Grau, Jorge. Cérémonie Sanglante. 1973

1807. Le village de Caltice est secoué par ce qui pourrait être les attaques d’un vampire. Un ancien rituel identifie le défunt Plojovitz comme étant l’auteur de celles-ci, dont sa femme et sa fille sont les principales victimes. Le marquis Karl Ziemmer, dont le château domine les lieux, siège au tribunal chargé de juger l’affaire. Pendant ce temps, son épouse Erzebeth est de plus en plus obsédée à l’idée de vieillir. Alors qu’elle est coiffée par une de ses servantes, celle-ci se blesse et une goutte de sang touche la peau de la marquise, qui semble rajeunir. La suivante d’Erzebeth lui rappelle à ce moment-là l’histoire d’une de ses ancêtres, qui avait trouvé dans le sang de jeunes vierges le remède contre le vieillissement.

Cérémonie Sanglante est un film espagnol qui se penche de manière relativement libre sur le personnage de la Comtesse Bathory. On est ici aussi loin du Countess Dracula (1971) de Peter Sasdy que de l’approche de films plus récents comme le Bathory (2008) de Juraj Jakubisko ou de La Comtesse (2008) de Julie Delpy. L’héroïne n’est pas l’aristocrate bien connue, mais une de ses descendantes. Pour autant, son obsession pour la jeunesse éternelle va la voir passer par les mêmes obsessions, et l’histoire va se répéter. Le film convoque une ambiance gothique qui en appelle à la Hammer, mais ne montre finalement aucun élément fantastique à l’écran, laissant au spectateur le soin de trancher.

Cérémonie Sanglante est une variation très originale sur l’histoire de la comtesse, qui convoque au passage des éléments issus d’un folklore vampirique beaucoup plus large. Pour autant, le film n’est aucunement de bric et de broc, et le récit est mené sans temps morts ni retournements de situations peu convaincants. L’ensemble est bien réalisé et filmé, structuré autour de deux trames qui ne cessent de se recouper (le procès initial du vampire, les obsessions d’Erszebeth). Les habitués du genre retrouveront des éléments déjà vus à l’écran (que ce soit à cette époque, ou dans les longs-métrages sortis depuis), mais Jorge Grau tire son épingle du jeu. A noter que s’impose rapidement le couple Erszebeth/Karl, tous deux atteints de perversions et d’obsessions qui les mèneront à leur perte.

Malgré l’absence de scènes surnaturelles, la totalité du film baigne dans le folklore vampirique. Les remières images montrent ainsi les villageois à la recherche du vampire qui sévit à Caltice. Pour identifier la tombe du concerné, ils font parcourir le cimetière à un jeune homme nubile monté sur un cheval n’ayant jamais sailli, lequel finit par se cabrer sur ce qui est considéré comme « la » tombe abritant le buveur de sang. L’un des villageois brandit alors un pieu et un maillet, qui servent à empêcher la créature de revenir, et on disposera du corps du vampire dans les flammes, après l’avoir décapité. Le métrage fait une référence évidente à Carmilla par l’entremise d’un personnage de ce nom, sorte de sorcière qui conseille la fille de l’aubergiste. Même chose pour le magistrat Helsing, qui siège lors du procès. Et que dire du supposé vampire sur lequel s’ouvre le film, Plojovitz ? Une allusion à peine voilée à l’un des plus fameux cas de vampirisme, dont le Marquis d’Argens a été un des premiers à faire état, dans ses Lettres Juives. A noter enfin la mise en scène d’un procès pour vampirisme, au cours duquel les personnes considérées comme harcelées par ce dernier viennent justifier de l’importance de se débarrasser de leur tortionnaire en respectant la tradition.

Un film aussi inédit par chez nous qu’assez innovant dans son genre, en cela qui mêle à la fois références littéraires et aspects folkloriques (le rituel du cheval et du jeune garçon étant très peu utilisé au cinéma). L’ensemble n’est certes pas vraiment fantastique, mais l’ambiance dans laquelle évoluent les personnages, les acteurs convaincants et une image aussi gothique que réussie achèvent d’en faire une oeuvre à considérer. La version Artus Films vient dans un très joli digibook, qui propose autant un livret de 64 pages signé Didier Lefèvre (connu pour être la tête pensante du fanzine Medusa) que des scènes coupées (tirées du montage à l’exportation du film, qui dévoile davantage ses protagonistes féminines), complété d’une présentation de Cérémonie Sanglante par l’incontournable Alain Petit.


Grau, Jorge. Cérémonie Sanglante. 1973 Grau, Jorge. Cérémonie Sanglante. 1973 Grau, Jorge. Cérémonie Sanglante. 1973

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