Boudry, Alfred. Le Sang de Robespierre

En 1843, quelque part en Angleterre, cinq vampires s’éveillent de leur torpeur. Déjà perturbés par leur retour à la « vie », ils sont victimes la même nuit d’un rêve identique, d’où chacun conserve en mémoire les passages d’un étrange poème. Alors que des voisins font appel à eux, ayant conscience (de manière incomplète) du lien entre la petite coterie et le surnaturel, le petit groupe va se lancer à travers les routes d’Europe sur les traces d’un complot où sont impliquées plusieurs créatures de leur race. Un complot qui gravite autour d’une étrange société secrète, les Rosatis.

Le lecteur un tant soit peu connaisseur du monde de La Mascarade aura tôt fait de relever dès les premières pages des indices reliant le présent roman à l’univers du jeu de White Wolf. Pour autant, si le récit dérive effectivement d’une campagne écrite pour le jeu, Alfred Boudry a pris soin de libérer son livre de l’influence de l’univers en question, n’en conservant que quelques petites touches judicieuses qui ne nécessitent aucune connaissance de ce dernier, et ne viennent aucunement étouffer la trame.

La Révolution Française (et la Terreur) est un des points centraux du récit, le complot mis au jour par les cinq héros semblant intrinsèquement relié à la fin de la royauté. Si j’avais déjà eu l’occasion de lire au moins un roman vampirique situé à cette période, L’Échafaud pour Dracula de Fred Saberhagen, force est de constater qu’Alfred Boudry parvient davantage à ancrer sa trame dans la période, plutôt que de voir ladite période phagocyter l’intrigue (et le récit muer en cours d’histoire). Les moments d’Histoire qui émaillent l’histoire crédibilisent ainsi à merveille l’ensemble sans pour autant s’avérer trop pesant. Mieux, il y a interpénétration entre les deux. La partie ésotérique et alchimique vient également en contrepoint parfait, liant aussi bien la mythologie vampirique que l’Histoire. L’équilibre entre les différents éléments qui composent le récit est donc pour le moins réussi.

Alfred Boudry possède en outre une plume d’une belle efficacité. Faiseur d’histoires, adepte du jeu avec l’Histoire, il possède également un certain style qui permet au lecteur de se plonger progressivement dans l’intrigue, jusqu’à ne plus pouvoir en sortir. Car si les premiers chapitres peuvent sembler être un peu long à démarrer, l’ensemble est fluide, jamais frustre et distille un soupçon d’onirisme de bon ton.

Le mythe du vampire est particulièrement présent dans le récit, comme on peut s’en douter au vu du pitch d’origine. On suit donc le destin de cinq vampires sortis de leur torpeur (une période de stase durant laquelle les vampires se coupent du monde) qui vont remonter une conspiration composée aussi bien de vampires que d’humains. On verra ici que si les vampires peuvent se passer un temps de sang, celui-ci leur est nécessaire pour utiliser pleinement leurs pouvoirs, tous ne disposant pas des mêmes. Ainsi s’ils semblent tous à même de se déplacer à grande vitesse, certaines habiletés comme celle de pouvoir effectuer des voyages astraux ou l’art de la divination ne sont pas du fait de tous. Et si le soleil s’avère dangereux (dans une certaine mesure) pour les vampires, la décapitation reste le moyen le plus sûr de venir à bout d’une créature de la nuit.

Un ouvrage qui mélange avec homogénéité les différents éléments qui le composent (contexte historique, éléments ésotérique…) et propose au final une intrigue réussie, qui happe peu à peu le lecteur. Si on peut reprocher une fin qui tire légèrement en longueur, le résultat, dense sans être pompeux, est un véritable plaisir de lecture.

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