Collectif. Lire n°413 : Irrésistibles vampires

Alors que s’achève l’année de l’anniversaire de la mort de Bram Stoker, finalement peu relayée par la presse littéraire et cinématographique, c’est l’invitation de la Roumanie au Salon du Livre 2013 qui semble avoir motivé la rédaction de Lire de se pencher sur le mythe du vampire, quasi-indissociable du pays d’Europe de l’Est.

Le dossier démarre sur un article intitulé la vampirothèque idéale, qui aborde sous l’angle chronologique la carrière du vampire en littérature de fiction. Les connaisseurs auront plaisir à y lire quelques interventions de Marjolaine Boutet et Jean Marigny, pour autant il aurait sans doute été plus judicieux de leur confier des articles plutôt que de les citer sous forme parcellaire. Car si cet article est un des plus intéressants du dossier, il n’est pas exempt de failles. Comme cette absence totale d’oeuvres de la première partie du 20e siècle. En effet, pas l’ombre d’un Bloch, d’une Moore ou d’un Le Rouge parmi les auteurs mentionnés. Toute l’époque pulp passe ainsi à la trappe, ce qui exclut d’emblée moults textes indispensables (je conçois difficilement une bibliographie complète sur le sujet qui ne citerait pas Shambleau – la nouvelle ET le recueil – ou « Frères de la chauve-souris »). Dommage également de parler des sources de la littérature vampirique en faisant fi de toute l’hystérie vampirique du 17e siècle. Sans compter cette insistance sur le rattachement des Chants de Maldoror au sujet. Certes, le texte à des aspects vampiriques, mais de là à en faire une œuvre emblématique du genre !

Le second article fait le lien entre Dracula personnage de fiction et Dracula personnage historique. Pour autant, il est très limité sur ce qui est de la vie du personnage historique et oublie de donner les noms de certains des chercheurs emblématiques qui se sont penchés sur la filiation entre Dracula et son avatar historique. Se pencher sur le sujet sans donner les noms de McNally et Florescu, c’est quand même un comble (même si Mattei Cazacu est cité).

Le troisième article corrige un peu le tir, en passant au crible l’évolution de la figure du vampire en littérature. Dommage pour la taille de l’article, qui ne permet pas à son auteur de rentrer dans les détails. Deuxième gros bémol de cet article : un encart sur le Young Adult qui regorge de fausses vérités. Faire remonter le Young Adult à Twilight et Harry Potter, c’est méconnaître que le terme est né au XIXe siècle et que la littérature sur le sujet ne date pas d’hier. Plus grave, l’encart fait de la bit-lit une excroissance du Young Adult…

Le quatrième article ne va pas arranger les choses pour le dossier. S’il était intéressant de consacrer une partie du dossier au vampire en tant que séducteur, de manière à combler les manques de l’article précédent, le résultat est franchement peu convainquant. Faire de True Blood une série féministe, on croit rêver (sur l’acceptation des différences, je serais d’accord, mais de là à aller jusqu’à parle de féminisme…). Sans oublier le problème récurrents des rédacteurs du dossier à faire la part des choses entre la série TV et la série de romans (on est dans Lire ou dans un magazine consacré au petit écran ?). Et que dire de cette conclusion sur les tueurs en série, qui ne cite que des cas affreusement datés (le plus récent, Le vampire de Sacramento, remontant à la fin des années 70).

L’article suivant se consacre aux adaptations et variations cinématographique autour du roman de Stoker et de son personnage Dracula. Si l’article part plutôt bien, et aborde la plupart des films emblématiques sur le sujet, il dévie durant sa seconde partie, en citant Thirst, Les Prédateurs ou encore Aux frontières de l’aube. Trois films certes incontournable sur le thème du vampire mais qui n’ont aucun lien avec le personnage du comte transylvanien. L’encart sur la BD, sûrement intégré ici par défaut, m’a également fait bondir. Passe encore de faire commencer la BD franco-belge sur le sujet par Le prince de la nuit (même si c’est oublier les fumetti italiens érotiques des années 70 et 80), mais omettre de parler de Tomb of Dracula et des Contes de la cryptes pour ce qui est du comics américain ? Et restreindre le manga sur le sujet à l’horreur adolescente ? Qu’en est-il alors de séries comme Don Dracula ? De Hellsing ? De Higanjima ? de Jojo Bizarre’s Adventure ?

C’est la dernière partie du dossier qui va finalement sauver quelque peu les meubles. L’interview d’Anne Rice s’avère vraiment passionnante, même si les questions ne le sont pas forcément. L’auteur d’Entretien avec un vampire revient ici sur la genèse de sa saga, les grands thèmes fondateurs du cycle et ses adaptations cinématographiques (on est heureux d’apprendre que si la dame apprécie le film de Neil Jordan, il n’en va pas de même de celui de Michael Rymer).

Au final, si on met de côté les interventions (trop rares car parcellaires) de Marjolaine Boutet et Jean Marigny, le dossier ne vaut franchement pas le détour, hormis pour l’interview d’Anne Rice. Des raccourcis faciles, des fausses vérités et un ensemble finalement assez superficiel. Les néophytes y trouveront sans doute un peu de grain à moudre, les autres feraient tout aussi bien de passer leur chemin.

Une réponse à Collectif. Lire n°413 : Irrésistibles vampires

  1. Spooky dit :

    Vraiment dommage qu’une revue spécialisée bâcle un sujet aussi passionnant… Au tour du Magazine littéraire ?

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