Bousquet, Charlotte. Lettres aux Ténèbres

Récit vampirique moderne par excellence, Lettres aux Ténèbres est une histoire se scindant en trois parties distinctes, chacune complémentaire l’une à l’autre, comme les deux héros du récit. Autrefois muse et captive d’un écrivain, Ambre, vampire issue d’une ancienne et puissante lignée, est en proie au doute, ressasse son passé tout en redoutant l’avenir. L’assassinat de Khairan, l’un de ses seuls amis, la plongera dans le plus grand désarroi et, plus inquiétant, sur la voie dangereuse de la vengeance. Sa planche de salut prendra les traits de Lazzo, l’un des rares vampires à ne pas voir simplement en elle un monstre. Cet Enfant de la nuit rencontré à Paris lui redonnera le goût de vivre, d’exister, de part ses confidences écrites et les sentiments qui l’animent.

Lazzo – le Shilmulo –, vengeur du peuple tzigane, est un ancien inquisiteur au service d’Esculape, le seigneur vampire de Paris. Ce dernier cherche sa rédemption, remet en question l’humanité subsistant en son for intérieur ainsi que sa capacité de créer. Les aveux manuscrits d’Ambre éveillent une partie de lui-même qu’il croyait disparue à jamais et se surprend à vouloir mettre sur toile l’image de cette femme qui l’attire autant qu’elle l’effraye. Cette relation étroite se construit par l’intermédiaire d’épanchements rédigés sur les pages d’un carnet, chacun couchant à l’autre ses émotions sur le papier sans certitude aucune qu’elles seront lues. Des confidences décalées qui rapprocheront ces deux êtres solitaires, ces deux sphinx si proches de cœur, et qui leur permettront de puiser une force nouvelle afin de reprendre en main leur destiné.

La troisième partie réunit notre couple de vampires marginaux dans un final des plus haletant. Ils se voient confrontés à « Il Carnefice », une créature de la nuit malfaisante qui se trouve être également le plus terrible inquisiteur du prince de Paris. Un certain papyrus contenant des secrets sur les origines des plus anciens vampires est censé être l’objet de toutes les convoitises, à moins que la vengeance ne soit le véritable enjeu de cette traque mortelle dans laquelle proie et chasseur se confondent jusqu’à la dernière ligne. Sans en révéler plus que nécessaire, on peut dire que le dénouement est mené tambour battant d’une façon aussi surprenante qu’efficace ; les amateurs de récits fantastiques relevés apprécieront.

Lettres aux ténèbres est une histoire de vampires, une vraie comme on les aime : simple et complexe, romantique et violente, claire et obscure… Le récit est composé de mille facettes à découvrir, un peu à l’image de l’âme fragmentée d’un immortel. Intrigues et manipulations sont de rigueur dans ce récit de Charlotte Bousquet dans lequel Paris et Alexandrie sont autant de villes où l’influence des créatures de la nuit est omniprésente. L’ombre des vampires de Anne Rice, de leurs vécus et de leurs tourments, n’est pas loin non plus. Et puis, que penser de cette réflexion d’Ambre, alors assise dans un avion en partance pour Paris, qui se demande avec regret pourquoi les vampires ne peuvent-ils pas voler… Faut-il y voir un clin d’œil à la célèbre romancière américaine et certains de ses personnages « volants » ? L’intrigue quant à elle est menée tout en finesse, avec subtilité a-t-on envie de dire. Le style de l’auteur est délicieusement feutré, du moins dans les deux premières parties. Imprégnée d’une intimité savamment dosée, l’histoire progresse avec classe. Classe qui se répercute jusqu’aux héros mis en scène, charismatiques autant que fouillés et auquel on s’attache presque naturellement.

