Newman, Kim. Angels of music

Dans les profondeurs de l’Opéra de Paris réside Erik le Fantôme, lequel se maintient décennie après décennie comme la tête pensante d’une curieuse agence secrète. Un trio changeant d’agents féminins, chargés par de riches Parisiens comme par le gouvernement français d’enquêter sur les crimes et méfaits qu’ils préfèrent dissimuler aux yeux du grand public. Les bas-fonds de Paris sont mis au jour par les femmes agents d’Erik, tandis qu’elles se confrontent à l’horreur et la corruption dans la ville. Christine Daaé, Irène Adler, Trilby O’Ferral, La Marmoset, Unorna, Kate Reed, Sophy Kratides, Gilberte Lachaille, Alraune ten Bricken… chaque génération d’agent rassemble trois personnalités aux capacités complémentaires, secondées par Le Perse, l’homme de main d’Erik.

Si l’on connaît (du moins en France) essentiellement Kim Newman pour sa série Anno Dracula (dont les trois premiers tomes ont été réédités par Bragelonne il y a quelques années), la production de l’auteur anglais ne s’arrête pas à celle-ci. Journaliste cinéma, grand spécialiste des multiples visages de la littérature et du cinéma de genre, le romancier a écrit pas moins de neuf romans et onze recueils de nouvelles n’appartenant pas à son fameux cycle, sans compter ce qu’il a pu écrire sous pseudonyme (notamment sous licence Warhammer).

Comme son titre l’indique, Angels of Music est un hommage au Fantôme de l’Opéra de Gaston Leroux et à se fortune littéraire et cinématographique. Mais comme à son habitude, Newman va plus loin que cela : il convoque des personnages littéraires d’autres horizons (Sophy Kratides et Irène Adler, échappées du Canon), des créatures de cinéma (Les vampires et leur Irma Vep) et certaines de ses propres créations (Kate Reed et Geneviève Dieudonné) pour donner vie à un enchaînement d’intrigue débordant d’idées, qui nous conduit de la fin du XIXe siècle à la grande crue parisienne de 1910. À l’image du reste de la production de l’auteur, les références sont légion (chaque nom convoqué l’est à escient, ouvrant au lecteur curieux des idées de recherche à n’en plus finir). Les différents chapitres se consacrent à une équipe différente, se présentant comme de longues nouvelles mettant en scène une enquête d’importance menée par le trio du moment. On y croisera ainsi des génies du mal tels que la comtesse Josephine Balsamo, Les vampires de Paris, …

À la base, je ne m’attendais pas à croiser des vampires dans ce roman. Pour autant, sans même parler de la présence de personnages qui sont des variations sur leurs homonymes d’Anno Dracula (Kate Reed et Geneviève Dieudonnée), le trio composé de La Marmoset, Sophy Kratides et Unorna devront croiser le fer avec un tueur qui laisse ses victimes exsangues, jetant l’opprobre sur la bande de criminels du même nom (les fameux Vampires de Louis Feuillade). On y croise également Mme Van Helsing, qui ne partage pas l’attirance pour le surnaturel de son mari. Ce récit s’articule de fait avec le passé du célèbre chasseur de vampire. La résolution de l’intrigue est particulièrement bien trouvée étant donné l’ambiance du cycle, et ses liens avec la scène et ses artifices.

Un recueil à l’image de la production de Kim Newman : savoureux de références, amusant et tragique à la fois. À la différence d’Anno Dracula, c’est essentiellement l’imaginaire fin de siècle français qui sert ici de cadre et de matière, pour notre plus grand plaisir, d’autant que l’auteur maîtrise (là aussi) très bien son sujet.

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