Ashton Smith, Clark. Mondes derniers : Zothique et Averoigne

Clark Ashton Smith est un des auteurs emblématiques de la revue Weird Tales, aux côtés de Robert E. Howard et de H.P Lovecraft. À la fois poète, peintre, sculpteur et nouvelliste, Smith a donné vie à ses propres univers imaginaires, au rang desquels on compte notamment Zothique et Averoigne. C’est notamment dans ces deux mondes que nous invite le premier recueil de l’intégrale fantasy de l’auteur, publié en trois volumes par les Editions Mnémos.

Zothique est ainsi le premier univers dont les textes ont été retraduits et rassemblés ici. Il s’agit d’un continent unique, qu’on apprend être le futur d’une humanité, plusieurs milliers d’années après notre temps, qui aurait régressé, où la magie aurait pris le pas sur la technologie. Les caractéristiques du cycle lui valent ainsi d’être rapproché du Cycle de la Terre Mourante de Jack Vance, et d’être catégorisé dans le sous-genre associé, même si le corpus des textes de Vance est postérieur.

Zothique est représentatif de la multiplicité des talents de son auteur. Le cycle intègre ainsi seize nouvelles complètes, une pièce de théâtre en un acte, et une multiplicité de fragments. Chronologiquement situé à la fin de notre civilisation, Zothique est le dernier continent habité, à la fin des temps. La technologie a été oubliée des hommes, qui se sont tournés vers un culte polythéiste complexe , où les allégeances varient en fonction des villes et des royaumes qui composent l’île-continent. Cultes innommables et recours à la nécromancie sont ainsi au cœur des textes qui composent cet univers. Les créatures qui y sont mises en scène ne sont pas de facto traditionnelles, mais reposent sur des caractéristiques connues. Il n’y a donc rien de surprenant à identifier, au fil des récits, des créatures qui en appellent à la figure du vampire.

Dans «le voyage du roi Euvoran», le roi et ses hommes arrivent sur une île où ils sont attaqués par des vampires, présentés comme des créatures capables de voler qui ne se déplacent que la nuit tombée, et se repaissent de sang. Dans «Les nécromants de Naat», l’auteur met en scène Esrit, familier de Vacharn, à qui ce dernier doit offrir du sang frais de manière régulière, pour sceller l’alliance qui les unit. Dans «Morthylla», le poète Valzain, lassé des frasques qui se succèdent chez Famurza, son mentor, et de plus en plus attiré par le macabre, prend la direction de la nécropole perdue entre Umbri et Psiom. Un endroit que tous évitent, et qu’on dit hanté par une lamie qui ne laisse jamais repartir ses victimes.

Ces trois textes mettent ainsi en scène (même si pas en même temps) les caractéristiques maîtresses du vampire : la nécessité de boire du sang, celle de ne se montrer / ne se déplacer que la nuit venue, et la capacité à subjuguer leurs victimes. On peut rajouter la capacité de voler, même si cette dernière est plus mineure.

Averoigne est le deuxième univers de Clark Ashton Smith qui est exploré dans cette première intégrale. Il s’agit d’un cycle qui se déroule dans la France médiévale, dans une sous-région imaginaire de l’Auvergne. La région possède une cartographie détaillée, avec un certain nombre de ville, de châteaux en ruines et de monastère. Mais surtout, son impénétrable forêt, où le surnaturel peut paraître à chaque détour de sentiers.

Averoigne est un univers plus proche, comparativement à Zothique, d’un fantastique traditionnel. On y note ainsi l’opposition entre le religieux et le païen (dont la magie et la sorcellerie), et un ancrage plus fort dans le réel (en raison de l’appartenance de la région à la France médiévale. Si tout se déroule sur un territoire restreint, l’auteur mentionne plusieurs villes françaises réelles au cours de ses récits). À l’image des autres univers de Smith, le cycle se compose d’un ensemble de textes variés : onze nouvelles, un poème et six fragments inachevés.

J’aurai cru que le thème du vampire allait davantage être présent que dans les textes de Zothique, mais hormis des allusions à des vampires de-ci de-là, il n’y a réellement qu’une seule nouvelle à mettre en scène une créature vampirique. Dans «La fin de l’histoire », Christophe Morand, étudiant en droit à Tours, découvre un manuscrit qui va l’entraîner dans les profondeurs du château de Fausseflammes. Il sera sauvé in extremis des rets de la Lamie Nycéa par l’exorcisme de l’Abbé de Périgon. Des vampires classiques, l’appartenance du surnaturel à la nuit, et le pouvoir de subjuguer que possèdent les créatures sont les caractéristiques principales exploitées ici.

Je ne connaissais Smith que de manière éparse, après avoir lu quelques nouvelles dans les anthologies Weird Tales établies par Jacques Sadoul. Force est de constater que l’auteur possède un style assez unique, beaucoup plus littéraire que ses contemporains (avec un langage plus riche que la présente traduction met relativement bien en valeur). Un auteur qui méritait de voir son corpus fantasy remis au goût du jour chez nous, étant qu’une large part était à ce jour indisponible, publié chez NéO ou dans les recueils sus-cités, aujourd’hui indisponibles. D’autant que Mnémos a mis les petits plats dans les grands : Zothique/Averoigne est le premier volet de trois très beaux livres hardcover (il est suivi d’Hyperborée/Poséidonis et Autres Mondes), magnifiquement illustrés par Zdzisław Beksiński, préfacé et postfacé par Alex Nikolavitch. L’édition crowdfunding arrive en coffret, avec pléthore de goodies (dont les cartes grands formats), et une maquette absolument superbe. Du très beau boulot, aussi bien sur le fond que sur la forme !

Ashton Smith, Clark. Mondes derniers : Zothique et Averoigne

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