Mazzanti, Isabella. Interview avec l’illustratrice de Carmilla

Bonjour. Pouvez-vous vous présenter pour les internautes de Vampirisme.com ?

Je m’appelle Isabella, je suis honorée de vous connaître ! Je suis une illustratrice mi-italienne, mi-polonaise (d’où mon surnom « Isa Bancewicz », qui est le nom de famille de ma mère). Mon éclosion fut tardive. C’est après une maîtrise d’études orientales que j’ai commencé ma formation artistique, et depuis quelques années j’ai entrepris ce merveilleux métier.

J’habite en Italie, dans une petite ville près de Rome, avec les miens…Trois chats : Lune, Levin et Petronilla.

Vous venez de sortir aux Editions Soleil une version illustrée du Carmilla de Sheridan Le Fanu. Pouvez-vous nous expliquer la genèse de ce projet ?

Barbara Canepa, l’éditrice de la collection Métamorphose, m’a contacté il y a deux ans pour me proposer de travailler avec elle sur un projet . Nous avons choisi ensemble une liste de titres qui s’adapteraient bien à mon style et à mon univers. J’y ai inclus les œuvres qui m’ont le plus marqué, surtout lorsque j’étais fillette.

J’ai toujours aimé les récits de spectres et de fantômes, et Carmilla est resté gravé dans ma mémoire, surtout pour cet aspect « d’horreur séduisante » qui traverse le livre de long en large. Je conserve encore l’édition que j’avais à la maison, un vieux livre usé, avec mes annotations au crayon de quand j’étais petite.

Finalement, Barbara et moi avons décidé que Carmilla serait le roman parfait pour commencer notre aventure : un récit gothique ténébreux sur les vampires, mais aussi une histoire fascinante d’amour saphique racontée de manière troublante.

Le roman regorge de métaphores et d’images qui donnent un côté très poétique au roman, et permettent à Le Fanu de mettre en scène de manière détournée les aspects transgressifs du roman. Comment avez-vous abordé cet aspect des choses au niveau du dessin ?

Carmilla est un roman ambivalent : si d’une part il s’insère dans la tradition « classique » de la littérature gothique (dont il respecte parfaitement les codes), c’est aussi un récit innovant, ce qui n’est pas le cas de Bram Stoker, qui l’a d’ailleurs pris comme modèle pour sa première rédaction de Dracula. Les héroïnes sont deux jeunes filles qui vivent un échange amoureux, qui bien que voilé, reste très sexuel. Cette attraction semble faire partie de l’enchantement de Carmilla, de son charme vampirique…Mais en réalité , Laura est la créature favorite, celle qui incarne, pour Carmilla la compagne idéale, destinée à la suivre dans son furieux et damné destin d’éternité.

Carmilla est pleine de vie , elle a ce charme féroce qui la rapproche de la terre, de la bête.Elle semble elle-même vouloir justifier son existence, en se comparant à un prédateur qui par nécessité doit dévorer sa proie, interdépendante du cycle de la vie et de la mort.

Au travers de certaines de vos illustrations, on croit reconnaitre des toiles connues, dont Le cauchemar de Füssli (une œuvre à la forte connotation vampirique). Avez-vous intégré à l’ouvrage des variations personnelles sur d’autres peintures, et quel était l’effet recherché ?

L’art classique est l’une des plus grandes inspirations de Carmilla : pendant la réalisation du livre j’ai attentivement étudié toute la peinture symboliste, et nombreuses des illustrations du livre m’ont été inspirées par des œuvres classiques. Concernant Füssli, l’hommage est explicite, c’est peut-être même le seul à l’intérieur du livre.

Quel regard portez-vous sur l’évolution du vampire en littérature ces dernières années ?

Je ne suis pas très au fait de l’actualité concernant ce genre, car je suis trop attachée à l’image classique du vampire. Je crois qu’aujourd’hui c’est surtout le cinéma qui influence de manière déterminante la représentation du vampire, en créant une nouvelle mythologie. Au vampire d’aujourd’hui il manque la dimension terrifiante, son aspect de créature apte à enlever non seulement la vie mais aussi l’âme de ses victimes. Aujourd’hui, le vampire est une sorte de super-héros, dont l’identité maligne reste toujours ambivalente. J’ai la nostalgie du vampire de Stoker ou de Polidori, celui qui séduit mais qui reste irrémédiablement seul et perdu.

Quelles sont vos premières et dernières rencontres avec un vampire (littéraire et / ou cinématographique) ?

Ma première rencontre avec un vampire, je l’ai eu pendant l’adolescence, en lisant justement Carmilla.

Mais si je pense au vampire, l’image la plus ancienne qui me revient en mémoire est celle du visage spectral de Klaus Kinski sous les traits de Nosferatu, qui erre, triste dans la nuit.

Une autre image est celle de Nie Xiaochan, protagoniste féminin du film Histoires de Fantômes Chinois (Qiannü Youhun – A Chinese Ghost Story, de Ching Siu-tung, sorti en 1987).

Pour vous, comment peut-on analyser le mythe du vampire? Qu’est ce qui en fait la pérennité ?

Les motifs qui ont rendu ce mythe immortel sont nombreux. Certainement l’idée biblique, d’un mort qui revient parmi les vivants non pas par la volonté divine mais bien par sa propre nature mauvaise, ce qui, dans les époques plus lointaines, devait paraître terrible, surtout lorsque l’on mourait de maladies inconnues et obscures. La tradition orale avait le devoir de transmettre les récits des revenants afin d’exorciser la terreur engendrée. Puis la littérature a pris le relais et perpétué le genre en nous transmettant une légende qui aurait peut-être disparu.

Avez-vous encore des projets de livres sur ce même thème ? Quelle va être votre actualité dans les semaines et les mois à venir ?

Comme mon éditrice Barbara Canepa l’a déjà annoncé publiquement, l’un des prochains livres sur lequel nous travaillerons ensemble sera Dracula de Bram Stoker.
C’est un projet merveilleux, mais très contraignant. ll m’occupera toute l’année prochaine.

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