Moore, Catherine L. Les aventures de Northwest Smith

Jusque-là édité sous le titre Shambleau (titre de la première nouvelle phare du recueil), Les aventures de Northwest Smith reprennent l’ensemble des récits mettant en scène Northwest Smith, le personnage de baroudeur de l’espace imaginé par Catherine L. Moore. Depuis les déserts de Mars jusqu’aux incroyables cités vénusiennes, le lecteur suit les péripéties du personnage (parfois accompagné par son ami vénusien Yarol, quand ce dernier n’est pas juste le deus ex machina du récit), et sa capacités à se retrouver dans des situations dangereuses pour les beaux yeux d’une femme.

Premier texte du recueil, qui par le passé donna son titre au recueil dans ses autres éditions : «Shambleau». Northwest Smith sauve de la vindicte martienne une étrange jeune femme, que la populace accuse d’être une Shambleau. Ignorant du terme, Northwest la prend sous son aile… et découvrira finalement qu’il a invité chez lui une créature humanoïde particulièrement dangereuse, qui séduit ses proies pour mieux s’abreuver de leur force physique. Un de textes les plus marquants de ce qu’on nomme le vampire psychique, qui puise dans la mythologie grecque (via la figure de Méduse) et fait des allusions directes au thème du vampire.

Deuxième texte, «La soif noire» voit Northwest se laisse entrainer par une vestale de circonstance au cœur de la Minga, un château antédiluvien situé en pleine capitale vénusienne. Un nouveau récit qui conduit le personnage à faire la rencontre de l’Alendar, qui veille jalousement sur les plus belles femmes au monde. La beauté de certaines allant jusqu’à être difficile à supporter pour le commun des mortels. On découvrira ici un nouvel avatar de vampire psychique, dans un récit qui flirte autant avec la SF qu’avec la dark fantasy. Une fois de plus, Catherine L. Moore réinvente la figure classique du vampire tout en maintenant des liens directs avec cette dernière.

«Rêve écarlate» met en scène Northwest prisonnier d’un rêve étrange, dans lequel il fait la connaissance d’une jeune femme qui l’initie à la vie dans ce monde où les journées ne sont que farniente. Reste le danger représenté par les végétaux (notamment une herbe qui aspire le sang des marcheurs imprudents) qui environnent la région où les humains semblent destinés à rester, leur alimentation étant suspendue à des robinets qui déversent… du sang. Le thème du vampire n’est ici pas aussi frontalement exploité que dans les précédents textes, mais il reste présent.

Dans «Julhi», Northwest Smith se réveille prisonnier dans une ville en ruine, perdue sur une petite île. Il découvre qu’il a été emmené ici pour servir de pâture aux revenants de Vonng, des créatures d’une autre dimension qui se repaissent des souvenirs et du sang. L’un de ces revenants, Julhi est parvenu à stabiliser sa présence dans notre dimension. Northwest tombe sous le charme, mais à quel prix ? Un récit qui met en scène des créatures vampiriques qui s’abreuvent autant du psychisme (les souvenirs) que du physique (le sang, en ponctionnant à même le cœur des victimes).

«La nymphe des ténèbres» est un texte jusque-là absent des éditions françaises de Shambleau, et co-écrit avec Forrest J. Ackerman. En France, c’est via les anthologies Weird Tales de Jacques Sadoul qu’on avait eu connaissance de ce récit appartenant au cycle de Northwest Smith. Ce dernier, sauvant une jeune femme mystérieuse, se retrouve mêlé à un étrange culte où une race antédiluvienne, les Nov, honore une entité des ténèbres via la fille de ce dernier. Et bien évidemment, les Nov savourent le sang humain, qu’ils ponctionnent à même la gorge de leurs victimes.

