Benacquista, Tonino. Les Morsures de l’Aube

Antoine est un parasite mondain, à la fois roublard et à l’affût du moindre bon plan pour s’incruster dans les cocktails et soirées parisiennes. Un soir, lui et son comparse Bertrand utilisent le nom de Jordan, un habitué de la nuit croisé un peu plus tôt, comme sésame pour rentrer dans une soirée. Ils sont rapidement conduits devant le maître des lieux, qui est justement à la recherche de Jordan. Antoine va avoir quarante-huit heures pour retrouver ce dernier, avec Bertrand en guise de monnaie d’échange. Plus il avance dans ses recherches, plus il fait face aux bizarreries de Jordan, grand amateur de Bloody-Mary d’une pâleur cadavérique, qui n’hésite pas à mordre à la gorge ceux qui se mettent en travers de son chemin.

J’ai vu le film éponyme il y a des années, mais je n’avais jamais eu l’opportunité de me pencher sur le roman de Tonino Benacquista. L’occasion de rédiger une sélection de livres sur les vampires du genre policier m’aura permis de corriger enfin ce manque à ma culture du genre. En interview, l’écrivain révèle que comme pour ses précédents textes, il s’inspire ici de son expérience personnelle. D’emblée, il propose au lecteur une immersion dans un milieu social déterminé, celui de ceux qui ne rentrent pas dans la norme. L’enquête ne sera pas menée par un détective au sens strict, mais par le protagoniste principal, à qui on va forcer la main.

Jordan et sa sœur Violaine sont les vampires du récit. Ce sont tous les deux des créatures de la nuit, d’une pâleur cadavérique. Si Jordan semble un vrai spécialiste du Bloody-Mary, on ne le voit jamais porter de nourriture à ses lèvres. Et il y a ce recours à la morsure, dont plusieurs des personnages que croisera Antoine ont fait les frais. Jordan et Violaine sont-ils réellement des vampires ? Où bien se prennent-ils pour des créatures de la nuit ? L’auteur imagine une thèse fictive comme point d’origine à cette obsession : Figures du Vampirisme dans le Schéma des Névroses. À ce moment-là, les codes du vampirisme se confondent avec le passé du frère et de la sœur. Dans le même temps, il y a une certaine logique à opposer Antoine, le parasite noctambule, à la représentation ultime du parasite : le vampire. Qui d’autre serait en mesure de remonter la piste de vampires qu’Antoine, qui vit aux crochets de la société et maîtrise les rouages de la nuit ?

Le roman de Benacquista convoque l’image du buveur de sang, ses caractéristiques et joue sur l’hésitation entre surnaturel et pathologie. Il témoigne dans le même temps qu’une évolution a eu dans le récit policier, qui se fait désormais l’écho de la société et s’affranchit de la présence policière (voire de la figure traditionnelle du détective). S’il y a bien une investigation, elle sera réalisée par un protagoniste que rien ne destinait à jouer ce rôle : un paria. Un ouvrage très malin, qui joue avec les codes du vampire pour mieux s’en affranchir.

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