Newman, Kim. Johnny Alucard

Dracula est mort à Rome voilà plus de 15 ans, mais la marque qu’il a laissée sur le monde reste encore palpable. Francis-Ford Coppola tourne en Transylvanie, avec l’aval du gouvernement Ceaușescu, une adaptation du roman de Bram Stoker. Mais voilà des mois que le tournage a commencé, et ne semble pas prêt de s’achever. Entre les changements de casting, les aléas liés au partenariat avec lé régime en place et un scénario qui encore en cours d’écriture, le projet a largement dépassé son budget. Kate Reed, présente dans l’équipe en tant que consultante sur les aspects vampiriques, prend sous son aile un jeu vampire, Ion. Rapidement, ce dernier devient indispensable à Coppola, devenant un intermédiaire privilégié avec les hommes de la Securitate. Jusqu’à ce que l’un d’entre eux soit mystérieusement assassiné, et qu’on le retrouve avec le foulard de Kate.

Ce quatrième opus de la saga de Kim Newman n’est pas, comme les précédents tomes, un roman a proprement parler mais une successions de nouvelles, reliées par un dénominateur commun : Ion, qui deviendra plus tard Johnny Alucard. Un peu à la manière de son recueil Le chien des d’Ubervilles, l’auteur choisit donc de faire évoluer sa trame par étapes, n’hésitant pas, d’un texte à l’autre, à changer les protagonistes principaux ou le lieu de l’intrigue. Ce choix lui permet de montrer l’évolution de ses Etats-Unis (ceux d’un monde où l’existence des vampires est connue de tous depuis plusieurs décennies) depuis les années 70 jusqu’aux années 90. A nouveau, réalité et fiction se mêlent, faisant croiser les destins de personnages littéraires et cinématographiques avec ceux de personnalités authentiques, comme Andy Warhol, Charles Manson, Spinal Tap ou encore George Bush.

Ion, créature de Dracula, va suivre la même destinée que le comte, à la différence qu’il va faire route vers les Etats-Unis plutôt que l’Angleterre, et s’intéresser à l’entertainment plutôt qu’aux sphère de la politique. Petit trafiquant de drogue introduit au leader de la Factory par Penelope Churchward, il va peu à peu gravir les échelons, et devenir un producteur incontournable dans le monde du cinéma. Mais la réécriture de Dracula passe également par le texte, car c’est l’un des éléments récurrents du récit : Coppola réalise une adaptation du roman de Stoker (qui n’a rien a voir avec celui que nous connaissons), Orson Wells caresse également l’idée de faire sien le roman, sans compter la figure de Johnny Alucard, qui multiplie les investissement dans les projets cinématographiques autour du comte (même si dans un but précis).

Pour ce qui est des caractéristique des vampires, l’auteur développe ici l’idée d’une drogue constituée de sang de vampire réduit en poudre, qui a la capacité de transformer ceux qui en absorbent en dhampire, mi-homme mi-vampire, pour quelques instants. Il exploite également l’idée que le vampire, par son sang, est en mesure de contrôler les humains (quand il leur fait boire son sang mais ne leur donne pas le sien en échange). On apprend également que si tous les vampires ont des caractéristiques communes (dont une allergie létale à l’argent), ils n’en diffèrent pas moins sur certaines caractéristiques : l’image de certains impressionne encore pellicules photos et cinématographiques, certains peuvent se transformer, lire dans les pensées voire « posséder » vampires comme être humain…

Difficile également de parler d’un des opus de la série sans mentionner tout ou partie des œuvres qui y sont cités, le name dropping faisant partie intégrante de l’œuvre depuis ses débuts. Côté vampirique, on retrouve certains personnages (certains juste mentionnés, d’autres partie prenante du récit) déjà croisés par le passé (le Baron Meinster, le comte Iorga), mais également de nouvelles connaissances (Timmy Valentine de Vampire Junction, Barbie (!!) the Vampire Killer, Santanico Pandemonium, Myriam Blaylock des Prédateurs…) et des lieux emblématiques (La forteresse noire du roman éponyme de F. Paul Wilson). La diversité des éléments convoqué parle pour elle-même : Newman ne se cantonne plus à une époque, mais explore ici une large part des variations sur le thème rattachés aux Etats-Unis.

Un opus tout aussi captivant que les précédents, qui voit le retour d’un personnage qu’on pensait enterré avec le tome précédent. Centré autour de ce dernier et de trois femmes emblématiques des romans de la série (Geneviève, Kate et Pénélope), ce nouveau roman prend avec brio la suite de Dracula Cha Cha Cha et nous conduit ainsi de la Roumanie des années 70 aux Etats-Unis des années 90. Il démontre une fois de plus sa connaissance particulièrement étendue du thème, et les possibilités infinies offertes par celui-ci. Jubilatoire, what else ?

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *