Silhol, Léa. Interview. Du CEV à l’Oxymore

Bonjour Léa. Pouvez-vous vous présenter pour les internautes de Vampirisme.com ?

Bonjour, je m’appelle Léa et je suis accro au fantastique.

Je pratique ou ai pratiqué une petite dizaine de disciples artistiques, dont ma préférée absolue reste la musique. J’ai été parolière, bassiste et chanteuse dans des rock bands, attachée de presse, directrice littéraire dans l’édition, romancière / écrivain, essayiste et (dit-on), une des grandes spécialistes de nos amis aux dents longues, dans l’Hexagone et ailleurs.

Et, même si je me présente en mode « vampiromanes anonymes », je n’ai aucune intention de devenir abstinente.

Silhol, Léa. Interview. Du CEV à l'OxymoreLes amateurs de vampires entendent relativement tôt parler de vous, via le Cercle d’Etude Vampirique, qui publie 10 numéros de la revue Requiem, entre 1996 et 2001. Vous pouvez nous parler de la naissance du CEV, de ses objectifs initiaux et ses projets ?

Rewind : 1995, une bande de potes est installée autour d’une table de bar, et l’une d’entre eux (moi) se plaint qu’il n’existe, en France, aucune association dédiée à l’étude du mythe vampirique, alors que ces structures sont nombreuses et hyper-actives dans les pays anglo-saxons. Dorian Machecourt, l’un des autres amis rassemblés autour de cette table, réplique que, plutôt que de nous lamenter à propos de cette lacune, nous serions mieux inspirés de la combler. Plusieurs autres en rient aussitôt, et répondent : « banco ». Une semaine plus tard à peu près, nous déposions l’association. Nous avons découvert ultérieurement qu’il existait deux groupes, en France, qui avaient monté peu avant des structures dédiées à l’ensemble des « créatures de la nuit » : vampires, mais également loups-garous, etc. Pour notre part, nous nous sommes toujours focalisés uniquement sur la figure du vampire, dans le légendaire et dans les arts.

Silhol, Léa. Interview. Du CEV à l'OxymoreNotre but initial était de simplement partager tous les matériaux culturels qui se faisaient les vecteurs de ce thème, et peut-être d’élucider, à travers tout cela, pourquoi il nous parlait autant.

Requiem, notre revue, ne constituait qu’un pan de nos activités. Nous tenions des soirées de discussions autour du thème, une bibliothèque de prêt, des annuaires de mise en relation des membres, des bulletins d’info, etc. C’était très bouillonnant et sympathique. Beaucoup de jolies rencontres, à cette époque, dont des personnes qui sont devenues ensuite des partenaires au long cours.

Puis, vous appuyant sur l’équipe du CEV, vous donnez naissance à l’Oxymore, une maison d’édition qui s’est avérée incontournable dans l’histoire de l’édition française pour ce qui est de l’imaginaire, et qui mit le pied à l’étrier à des auteurs comme Sire Cédric, Mélanie Fazi, Léo Henry. Vous pouvez nous parler de la genèse de la maison d’édition et de son fonctionnement à l’époque ?

Silhol, Léa. Interview. Du CEV à l'OxymoreJe vais commencer par dire : non. 😉
J’ai dû le répéter mille fois mais… je n’ai pas fondé l’Oxymore. C’est là une confusion qui me gêne beaucoup, dans la mesure où je ne suis pas fan du principe de « tirer la couverture à soi ». Je ne dirigeais pas l’Oxymore non plus, et n’étais qu’une des sept actionnaires, occupant le poste de senior editor et directrice artistique.

Nous ne nous sommes pas vraiment « appuyés » non plus sur le CEV pour monter l’Oxy.
Nous étions simplement, comme la première fois, une bande d’amis souhaitant réaliser des projets ensemble.

L’Oxymore est née de façon aussi cocasse que le CEV. Lors de la célébration du Centenaire Dracula, en 1997, l’attachée de Presse de Pocket nous a fait part de son appréciation de la façon dont tout avait été organisé, et ajouté qu’à son sens « nous étions faits pour ce job ». Ce job ? Lequel ? Organisateurs d’événementiels ? « Non, » dit-elle « Éditeurs. » En ajoutant que, si nous nous lancions un jour, elle aimerait travailler pour nous. L’écrivain Alain Pozzuoli a renchéri en s’exclamant : « Si vous le faites, je veux en être ! ». Nous avons échangé un regard amusé, et peut-être un peu perplexe. Mais voilà, au final : deux ou trois mois après cela, l’idée avait fait son chemin, et nous posions les bases de l’Oxymore avec, notamment, Alain Pozzuoli (autre suspect bien connu des Services de Surveillance des Amis des Vampires). Nous avons pris les contacts et travaillé nos premiers titres avant même la création de la boîte, en 1999.

