Zimmermann, N.M. Interview avec l’auteur du Grand livre de l’horreur

Bonjour. Pouvez-vous vous présenter pour les internautes de Vampirisme.com ?

Bonjour ! Je suis l’auteur d’une vingtaine de romans, mais ce nombre est en augmentation constante… Ma spécialité de départ est plutôt le fantastique pour grands adolescents, voire adultes, mais j’ai fini par diversifier ma production en terme de genre et de lectorat, à la fois pour répondre à la demande des éditeurs et parce que je trouve intéressant de travailler sur des romans très différents… Je suis parfois amenée à écrire des choses qui sont même assez éloignées de mon milieu naturel, comme un roman « tranche de vie » pour adolescents l’année dernière ou le scénario d’une bande dessinée en ce moment !

Zimmermann, N.M. Interview avec l'auteur du Grand livre de l'horreurLe grand livre de l’horreur, tome 1. Dans le château de Dracula est votre dernier ouvrage, paru en 2017 chez Albin Michel. Pouvez-vous nous expliquer la genèse de ce projet ?

Enfant, j’adorais les séries fantastiques qui faisaient un peu peur, comme ParAnormal, Spooksville ou Froid dans le dos (bizarrement, Chair de poule n’a jamais été ma tasse de thé). J’étais assez fascinée par le fait que des gens gagnaient leur vie en écrivant des livres comme La créature des toilettes ou Insectes nocturnes. En fait, Virgile (le héros du Grand Livre de l’horreur) me ressemble plus que la plupart de mes autres personnages. J’étais le genre de petite fille qui collectionnait les livres sur le triangle des Bermudes, l’embaumement chez les Egyptiens, ou Elisabeth Báthory (je crois que la plupart de mes camarades de classe me trouvaient bizarre, moi aussi). Donc je suppose qu’il était inévitable que je finisse par écrire une série fantastique pour un jeune public !

Concernant le sujet du Grand Livre de l’horreur en particulier, l’idée m’est venue en rencontrant des classes. En tant qu’auteur, je fais beaucoup d’ateliers d’écriture ou de rencontres dans des établissements scolaires de la primaire au lycée. A cette occasion, je parle naturellement beaucoup de fantastique et de mes propres références littéraires. C’est ainsi que je me suis rendu compte avec une certaine horreur que 90% des élèves n’ont pas la moindre idée de qui est le Dr Jekyll, ne savent pas non plus que Dracula est un roman épistolaire (ou ce qu’est un roman épistolaire), et ont une idée vague et souvent fausse de qui est Frankenstein. La majorité d’entre eux n’ont pratiquement aucune référence dans le domaine de la littérature ou du cinéma fantastique. Bien entendu, le fantastique n’est pas le seul domaine touché, mais on ne peut mener qu’un combat à la fois…

Je trouve cette situation à la fois triste et inquiétante, considérant qu’en perdant ces références culturelles, la jeune génération perd en même temps tout un pan de sens concernant les films / dessins animés / romans / mangas / séries / jeux vidéo auxquels ils s’intéressent encore. Car les créateurs de ces produits récents, eux, s’appuient toujours sur ces références culturelles…

J’ai donc voulu écrire une série dans laquelle le héros serait envoyé dans des classiques de la littérature de l’imaginaire horrifique pour les introduire auprès de jeunes lecteurs… et qu’ils aient envie de lire les œuvres originales plus tard, idéalement ! J’ai essayé de donner une bonne idée de chacun des livres en glissant Virgile dans un passage existant du roman et en rétablissant les bonnes informations sur les héros de la peur qu’il rencontre (nooon, Frankenstein ce n’est pas le monstre… et il n’est pas docteur non plus !).

Zimmermann, N.M. Interview avec l'auteur du Grand livre de l'horreurC’est le deuxième ouvrage que vous publiez qui s’attaque à la figure du vampire tout en se destinant aux plus jeunes. Quelles difficultés rencontrez-vous à utiliser cette figure à destination des plus jeunes ?

