Rees, Celia. Malédiction du sang

À seulement seize ans, Ellen souffre d’une étrange maladie du sang. Dans la maison londonienne de sa grand-mère, où elle tente de reprendre des forces, sa seule distraction est la lecture des journaux intimes de son arrière arrière-grand-mère, dénichés dans une malle au grenier. Ellen se plonge avec passion dans le quotidien de cette jeune fille déterminée, élevée par son père médecin, en pleine période victorienne. Avec l’arrivée chez eux d’un comte séduisant, d’une pâleur et d’une étrangeté glaçantes, le destin de la jeune fille bascule… Au fil des pages, Ellen a l’impression d’être plongée dans un palpitant roman sur les vampires. Sauf que cette histoire est vraie. Sauf que, parallèlement à sa lecture, la jeune fille se sent de plus en plus mal, comme si la malédiction dont avait été victime son ancêtre perdurait dans ses veines…

Il est des romans qui, même sans avoir rien d’exceptionnel, procure un plaisir de lecture immédiat. Tel est le cas de Malédiction du sang. Détail à souligner en premier lieu : l’intérêt de l’histoire ne réside pas dans son intrigue ou à son originalité, car ces dernières sont minces, guère propices à créer la surprise. Si le récit de Celia Rees se révèle prenant, c’est essentiellement grâce à son style. L’auteure a une façon bien à elle, très douce et sensible, pour nous faire découvrir les personnages qui sont siens, leurs émotions et les ambiances qu’elle parvient admirablement à poser.

Malédiction du sang pourrait être l’une de ses énièmes œuvres vampiriques sans saveur, anecdotiques et vouées à ne pas laisser un souvenir impérissable. Pourtant, il n’en est rien. Graduellement, Ellen va se résoudre à accepter l’idée que les vampires existent, alors qu’elle-même se trouve aux portes de la mort. En découvrant dans un coffre du grenier les journaux intimes de son arrière arrière grand-mère, la jeune fille de seize ans en vient à partager une tranche de vie, pour le moins troublante, de son aïeule.

Elle-même en proie à une maladie sanguine, Ellen s’immergera, grâce au témoignage écrit, dans l’existence vécue par son ancêtre âgée, elle aussi, de seize ans et lui ressemblant trait pour trait. Celle-ci couche sur le papier sa rencontre avec l’antipathique comtesse Vardolek et le comte Fransz Szekelys. Les deux aristocrates ont bien connu Isobel, la défunte mère de la jeune fille. Le père de cette dernière est un pionner dans le domaine de la découverte des groupes sanguins et des transfusions sans risques. En tant qu’ami de longue date avec le comte Transylvanien, le médecin va tout faire pour guérir le mal qui ronge son patient. Mais au même moment, dans les rues du Londres victorien, sévit une vague de meurtres laissant les victimes exsangues.

Alternant passé et présent, le récit s’applique à rendre un peu plus inéluctable à chaque chapitre la réalité des vampires. Les créatures de la nuit sont d’ailleurs des plus classiques, stéréotypées au possible. Le comte et la comtesse peuvent se mouvoir de jour, mais ont une prédilection pour la nuit. Ils dorment dans des caveaux dans la terre de leur pays natal, la vue des crucifix les révulse, tandis que le feu et l’eau bénite représentent contre eux des armes efficaces.

Il n’est aucunement question de romance dans Malédiction du sang. Parler d’amitié fidèle, entre les jeunes protagonistes évoluant au fil des époques et solidaires contre le comte, est plus approprié. Il a été évoqué un peu plus haut un certain classicisme. Ce constat tient aux nombreuses similitudes partagées par le comte Dracula de Stoker, et le comte Fransz Szekelys de Rees. Tous deux possèdent une histoire humaine semblable, et ont quitté leur terre d’origine en quête de nouveaux horizons plus abondants en proies. Les deux vampires sont ambigus dans leur comportement, bien que leur nature de prédateurs demeure la plus forte.

Pas de gentils vampires romantiques, donc, dans Malédiction du sang. Ennemi héréditaire du genre humain, le comte est combattu par Ellen, son ancêtre et leurs amis respectifs. Le roman à cela d’intéressant qu’il permet d’entrevoir ce qui aurait pu advenir si le personnage de Dracula avait survécu jusqu’à nos jours. Serait-il devenu médecin en guise de couverture ? Cet ouvrage jeunesse, abordable et narré par une belle plume, se destine au plus grand nombre. Il ne faut pas s’attendre à du sexe ou à de la vulgarité ici. Les rebondissements sont rares, l’action peu trépidante, mais les ambiances que parvient à décrire l’auteure compensent une certitude platitude. Cela dit, la fin m’a semblé quelque peu expédiée, pas vraiment convaincante. Toujours au niveau des regrets, il aurait été appréciable d’en apprendre davantage sur Isobel, la mère de l’Ellen du XIXe siècle, qui trouva la mort dans de mystérieuses et tragiques circonstances. Des faits seulement effleurés au cours de l’histoire.

Les lecteurs familiers avec le Dracula de Bram Stoker s’amuseront à noter les diverses similitudes qui parsèment le récit. Le roman bénéficie en plus d’une très belle présentation : couverture veloutée, lettrage en relief… un effort qui encourage la lecture. L’aventure d’Ellen Forest enchantera les jeunes adultes amateurs de vampires fidèles au mythe. Ceux-là, ainsi que les curieux à la recherche d’une fiction distrayante – certes, conventionnelle – mais pourvu d’une atmosphère tantôt victorienne, tantôt modernes très bien écrites.

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