Collins, Nancy A. La volupté du sang

Claude Hagerty est un des infirmiers d’Elysian Fields, une clinique psychiatrique privée. Son quotidien est bouleversé le jour où S. Blue arrive en tant que pensionnaire, directement internée dans l’aile de haute sécurité. Rapidement, les autres patients voient leurs rêves peuplés de cauchemars. Un des collègues d’Hagerty est également tué par la mystérieuse S., après avoir tenté d’abuser d’elle.  Mais les dirigeants de la clinique et les personnes responsables de la présence de la jeune femme en cellule étouffent l’affaire. Tout finir cependant par déraper quand elle parvient à s’évader. Car Sonia Blue est un vampire, une espèce de créature qui appartient aux Faux Semblants. Et elle entend bien obtenir sa revanche.

La Volupté du Sang, Sunglasses After Dark dans son titre original, est le premier roman mettant en scène le personnage de Sonja Blue. Si les textes qui s’intéressent à la vampire aux lunettes de soleil a peu été traduit par chez nous – tout au plus trouve-t-on une nouvelle, en plus du roman – il peut se targuer d’avoir eu une influence notable, s’agissant du premier cycle d’Urban Fantasy à incorporer des buveurs de sang… et une très grande diversité de créatures surnaturelles. Avant même que Vampire : La Mascarade fasse son apparition, Nancy A. Collins (publiée chez White Wolf !) imagine un monde où les luttes de pouvoirs entre les vampires les plus anciens, les Nobles, rejaillit sur l’Histoire. Sans même parler de La Bête, le démon mineur qui parasite tout vampire à partir du moment où celui-ci subit sa transformation.

La Volupté du Sang, c’est aussi un roman à la croisée des chemins entre le splatterpunk (l’autrice n’a-t-elle pas été adoubée par John Shirley, l’un des auteurs associés à la vague histoire du genre), le thriller (Sonja remonte peu à peu la piste pour comprendre qui est derrière son internement). Du splatterpunk, le roman tire son côté très rock’n’roll (l’héroïne bardée d’un blouson de cuir avec ses lunettes de soleil), l’idée que les créatures surnaturelles ont majoritairement pris place chez les marginaux, et quelques passages un peu sexuels et gore – voire les deux -, ainsi que son parti pris très graphique. Mais s’agissant à l’origine d’un projet de comics (et d’une scénariste qui a beaucoup travaillé dans le monde de la BD US), il n’y a sans doute rien d’étonnant à cela. Du thriller, ce premier volet intègre l’enquête de Sonia, qui veut comprendre qui l’a trahit et pourquoi elle a été enfermé.

C’est la troisième fois que je relis ce roman, cette fois-ci dans l’idée de valider sa place dans l’évolution du vampire littéraire moderne. Et force est de constater que mon affect pour le texte n’en souffre pas. C’est un des textes qui a toujours su nourrir mon amour du genre : c’est dynamique, à l’image de la plume de Nancy A. Collins, l’univers qui se dessine en toile de fond est avant-gardiste pour son époque, et le personnage de Sonja Blue est vraiment intéressant. À la fois brutal dans sa genèse, touchant quand elle est confrontée avec son passé, torturé quand s’exprime sa double personnalité. L’imbrication entre le monde des Faux-Semblants et l’humanité est très bien pensée, avec cette idée que certaines personnes possèdent la capacité de « voir » la réalité derrière le pouvoir de ses créatures qui savent brouiller les pistes. Hormis l’absence de romance, on pourrait presque aller jusqu’à dire qu’avec ce premier tome, l’autrice était la première à s’aventurer dans ce que l’édition française (merci Bragelonne) a depuis nommé Bit-Lit.

Dans le monde imaginé par Nancy Collins, les vampires sont l’espèce dominante parmi les Faux-Semblants, comme se nomment elles-mêmes l’ensemble des créatures que le reste de l’humanité prend pour des contes et légendes. Ces vampires supportent la lumière du soleil, même s’ils ne l’apprécient pas. Ils n’ont aucun problème avec l’ail et les crucifix, mais la majorité d’entre eux craint l’argent. La quasi-totalité d’entre eux a besoin de sang pour survivre, sauf les anciens, qui préfèrent se nourrir des affects de leurs proies. Ils possèdent d’importants pouvoirs de guérison, une force et une vitesse décuplée et des capacités télépathiques hors du commun. Les vampires veillent à limiter leur progéniture, car la morsure aboutit forcément à la création d’un nouveau buveur de sang. Mais ce n’est pas à travers l’échange de sang que le vampire naît, mais dans celui de la salive ou du sperme.

Sonja Blue est une des séries les plus novatrices de son époque, une sorte de nouveau clou enfoncé dans le (nouveau) cercueil des vampires, après qu’Anne Rice en a brisé les codes classiques. À ce titre, il est dommage de voir que le personnage et les textes qui le mettent en scène n’ont bénéficié d’aucun suivi dans la sphère éditoriale francophone.

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