Le problème de la figure du vampire quand on l’introduit auprès d’un jeune public est qu’il s’agit d’une créature très sexualisée. Dans Le Grand Livre de l’horreur, Virgile est envoyé dans le château du comte Dracula. Il est donc inévitable qu’il rencontre ses « femmes ». Pour caricaturer, on va appuyer sur leur aspect effrayant, et gommer le côté « elles ont des lèvres super rouges et ont essayé de violer Jonathan Harker en réunion quelques pages plus tôt ».

J’ai en effet aussi eu ce problème dans Vampire, ça craint (grave). C’est l’histoire d’un jeune ado qui est transformé en vampire et découvre que le quotidien d’un vampire du 21ème siècle, quand on a douze ans et qu’on vit dans un village français tout paumé, c’est plutôt moins cool que ça en a l’air. C’est donc du jeunesse humoristique. Et au moment de décrire un vampire (donc généralement un homme adulte) se jetant sur mon héros dans une ruelle sombre pour le mordre dans le cou, je n’ai pas trouvé de moyen de le faire qui ne soit pas gênant et équivoque. Du coup, j’ai fini par feinter et par le faire mordre par une chauve-souris vampire… On trouve toujours une solution !

Quel regard portez-vous sur l’évolution du vampire en littérature ces dernières années ?

J’avoue que j’ai regardé le succès de Twilight et ses suites avec une certaine horreur et le sentiment de voir agoniser la figure du vampire. Je pense que ce virage de la littérature fantastique en général et du vampire en particulier vers la littérature sentimentale va laisser ses marques quelques temps. Pour commencer, il y a eu une montagne de romans traitant du sujet. Je n’oserais plus écrire un roman en young adult avec des vampires à présent, ne serait-ce que parce que je sais qu’aucun éditeur n’en voudrait à part les éditeurs qui publient constamment le même livre dans l’espoir de continuer le filon jusqu’à épuisement.

Du coup, la seule façon d’écrire sur le vampire aujourd’hui est de basculer vers l’humoristique (ce qui commence à avoir été largement exploité aussi) ou de revenir aux sources en écrivant pour un public beaucoup plus jeune ou pour un public adulte beaucoup plus spécialisé (les « vrais » fan de fantastique).

Je pense que finalement, le vampire a été victime de son succès, comme le dragon quelques années auparavant. Mais tout finit toujours par revenir, alors je suis certaine qu’il y aura un « vampire revival » dans dix ou quinze ans et qu’on pourra partir sur de nouvelles bases à ce moment-là. Après tout, quand j’ai proposé mon premier roman (Edencity, dans lequel il y avait des vampires) beaucoup d’éditeurs me l’ont refusé au motif que « les vampires c’est has been. Vous ne voudriez pas écrire des histoires de dragons, plutôt ? » et c’était environ deux ans avant Twilight

Quelles sont vos premières et dernières rencontres avec un vampire (littéraire et / ou cinématographique) ?

Je pense que le premier livre avec un vampire qui m’a marquée quand j’étais toute petite était Les Vampires de Colin Hawkins. Je devais avoir cinq ou six ans – comme quoi, les vampires et moi, c’est une vieille histoire !

Mais ce qui a déclenché mon véritable amour du fantastique, c’était un recueil qu’on m’a donné quand j’avais onze ans et qui s’appelait Vampires : Dracula et les siens. Il contenait plusieurs romans et nouvelles, dont Dracula et « L’invité de Dracula ». Ce recueil m’avait fait une forte impression. Je l’avais même présenté lors un exposé devant ma classe au grand dam de mon professeur de français de l’époque, qui était très gentil mais aussi très traditionaliste dans sa vision de la littérature…

Le dernier livre avec un vampire que j’ai lu… j’ai relu Dracula pour écrire le tome 1 du Grand Livre de l’horreur ! Comme film, j’ai revu Le Bal des vampires qui est passé récemment à la télévision et je suis tombée par hasard sur What we do in the shadows (Vampires en toute intimité dans sa version française très adaptée), dont l’existence m’avait jusqu’ici échappée et que j’ai trouvé très drôle. Là encore, ce sont deux films qu’on ne peut apprécier à leur juste valeur que si on maîtrise son Dracula et son Nosferatu. Je dis ça, je dis rien…

Zimmermann, N.M. Interview avec l'auteur du Grand livre de l'horreurEden City, Alice Crane, Vampire, ça craint (grave) et maintenant Le grand livre de l’horreur, le vampire est presque une vraie obsession pour vous !  Pour vous, comment peut-on analyser le mythe du vampire? Qu’est ce qui en fait la pérennité ?

