Pettersson, Simon. Toi qui, comme un coup de couteau, dans mon coeur plaintif es entrée

Toi qui, comme un coup de couteau, dans mon cœur plaintif es entrée est décrit comme un jeu de rôle vampirique et narratif. Le manifeste détaille davantage le parti pris du jeu, qui offre aux joueurs d’incarner des vampires, des chasseurs ou des humains. L’aspect narratif passe notamment par l’idée d’un maître du jeu tournant, la trame se décomposant en scène dont le narrateur varie. Un avertissement donné au début du jeu donne d’emblée le ton : il s’agit ici de se confronter à des situations difficiles, « comme la soumission les psycho-pathologies, les relations toxiques ». Tout un programme.

Un mot de l’auteur situé à la fin du livre donne à comprendre la genèse de cette proposition ludique. Simon Pettersson explique avoir commencé à réfléchir à Svart av kval, vit av lust (le titre VO, tiré d’un poème de Karin Boye, autrice surtout connu chez nous pour son roman Kallocaïne) en réponse à Vampire : la Mascarade (le jeu n’est pas nommé explicitement, mais l’allusion est évidente). Pas convaincu par ce que proposait le jeu de White Wolf, il a eu l’idée de travailler un jeu permettant d’incarner des vampires dans une approche qui lui semblait mieux répondre à ses attentes.

Le background est ici on ne peut plus sommaire : on sait juste qu’il est question d’incarner des vampires, des chasseurs de vampires, voire des humains. Il n’y a pas d’éléments de contexte et de lore, qui sont laissés à la discrétion des joueurs. Le livre se concentre avant tout sur les mécanismes narratifs en présence, matière à proposer quelque chose de bien plus axé sur la psychologie des protagonistes que Vampire : la Mascarade. Il n’y a pas réellement de système de jeu : la capacité des joueurs à remporter un conflit dépend de leur place dans une échelle prédéterminée.

La seule possibilité d’un personnage à vaincre un antagoniste placé plus haut que lui sur cette échelle repose sur l’intercession du Diable. A l’image du meneur de jeu qui change à chaque scène, les joueurs dont les personnages n’interviennent pas directement peuvent incarner – individuellement – la voix du Diable pour un des PJ. Ce qui va se passer restera entre eux, et seule la façon dont le vampire va réagir sera connu des autres personnages. La relation au Diable est donc centrale dans le jeu, permettant de caractériser l’hésitation des créatures entre monstruosité et humanité. Car pour un vampire, faire abstraction de la voix du Diable sous-entend également que ce dernier peut refuser ultérieurement de lui accorder son aide.

Deux choses sont à construire entre les joueurs préalablement à la partie : le contexte d’origine et les ramifications entre les personnages d’un côté, les caractéristiques des vampires qu’ils vont incarner de l’autre. Matière à pouvoir se concentrer sur l’essentiel, et à accorder une place bien plus centrale à l’incarnation des personnages, dont la psychologie est sous-tendue par le couteau (le sentiment négatif qui les anime), et le cœur (le sentiment positif qui les anime). A noter enfin qu’un des joueurs peut se faire ponctuellement la voix du Sublime, et influer sur l’ambiance. Le choix de ce terme, rattaché au mouvement romantique, donne une idée des influences de l’auteur (qui transparaît dès les choix de titre).

Dans le même temps, le livre proposer d’incarner d’autres personnages, comme les chasseurs de vampires (dont le statut repose avant tout sur la souffrance au cœur de leur charge) ou les humains. C’est la résilience de ces derniers, et leur capacité à être à l’origine de moment de Beauté fragile, qui souligne toute la puissance de leur mortalité face à des créatures immortelles.

Le jeu ne nécessite aucun jet de dé, les joueurs explicitant les décisions en phase avec le mécanisme par des gestes simples. Tout le reste tient à la description des scènes, aux échanges entre les personnages et à leur capacité à convaincre leurs interlocuteurs.

Une proposition de jeu beaucoup plus resserrée que ce que propose White Wolf, plus proche d’un Annalise. Prometteur. L’ensemble est très joliment illustré, et des exemples permettent de comprendre les différents mécanismes du jeu. Je me poserais uniquement la question de la faisabilité d’exploiter ce système pour autre chose qu’un scénario one-shot.

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