Lamarque et Portrait : interview des auteurs de Je suis le sang

Bonjour Ludovic et Pierre. Pouvez-vous vous présenter aux internautes de Vampirisme.com ?

Bonjour les internautes. Nous avons sympathisé pendant nos études, sur les bancs de l’université de Bordeaux III. Entre deux cours d’histoire du cinéma, nous écrivions de petits textes de SF. À l’époque, notre premier lecteur était souvent la corbeille à papiers. Une histoire de cyborg sexuel nous a fait monter d’une marche. Cette nouvelle, devenue un roman de SF, a été acceptée par Gilles Dumay, chez Denoël. Notre deuxième roman n’était encore qu’une page blanche.

Lamarque et Portrait : interview des auteurs de Je suis le sangCes dernières semaines, vous avez sorti Je suis le sang aux Editions des Moutons Electriques. Pouvez-vous nous raconter la genèse de ce projet ?

Un article de Jacques Sirgent, directeur du musée des vampires de Paris, est à l’origine du roman. L’auteur laissait entendre que Bram Stoker, alors régisseur du théâtre Lyceum, se rendait déguisé dans l’East End pour s’encanailler, comme la majorité des gentlemen de l’époque victorienne. Stoker s’intéressait aux meurtres de prostituées. Il avait d’ailleurs eu accès au dossier de Scotland Yard. Partant des théories développées par Sirgent, l’idée de faire rencontrer Stoker et Jack l’Éventreur est rapidement devenue une évidence. Qu’aurait-il bien pu se passer entre l’écrivain et l’assassin ? Comment un simple fait divers, aussi connu soit-il, aurait-il pu donner naissance, sous la plume de Stoker, à un chef-d’œuvre de la littérature gothique ?

Lamarque et Portrait : interview des auteurs de Je suis le sangVis à vis de votre précédent travail à 4 mains, AD Noctum, on est quand même dans un genre très différent. Comment faites-vous pour passer de la SF au roman victorien ? Et comment gérez-vous l’écriture à 4 mains ?

La figure du monstre traversait déjà notre précédent roman AD Noctum, dans un univers science-fictif. La volonté d’inscrire cette figure dans une réalité historique était d’autant plus alléchante que nous avions l’opportunité de réunir ces deux mythes pour la première fois : Dracula et Jack l’Éventreur. Pour revenir sur notre mode d’écriture à quatre mains, il est assez simple. On passe des heures au téléphone, comme des ministres, on s’envoie des tonnes de mails et de textos : échanges de notes, d’idées, de bibliographies. À ce stade de gestation, il y a beaucoup de bavardages, de fausses pistes, d’interrogations, afin qu’apparaissent les personnages, les grandes lignes de l’histoire. C’est une phase essentielle. Ensuite, quand le scénario nous semble abouti, l’un de nous prend en main la rédaction du premier jet ; l’autre relie, corrige, remanie si besoin est. Et il y a toujours besoin ! L’écriture est une maîtresse exigeante. Notre manière de procéder évolue, nous échangeons de rôle selon les histoires.

Dans un projet comme celui-ci, comment faire des choix sur la manière d’intégrer la fiction dans le réel ? Car si pour certains éléments vous collez à la vie de Stoker, pour d’autre on est clairement face à une œuvre romancée ?

Bâtir une intrigue en respectant les faits et les personnages historiques, jouer avec les effets de réel était un défi. Un long travail de documentation nous attendait, et la reconstitution de toute une époque dans sa diversité, East End et West End. Il fallait très bien connaître la vie de chacun, devenir intime avec eux à travers leurs parcours, leurs amis, leurs œuvres, pour poser le nœud de divergence qui allait faire basculer les faits dans la fiction. Imaginer la part d’ombre des protagonistes. On voulait qu’en refermant le livre, le lecteur se dise : « Oui, cela aurait pu se passer ainsi. »

Certains éléments du récit semblent faire écho à de récents débats et découvertes éditoriales. Sans même parler de l’influence des meurtres de l’Eventreur sur Dracula (ce qu’à confirmé Dacre Stoker, qui a accès aux notes de son ancêtre), il y a la mise en scène du roman de Von Wachsman. Quelles recherches avez-vous effectué en marge du roman pour dépoussiérer les idées reçues sur sa genèse ?

On a commencé par relire Dracula en pointant toutes les correspondances avec l’affaire de Jack l’Éventreur. Puis on s’est plongés dans la seule bio en français sur Stoker : Bram Stoker, dans l’Ombre de Dracula, d’Alain Pozzuoli. On l’a complétée par la lecture du Journal perdu de Bram Stoker d’Elizabeth Miller et de Dacre Stoker. Les deux éditions du Livre rouge de Jack l’Éventreur de Stéphane Bourgoin. Jack l’Éventreur, les Morts, parus aux Moutons électriques. Le peuple d’en bas de Jack London, Carmilla de Le Fanu, The dracula Secrets de Neil R. Storey, Jack The ripper de Philip Sugden. Les aphorismes d’Oscar Wilde. Enfin Othello, Hamlet, Macbeth, et La Tempête de Shakespeare pour y trouver des répliques qui fassent écho à l’état d’esprit de Stoker et de notre Jack l’Éventreur. Car l’auteur Elisabéthain est cité dans Dracula.

Quelles sont vos premières et dernières rencontres avec un vampire (littéraire et/ou cinématographique) ?

Ludovic : la lecture de La Morte amoureuse de Théophile Gautier, qui précède de presque quarante ans Carmilla, fut un choc à dix-sept ans. Après avoir lu plusieurs romans et nouvelles sur les vampires, cette histoire reste pour moi la plus belle d’entre toutes. La sulfureuse passion amoureuse entre le jeune prêtre Romuald et Clarimonde qui veut le ravir à Dieu. La chute de la nouvelle est sublime : « Il suffit d’une minute pour vous faire perdre l’éternité. » Au cinéma, le Dracula de Coppola reste à mes yeux un sommet du genre et la meilleure adaptation à ce jour. Dans un registre plus contemporain et hard-boiled, Vampires de Carpenter.

Pierre : selon moi, le vampire n’aurait pas eu la place à part qu’il occupe dans l’imaginaire du public sans ses nombreuses apparitions au cinéma, décennie après décennie. Et l’image que j’en ai commence avec la silhouette famélique du Nosferatu de Murnau, et s’achève en éclat de rire avec le vampire Barnabas Collins dans Dark Shadows, vidé de toute substance horrifique.

Pour vous, comment peut-on analyser le mythe du vampire? Qu’est ce qui en fait la pérennité ?

Nous n’avons pas vraiment écrit sur le mythe du vampire, mais sur les sources cachées de la création de Dracula. L’acte d’écrire s’apparente, à nos yeux, à une forme de vampirisme.

Avez-vous encore des projets de livres sur ce même thème ? Quelle va être votre actualité dans les semaines et les mois à venir ?

La porte reste ouverte. Un personnage aux dents pointues pourrait faire une apparition dans une prochaine histoire, le monstre étant une figure que nous affectionnons, mais pour l’heure, nous braconnons sur d’autres territoires. Le 6 mai, Ludovic sera en dédicace à la librairie La zone du dehors, à Bordeaux, le 17 juin à l’espace culturel de Saint-Médard en Jalles, et le 23 ou le 25 juin à la librairie Mollat, à Bordeaux.

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