«Yvala» est également un récit à teneur vampirique. Smith et Yarol sont engagés par des esclavagistes pour explorer une mystérieuse planète, qui semble abriter des femmes d’une beauté insurpassable. Ils seront confrontés à la mystérieuse Yvala, capable de prendre la forme de la beauté recherchée par ses interlocuteurs, mais qui s’abreuve de l’humanité des hommes, jusqu’à les transformer en animaux.

«Paradis Perdu»voit Northwest et Yarol venir en aide à un Sélès, une ethnie terrienne particulièrement ancienne, venue d’un royaume aujourd’hui disparu. Et pour les remercier, ce dernier leur révèle le secret le mieux gardé de son peuple, qui va les conduire à travers le temps et l’espace, aux derniers instants du royaume de Sélès, sur la lune. Là, ils rencontreront une entité tutélaire à laquelle les habitants se sacrifient un à un, permettant ainsi la survie de leur monde. Une entité qui s’abreuvent de leur essence même, et à laquelle ils doivent se soumettre volontairement.

«L’Arbre de vie» est un de mes textes favoris du cycle. Northwest, réfugié dans une ville martienne en ruine alors qu’ils est poursuivi par les autorités, est attiré par une mystérieuse jeune femme en pleurs, laquelle l’entraine dans un univers parallèle, en marge du temps et de l’espace. Un univers où on révère Taag, l’arbre de vie, qui attire à lui tel une sirène ceux dont il se nourrit.

Si Catherine L Moore n’a pas inventé la science fantasy, elle n’en demeure pas moins une des auteur les plus marquantes du genre, et Northwest Smith une de ses figures emblématiques, aux côtés du John Carter d’Edgar Rice Burroughs, du Morgan Chane d’Edmond Hamilton ou du Eric John Stark de Leigh Brackett. A leur instar, Northwest Smith est l’archétype de l’aventurier baroudeur qui n’a pas froid aux yeux, et se retrouve plus souvent qu’à son tour empêtré dans des histoires périlleuses. Soit par appât du gain, soit attiré par les promesses à peine voilées d’un personnage féminin (bien souvent destiné à le conduire à sa perte). Si l’ensemble des récits sont construits sur le même schéma narratif, il n’en de meure pas moins que Moore maitrise ses ambiances, et se plait à détourner les mythes classiques (le vampire, bien évidemment, mais pas que) dans son univers de science-fiction où l’espace n’est plus une frontière (même si les trames se déroulent essentiellement sur des planètes qui nous sont connues : Mars, Vénus, La Terre…). Sans oublier la touche de sensualité qui se dégage de l’ensemble des textes, à travers les figures féminines marquantes qui se succèdent dans les différents récits.

Les vampires empruntent de nombreux visages dans ces différents textes (rares sont les nouvelles du recueil à ne pas faire ne serait-ce que des allusions à des éléments vampiriques). Tantôt humanoïdes, tantôt végétaux, les vampires qui émaillent ces récits ne s’en prennent pas exclusivement au sang de leurs victimes, mais aussi à leur force vitale, leurs affects ou leurs souvenirs. Et si la femme n’est pas toujours la créature vampirique du récit, elle est a minima celle qui attire le héros dans les rets du buveur.

A noter trois textes (dont deux qui intègrent pour la première fois le recueil) qui ne mettent pas en scène d’entités vampiriques : «La poussière des dieux», «Femme-garou» et «Chanson sur le mode mineur». Mais dont la lecture est tout aussi chaudement recommandé. Un recueil indispensable pour qui s’intéresse à l’histoire de la figure du vampire, car il s’agit là d’une des premières variations SF sur le sujet, publié initialement dans Weird Tales (fameux pulp où Lovecraft ou Howard – pour n’en citer que deux – se sont fait connaître). La traduction de cette édition a été totalement revue, et elle bénéficie par ailleurs d’une préface de Serge Lehman qui replace le cycle dans son contexte.

Moore, Catherine L. Les aventures de Northwest Smith

Shambleau a également été illustré par Jean-Claude Forest

 

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