Silhol, Léa. Interview. Du CEV à l'Oxymore

En parallèle de la maison d’édition, nous avons monté notre propre structure de diffusion-distribution, et tout était donc effectué ‘en interne’. Un travail harassant, qui ne nous laissait que peu d’heures de sommeil, et moins encore de vacances. Mais l’ambiance dans les bureaux était extraordinaire, et je ne suis jamais allée au travail une seule fois en traînant les pieds, à cette époque. Je crois qu’assez souvent c’est le volume de la musique qui bombardait nuit et jour dans les locaux qui nous tenait debout !

Silhol, Léa. Interview. Du CEV à l'OxymoreNous n’avions pas pour objectif de devenir riches, ou les rois du marché. Juste de sortir les livres les plus accomplis et inventifs possibles, et de ne publier que des ouvrages qui nous enthousiasmeraient, sans nous demander plus que de raison s’ils correspondaient à la mode, aux attentes de l’industrie, ou aux études de marketing. Juste la passion, juste le fuel.

C’est pourquoi, oui, nous avons toujours publié, à traitement égal, des débutants aux côtés d’auteurs déjà très connus. Et, de même, avons préféré fermer la boîte que de devoir commencer à devenir des mercenaires, quand la crise du livre a frappé, en 2004-5.

Le premier essai publié par l’Oxymore, Vampire : portraits d’une ombre, est un recueil des actes des conférences qui se sont tenues pour le centième anniversaire de la publication de Dracula, en 1997. De quelle manière le CEV était-il impliqué ? Les actes publiés sont-ils complets ou y a-t-il d’autres interventions qui n’ont jamais été diffusées à cette époque ?

Silhol, Léa. Interview. Du CEV à l'OxymoreLe CEV a organisé de A à Z un festival autour de cette date historique. Cela le valait bien !
Il y a eu les conférences, en effet, et des projections cinéma, des expositions d’artistes picturaux, des rencontres avec les auteurs invités autour de repas en restaurant, des soirées à thèmes en boîtes de nuit, des séances de dédicace… Bref, tout ce qui se fait, hypothétiquement, dans ces cas-là. La série de conférences ne constituait qu’une partie des festivités.

Certaines interventions du colloque n’ont pas été suivies d’articles, et sont donc absentes de Vampire : Portraits d’une Ombre. J’ai augmenté cet ouvrage, en revanche, d’interventions d’auteurs que nous n’avions pas eu les moyens financiers de faire venir d’aussi loin que les USA (Katherine Ramsland et Raymond McNally, par exemple), ainsi que d’articles des « officiers du CEV » qui, occupant de poste de maîtres de cérémonie lors du colloque n’avaient évidemment pas joué en sus les conférenciers.

Pour parler de Tanith Lee, dont vous  étiez proche, comment avez-vous découvert cette auteur et comment avez-vous fini par publier autant de textes de sa main (romans mais aussi nouvelles, quasi-invisibles chez nous alors) ? Quel regard portez-vous sur l’œuvre de cette auteur dont énormément de textes restent encore non traduits par chez nous ?

Silhol, Léa. Interview. Du CEV à l'OxymoreJ’ai découvert Tanith alors que je devais avoir vingt ans, peut-être. J’explorais la fantasy depuis deux petites années. Une amie m’a offert un de ses ouvrages, pensant que cela « pourrait me plaire ». Ce fut évidemment le cas ! J’ai toujours lu de la SF, du fantastique et genres affiliés, mais ce n’était pas mon terrain de prédilection. Ma connaissance de la fantasy, notamment, était très loin d’être encyclopédique. J’étais une consommatrice de littérature générale, classiques internationaux, littérature expérimentale, philo, et non-fiction, principalement. À la suite de ma première lecture de Lee, j’ai lu tout ce qui avait été publié d’elle, en Français puis en VO.

Silhol, Léa. Interview. Du CEV à l'OxymoreDes années plus tard, lorsqu’elle s’est enfin dotée d’un site web, j’ai contacté son webmestre en lui disant que je serais intéressée par les coordonnées de l’Agent de Lee, en vue de publier une de ses nouvelles dans une anthologie. À ma grande surprise c’est l’auteure elle-même qui m’a répondu : elle avait visité le site de l’Oxymore et le mien, et s’est dite très intéressée par ce que nous faisions. L’alchimie a fonctionné, entre nous deux, de façon presque foudroyante. Nous sommes rapidement devenues, effectivement, très proches. Au point qu’à un moment donné elle m’a envoyé littéralement tout ce qu’elle avait écrit, y compris les inédits, en me disant de « piocher dans le tas », à chaque fois que je voudrais un texte pour une de nos anthologies. Publier un des ses auteurs préférés est une expérience très singulière, surréaliste. Quelque chose de véritablement unique.
Et c’est ce que Tanith Lee était alors, et demeure : mon auteur préféré, parmi les contemporains. Il me faudrait mille pages pour parler de l’imaginaire de Lee. Elle est à un milliard de kilomètres de la littérature industrielle qu’on nous sert actuellement au tonneau. Une grande plume, et une dame plus grande encore. Il n’y a pas un seul jour, depuis son décès, où elle ne me manque pas. Le reste… bah.

Lire la deuxième partie de l’interview : Production personnelle et inspirations

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