Le mythe du vampire est très riche, notamment parce qu’il existe de nombreuses versions de cette figure et qu’elle est très ancienne. Il faudrait un livre entier (ou plusieurs !) pour l’analyser. Je recommande à ce sujet la lecture du livre Le Vampire, enquête autour d’un mythe d’Estelle Valls de Gomis qui a beaucoup creusé son aspect historique.
Je pense que ce qui fait la force du vampire, c’est justement qu’il a beaucoup évolué tout en gardant des caractéristiques de base fortes. On reconnaît immédiatement un vampire dans un film ou un livre, qu’il brille au soleil ou que les UV le transforment en tas de poussière. On a tous un image commune des caractéristiques du vampire. C’est très frappant quand on fait un atelier d’écriture dans lequel on demande à des gens de décrire un vampire : 95% des gens vont en faire la même description à quelques détails près, y compris des enfants qui n’ont jamais lu le livre de Stoker ou vu la moindre adaptation du roman. Le vampire a toujours été ambivalent, jouant à la fois sur l’attirance et la peur. La part « attirance » est devenue au fil du temps plus prépondérante (beau, éternellement jeune, fort et immortel… le vampire est souvent plutôt gâté par la nature aujourd’hui), mais elle a toujours fait partie de lui. C’est le monstre qui vient vous tuer dans votre sommeil… mais qui vous accorde une transe hypnotique pré-saignée et une morsure quasi orgasmique dans la plupart des cas.

De la même façon, c’est une créature surnaturelle. L’Autre. Mais c’est (du moins en apparence) la plus humaine de toutes. Le vampire ne se décompose pas comme un zombie, il ne change (généralement) pas d’apparence comme le loup-garou, par exemple. C’est pour cela qu’on le relie souvent à la peur de l' »étranger ». Il est celui dont on a peur parce qu’il est différent tout en étant indiscernable de nous-mêmes. On peut relier cela à la peur – attraction également. Il nous ressemble assez pour qu’on puisse être attiré naturellement par cette figure, mais aussi pour se glisser incognito parmi nous et nous saigner un par un sans se faire repérer.

Je ne trouve pas étonnant qu’une telle figure survive à l’épreuve du temps. Après tout, on continue d’avoir peur et d’être attirés par l’étranger au sens large, et je ne pense pas que ce soit près de changer…

Zimmermann, N.M. Interview avec l'auteur du Grand livre de l'horreurAvez-vous encore des projets de livres sur ce même thème ? Quelle va être votre actualité dans les semaines et les mois à venir ?

Je n’ai pas de projet de livre mettant en scène un vampire pour l’instant, notamment parce que je suis sur plusieurs séries à la fois ce qui fait que je n’aurai sans doute pas le temps de me lancer dans un roman en dehors de celles-ci pendant l’année à venir (du moins je l’espère, sinon ça veut dire que mes séries se sont magistralement plantées… ce qui est toujours une possibilité !).

En revanche le Grand Livre de l’horreur, lui, se poursuit. Les deux premiers tomes (Dracula et Frankenstein) viennent donc de paraître et le troisième (Jurassic Park) sera en librairie en octobre. Nous attendons de voir quel accueil le public réserve à cette série avant de décider du thème d’un éventuel tome 4, mais j’ai déjà quelques idées…

Mon actualité comprend aussi une série policière dans un monde steampunk (quelque chose comme la fille spirituelle de Sherlock Holmes, mais avec un dirigeable, un posteur à vapeur et des dragons) qui commence à paraître chez Flammarion début 2018 et dont il faut vraiment que j’écrive le tome 2. Mais aussi une bande dessinée chez Jungle qui est plutôt dans le domaine de « x-files avec des ados » et qui devrait aussi être disponible courant 2018…

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