Collectif, dirigé par Francis Lacassin. Vampires, une anthologie

Francis Lacassin, journaliste et anthologiste reconnu, s’est un jour penché sur le cas des saigneurs de la nuit. Ce recueil vise à faire (re)découvrir des classiques et des textes-jalons de la longue histoire des vampires dans la littérature mondiale.

Et on commence par un texte datant de 1749, où l’abbé Augustin Calmet passe en revue un certains nombre d’anecdotes relatives aux vampires, souvent localisées dans l’Europe de l’Est : Hongrie, Silésie, Serbie… Certaines de ces histoires sont connues, mais d’autres sont plus confidentielles. Parmi les histoires relatées, il en relève certaines, où l’étiquette vampirique serait galvaudée, l’état tout particulier des créatures étant dû à des états de santé inconnus, singeant la mort. Certaines personnes seraient ainsi ressorties de leurs tombeaux, injustement inhumées. D’autres seraient le fait de superstitions païennes et d’obscurantisme paysan. Il est à noter que malgré son jugement global, l’Abbé Calmet s’est attaché à retranscrire de la façon la plus neutre possible ces histoires.

Le récit suivant est l’un des actes fondateurs du genre vampirique ; il s’agit du Vampire de John William Polidori, ancien secrétaire du poète Lord Byron, auquel ce texte fut attribué à tort pendant un certain temps. Il y conte l’aventure d’un jeune aristocrate du début du XIXème siècle (le roman date de 1819) qui parcourt le sud de l’Europe avec un homme étrange, dont il découvrira fortuitement la nature malsaine. Après l’avoir quitté, il le retrouvera sur son chemin sans cesse, comme un fantôme, jusqu’à provoquer son trépas.

E. T. A. Hoffmann nous conte en 1828 l’histoire de La Vampire. C’est l’histoire d’un amour fou, d’un homme qui découvre que sa femme se comporte étrangement… Jusqu’au jour où elle lui saute dessus pour le mordre à la gorge…  Ce texte est assez lent, symptomatique du style de l’auteur.

Nicolai Gogol nous parle du Vij, un personnage récurrent des traditions russes, ici présent lors des cérémonies de prière au chevet d’une jeune femme morte. Le héros est un étudiant en théologie, qui est appelé à remplir cet office mais sera confronté à l’irruption d’un grand nombre de créatures infernales. L’un des textes les plus difficiles du présent recueil, eu égard à des repère culturels parfois compliqués à appréhender, à un récit brouillon et -peut-être- à une traduction défaillante.

La Morte amoureuse, écrit en 1836 par Théophile Gautier, est un classique de la littérature fantastique française. C’est l’histoire de Romuald, jeune homme un brin naïf, qui tombe le jour de son ordination (en tant que prêtre) sur le regard de Clarimonde, une demie-mondaine qui l’ensorcelle immédiatement. Mais, tenu par ses voeux de chasteté, il restera tranquille jusqu’au jour où il sera appelé au chevet de ladite Clarimonde, pour lui administrer les derniers sacrements. Mais il arrivera trop tard ; alors, transporté par sa beauté intacte par-delà la mort, il osera lui faire un baiser. Dès lors il ne connaîtra plus la paix de l’esprit, ni du corps…

La Dame pâle est un récit d’Alexandre Dumas qui conte les mésaventures d’Hedwige, fille d’un seigneur polonais, qui doit fuir l’avancée de l’armée russe pour se réfugier dans un couvent des Carpathes. Elle va tomber dans une embuscade, puis entre les mains d’une étrange famille ancienne, les Brancovan, sur laquelle pèse une étrange malédiction… Ici le fantastique est diffus, et ne fera son apparition qu’en fin de récit, de façon classique dans un récit où l’amour courtois règne en maître.

La Famille du Vourdalak prend pied dans les Balkans, lorsque le patriarche d’une famille part en expédition pour supprimer un bandit turc qui terrorise et pille la région. Lorsqu’il revient, son état est changé… Un Vourdalak est un vampire classique, qui a la particularité de choisir ses victimes au sein de sa propre famille ou de ses amis. A noter que le récit est une mise en abyme, puisqu’il est le fait d’un noble français invité dans un salon viennois.

La trace vampirique est assez mince dans le Lokis de Prosper Mérimée ; celui-ci nous conte l’histoire d’un érudit allemand, en voyage d’études en Lituanie, qui assiste (et même ordonne) le mariage du Comte chez lequel il réside avec un jeune bourgeoise des environs. Le poète a placé des références culturelles slaves dans son histoire, ainsi que des anecdotes croustillantes (et saignantes) dans le récit que fait son personnage principal (en particulier l’obligation dans laquelle il s’est trouvé de boire le sang de son cheval pour ne pas mourir de soif en Uruguay), et seule la toute fin permet de penser à une histoire vaguement vampirique.

Un épisode de Dracula, retraçant l’arrivée et une partie du séjour de Jonathan Harker au château du célèbre comte, referme la partie consacrée au XIXème siècle dans l’anthologie. On y retrouve toute la puissance de l’écriture de Stoker, et l’initiation du jeune solicitor anglais à un monde nouveau, plein de terreur, de tentations et de folie.

L’entrée dans le XXème siècle propose l’exploration de nouveaux horizons vampiriques. D’abord avec Lafacadio Hearn, écrivain irlandais naturalisé japonais, auteur de nombreux récits sur le folklore nippon, qui nous raconte l’histoire de Chûgôrô, jeune militaire qui se retrouve sous l’emprise d’une créature néfaste.

Le texte suivant nous emmène sur Mars, sous la plume de Gustave Le Rouge qui l’explora peu avant Edgar Rice Burroughs. L’extrait de La guerre des Vampires (1909) proposé nous emmène dans les pas de Robert, mathématicien, qui découvre une peuplade de créatures volantes, presque sans visage et ayant des palpes pour seuls membres, qui vouent un culte de terreur envers une montagne mystérieuse. Une véritable découverte, au carrefour des genres, qui appelle une lecture plus approfondie.

Jean Ray, pape belge de l’imaginaire, raconte dans Le Gardien du cimetière l’histoire d’un homme qui découvre l’effroyable secret d’une duchesse richissime, originaire du centre de l’Europe, qui a acheté pour son compte un cimetière désaffecté… Un récit court (une dizaine de pages), mais très efficace et présentant une figure vampirique classique.

Un bond de presque 60 ans (de 1918 à 1976) pour parvenir à l’ultime extrait, celui d’Entretien avec un vampire, le roman d’Anne Rice qui a un peu renouvelé le genre. L’extrait choisi nous ramène à l’époque où Louis raconte sa transformation, sa découverte de nouvelles sensations, de nouveaux pouvoirs… Assurément un jalon important du genre.

Dans cette anthologie Francis Lacassin propose une belle sélection de textes importants dans le thème du vampirisme, certains très connus, d’autres plus obscurs, mais la plupart intéressants, même si la figure vampirique y connaît plusieurs déclinaisons.

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