Solomine, Serguei. « Le Vampire »

Au moment où le narrateur rencontre Boklevski, ce dernier a déjà une sinistre réputation. En effet, ce dernier s’est marié par deux fois… pour finir deux ans plus tard par entamer un veuvage, ses deux femmes étant mortes de curieuse façon. De quoi valoir à Boklevski le surnom de « Barbe-Bleue ». Peu de temps après avoir fait la connaissance du personnage, le conteur apprend de la bouche même de sa nouvelle relation qu’un troisième mariage serait en vue. La nouvelle future épouse va-t-elle subir le même sort que celles qui l’ont précédée ? Et comment expliquer ce funeste sort ?

Si je suis depuis un petit moment déjà la production de Lingva, une maison d’édition spécialisée dans la littérature russophone, c’est la première fois qu’un de leurs textes a la possibilité de se retrouver chroniqué dans ces pages. Il s’agit ici d’une nouvelle très courte (quatorze pages) de Sergueï Solomine, auteur russe pour le moins prolifique (et toujours disponible en édition originale), mais quasi-inconnu dans nos contrées.

Le récit est à la première personne, le conseiller juridique de Boklevski jouant le rôle du narrateur homodiégétique. Il s’intègre ainsi lui-même dans l’enchaînement des événements, entre le 2e et le 3e mariage du personnage central. Un procédé somme toute assez classique des récits fantastiques de cette époque, qui offre une meilleure immersion (et la possibilité de disposer d’un intermédiaire entre le lecteur et l’histoire).

Si cette nouvelle ne brille pas forcément par la structure de sa narration, ni par l’enchaînement des événements, elle tire pour autant son épingle du jeu par la manière dont l’auteur se raccroche au thème du vampire, introduisant une hésitation entre une forme médicale du vampirisme (pour le moins avant-gardiste en 1912) et une version psychique de ce dernier. Car si les femmes de Boklevski semblent vouées à finir vidées de la moindre force physique, l’auteur ne fait aucune allusion au sang. Et c’est dans les dernières lignes du récit que le narrateur proposera une conclusion sous la forme de deux versions de l’origine du mal qui s’est joué autour de « Barbe Bleue ».

Un texte certes court dont la structure ne révolutionne pas le genre mais qui, de par son utilisation de la figure du vampire, entre pathologie et psychisme, s’avère pour le moins novatrice à son époque. Une curiosité pour les amateurs.

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