale—policier essentiellement, mais dans tous les registres (enquête, détective, humour, suspense…) avec de temps à autre une échappée vers le fantastique (cf Florence Marryat évoquée plus haut, que je compte publier en 2020) ou d’autres genres.
Méthode de travail : tous les ans au printemps, j’arrête le programme de publication de l’année suivante, qui est toujours susceptible de changer. C’est moi qui choisis et traduis (ou révise la traduction) de presque tous les livres. De temps en temps, on m’apporte un projet, que j’accepte s’il s’intègre bien dans la collection, et l’apporteur—qui est le plus souvent celui ou celle qui assure la traduction ou la révision—fait le reste du travail ; je me contente de corriger et d’éditer. C’est ce qui s’est passé avec Flaxman Low–Expériences spectrales, qui est à l’initiative d’Aurélie Bescond.

À noter que, si la collection perdure, il y aura davantage de traductions inédites à l’avenir car je disposerai de plus de temps.

Avez-vous encore des projets de livres sur ce même thème ? Quelle va être votre actualité dans les semaines et les mois à venir ?

Comme dit plus haut, il y aura The Blood of the Vampire de Florence Marryat, mais je ne vois pas d’autre livre de vampire inédit ou oublié dans mon collimateur.

Brèque, Jean-Daniel : interview avec le traducteur de L'échiquier du Mal...et directeur de la collection BaskervilleMon actualité à venir ? Vient de paraître Les Coureurs d’étoiles, par Poul Anderson, troisième volume de la série « La Hanse galactique » qui en comptera cinq, au rythme d’un par an ; en août, Les Attracteurs de Rose Street, par Lucius Shepard, ces deux livres au Bélial’. À la rentrée sort une nouvelle édition d’Anatomie de l’horreur, l’essai de Stephen King que j’avais traduit au début des années 1990 et qui a demandé une grosse mise à jour.

Plus généralement, je ne compte pas « courir le contrat » pour traduire comme un forcené ainsi que je l’ai fait ces dernières années. Je vais continuer à travailler sur Poul Anderson, dont il reste encore beaucoup de bons livres à traduire, ainsi que sur Lucius Shepard. Après le décès de celui-ci, les droits ont été bloqués le temps que la succession soit réglée, et à présent que la chose est faite, Olivier Girard et moi sommes impatients de nous remettre au travail ; je lui ai déjà signalé une autre novella pour « Une Heure Lumière ».

Brèque, Jean-Daniel : interview avec le traducteur de L'échiquier du Mal...et directeur de la collection BaskervilleEt, au fait, j’ai traduit un roman de vampires signé Shepard, L’Aube écarlate (Folio-SF). J’ai appris récemment dans une interview restée inédite de son vivant que, dans son esprit, ce roman n’était que le prologue à un gros roman situé à notre époque et où les vampires avaient pris le pouvoir à Bornéo. Dommage qu’il n’ait pas donné suite…

Le site officiel de la collection Baskerville : http://baskerville.over-blog.com/

La page de la collection sur le site de Rivière Blanche : http://www.riviereblanche.com/baskerville.html

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