Moquet, Pierre. Interview avec l’auteur de Petite encyclopédie des vampires

Bonjour Pierre. Pouvez-vous vous vous présenter pour les internautes de Vampirisme.com ?

Bonjour à tous ! Je m’appelle Pierre, j’ai 34 ans et suis auteur de la Petite encyclopédie des vampires. Après des études de philosophie et de sciences politiques, j’ai écrit plusieurs textes et créé de nombreux spectacles musicaux, notamment jeune public. Je travaille depuis plus d’un an aux éditions du Castor Astral ainsi qu’aux éditions Monsieur Toussaint Louverture.

Pouvez-vous nous parler de la genèse de votre Petite encyclopédie des vampires ? Comment se démarquer de la production existante avec un ouvrage de ce type ?

La Petite encyclopédie des vampires fait suite à la Petite encyclopédie du Cannabis, publiée en 2010. L’idée de cette collection, c’est de proposer des livres à la fois drôles, sympas à manipuler, mais aussi très solides sur les références. Nous avons remarqué que les livres qui traitent des sujets dits « populaires » – comme les vampires – sont soit très érudits (voire rébarbatifs), soit très légers quant à leur contenu. Nous avons essayé d’arriver à un entre-deux, entre humour et recherches poussées. Ce sera au lecteur de dire si le pari est réussi !

Comment vous êtes-vous organisés pour procéder à la sélection des auteurs, légendes et autres articles qui s’enchaînent dans l’Encyclopédie ?

Nous voulions que le livre soit le plus exhaustif possible. Bien sûr, étant donné la profusion d’ouvrages consacrés aux vampires, il a fallu trier : nous ne pouvions pas, par exemple, proposer de bibliographie complète de tout ce qui a été publié sur les vampires. Alors nous avons pris des biais : nous avons proposé les ouvrages récompensés par un Bram Stoker Award par exemple, mais aussi ceux qui correspondent à un thème précis, ou bien encore à une époque donnée. De même, nous ne pouvions pas matériellement aborder tous les folklores du monde ; nous avons alors fait des regroupements thématiques (par exemple l’article sur la lune) où plusieurs légendes ont pu être recoupées.

Pouvez-vous nous raconter comment vous avez découvert la novella « L’Étranger des Carpathes » de Karl Von Wachsman, et ce qui vous laisse à penser qu’il a pu influencer Bram Stoker ?

Nous savions qu’il existait un petit texte anglais à l’origine floue, intitulé « The Mysterious Stranger », publié depuis plusieurs années outre-Manche. Plusieurs spécialistes en avaient parlé mais comme d’une mystification, car l’original restait introuvable. C’est en abordant la question des précurseurs de Dracula et en vérifiant les informations disponibles que l’éditeur Dominique Bordes a repéré, dans les travaux d’un bibliophile allemand, le lien entre « The Mysterious Stranger » et « Der Fremde », original allemand écrit par Karl von Wachsmann et publié en 1844 dans le recueil Erzählungen und Novellen, soit un demi-siècle avant Dracula.

Attention toutefois : on ne peut pas affirmer avec certitude que ce petit texte a influencé Stoker, ni même qu’il l’a lu ! En outre, les deux ouvrages sont très différents, ne serait-ce que sur le plan de la structure narrative ; Dracula est un chef-d’œuvre, « L’Étranger des Carpathes », non. Ce qui est intéressant, c’est l’abondance de similitudes entre les deux vampires, surtout à cette époque où les caractéristiques vampiriques n’étaient pas des constantes.

Quel regard portez-vous sur l’évolution du vampire en littérature depuis son introduction dans la littérature en prose ?

On dit souvent que le vampire s’est « lissé » avec les années, qu’il est passé du statut de monstre sanguinaire et terrifiant à celui de créature relativement normalisée. Cette tendance semble bien réelle, mais à nuancer : dès ses premières apparitions littéraires, le vampire est une créature ambiguë sur le plan moral. Certes, en tant qu’elle se nourrit de sang, elle est souvent monstrueuse et parfois cruelle ; mais elle est également victime de sa condition, comme Clarimonde, dans « La Morte amoureuse » de Théophile Gautier. En outre, dès ses débuts littéraires, le vampire tombe souvent amoureux de ses victimes.
Peut-être que l’évolution du vampire en littérature est moins morale que sociale : le vampire marginalisé, voire « bouc émissaire » des débuts fait place aujourd’hui à une créature de plus en plus intégrée à la société.

Quelles sont vos premières et dernières rencontres avec un vampire (littéraire et / ou cinématographique) ?

Le premier vampire que j’ai rencontré est celui (vilain pas beau) du dessin animé Croque-monstres Show. Les derniers en date sont ceux du film de Jim Jarmush Only Lovers Left Alive.

Pour vous, comment peut-on analyser le mythe du vampire ? Qu’est-ce qui en fait la pérennité ?

Je ne sais pas si le mythe du vampire est fait d’un seul tenant. D’abord, le vampire que l’on retrouve dans le folklore d’Europe de l’Est est très différent du vampire dandy que l’on peut rencontrer en littérature dès Lord Ruthven. Ensuite, tout se passe comme si la créature vampirique était devenue aujourd’hui un agrégat de plusieurs caractéristiques, de plusieurs pouvoirs, de plusieurs croyances, et cet agrégat semble évoluer au gré des scénarios et de supports. Ainsi, les vampires actuels sont très différents entre eux.
Bien sûr, il y a des constantes, sans quoi l’on ne pourrait plus parler de vampire, à commencer par l’immortalité – même s’il existe d’autres créatures immortelles. La singularité de l’immortalité vampirique, c’est qu’elle doit se gagner. Premièrement, elle doit se gagner au quotidien, car le vampire doit impérativement se nourrir, ce qui le rapproche de l’humain. Et deuxièmement, elle doit se gagner au prix du sang, ce qui implique nécessairement des questions d’ordre moral, qu’elles soient explicitement posées dans le récit ou non.

Je crois que la pérennité du personnage « vampire » réside dans ces nombreux paradoxes : immortel mais fragile, surhumain mais humain, tueur mais par nécessité, etc. Ainsi, selon l’endroit où l’on place le curseur à chaque fois, les possibilités de scénarios sont infinies.

Avez-vous encore des projets de livres sur ce même thème ? Quelle va être votre actualité dans les semaines et les mois à venir ?

Dans les prochaines semaines je dédicacerai La Petite encyclopédie des vampires dans plusieurs salons, ainsi qu’à l’occasion de lectures et de spectacles. Puis, la collection des Petites encyclopédies va s’agrandir avec un volume sur les extra-terrestres et un autre sur les détectives privés.

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