Proche de la nuit et des vampires qui y évoluent, Lettres aux Ténèbres se révèle après lecture une histoire porteuse d’espoir. Edité par les éditions du Calepin Jaune et préfacé par Jean Marigny, l’ouvrage comporte également des illustrations pleine page qui ne manquent pas d’immerger un peu plus le lecteur dans l’intimité de ses deux vampires si peu tendres avec eux-mêmes et pétris d’humanité. Car il est bien question avant toute chose d’humanité dans ce roman qui, en guise de douceurs, nous offre deux nouvelles fantastiques (« Little One » et « Cœur de ténèbres ») ainsi qu’une novella des plus réussie (« Balade du temps retrouvé », un hommage vampirique à François Villon).

Ses nombreuses qualités font que Lettres aux ténèbres fait indéniablement partie de ces ouvrages précieux que l’on a envie de terminer le plus lentement possible afin d’en saisir toute la substance et profiter un maximum du plaisir de lecture qu’il offre. Car il faut bien avouer que si un défaut peut être attribué à l’œuvre de Charlotte Bousquet, c’est bien sa trop courte durée. Mais que ne pardonnerait-on pas à une histoire se permettant de citer si judicieusement un certain « Who wants to live forever » entre ses pages, signe d’un bon goût qui n’a d’égal que l’inspiration à fleur de peau qui en émane.

2 réponses à Bousquet, Charlotte. Lettres aux Ténèbres

  1. charlotte dit :

    D’abord, merci pour cette chronique qui me touche énormément.

    Ensuite, juste une précision à propos d’amazon (je copie-colle le texte des éditions Le calepin jaune).
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  2. Vladkergan dit :

    J’ai refermé pas plus tard que ce matin les pages de la réédition par Rivière Blanche de Lettres aux Ténèbres et je ne peux qu’acquiescer face à la chronique dithyrambique d’Asmodée. Car quelque soit la manière dont on aborde ce recueil, qu’on s’intéresse à la nouvelle éponyme ou aux textes périphériques, force est d’avouer qu’on est là face à un recueil incroyable.

    Introduite par une bien sympathique nouvelle hommage à un vampirologue qu’on imagine facilement être Jean Marigny (qui signe à la fois la préface et, chose plus rare mais ô combien agréable, une des nouvelles), le recueil enchaîne rapidement sur la grosse Novella éponyme, divisée en trois parties, et placée sous le signe du style épistolaire. Un moyen rapidement immersif pour découvrir peu à peu les pensées, les doutes et les tourments de ces deux vampires possédant chacun leur part d’ombre.

    Puis, rapidement, se dessine l’intrigue, les raisons du départ de la vampire pour l’Egypte (faut-il y voir un hommage à la mythologie vampirique chère à Anne Rice ?). A notre insu, Charlotte Bousquet déploie un univers vampirique construit, certes emprunt du passif d’une rôliste qui a du user ses fiches de personnages en jouant à la Mascarade, mais qui a également su en tirer une substance foisonnante, qui ne prend jamais l’aspect d’un pastiche mal digéré.

    Que dire également de ces deux nouvelles où Charlotte Bousquet met en scène un François Villon devenu vampire ? La plume virevolte, le sens de la poésie de l’auteur fait merveille, et insuffle à ses histoires un soupçon de folie mêlé à une langue chantante, riche mais jamais pompeuse.

    Charlotte Bousquet, pour la réédition, a également su s’entourer de plumes aguerries pour ce qui a tarit au vampire. On prend donc plaisir a retrouver Jean Marigny qui délaisse pour la seconde fois l’étude du mythe pour y contribuer. Estelle Valls de Gomis, qui édita il y a quelques années le recueil chez Le Calepin Jaune, participe aussi à la présente réédition, et propose elle aussi une nouvelle des plus réussie.

    La première édition de Lettres aux Ténèbres avait déjà su s’attirer les faveurs des amateurs de littérature aux dents longues. Cette réédition achève ainsi de faire de l’ouvrage un incontournable du genre, et une très belle preuve des qualités littéraires de certains auteurs français.

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