Lawrence, Francis. Je suis une légende. 2007

Après deux adaptations au cinéma diversement fidèles au roman original de Richard Matheson, déboule en cette fin d’année le blockbuster interprété et coproduit par le désormais monstre du cinéma Will Smith. Pas désagréable, c’est pourtant encore une adaptation qui s’écarte nettement du texte originel.

L’action du roman se passe à Los Angeles. C’est pourtant à New York que la production a décidé de placer l’action. En partie pour qu’on sente bien le contraste avec une cité habituellement grouillante, mais aussi pour le gigantisme des structures. Le film est truffé de trucages numériques ; les infectés de Je suis une légende sont l’œuvre du designer français Patrick Tatopoulos, déjà à l’œuvre sur Pitch Black, Godzilla, Underworld ou Silent Hill. Supervisées par Janek Sirrs, ces créatures mêlent images de synthèse et motion capture. A noter la scène de l’évacuation en flash-back a nécessité plus de 1 000 figurants et 150 membres de la Garde nationale.

Sur le plan narratif, le film de Francis Lawrence comporte de nombreuses différences avec le roman de Matheson, sans toutefois en dénaturer l’essence. Tout d’abord le virus a été créé par l’Homme. Son origine serait un traitement éradiquant totalement le cancer. Dans le roman, c’est une bombe qui aurait provoqué la pandémie. Robert Neville est, dans le film, un scientifique militaire, alors que dans le roman, il n’a pas de qualification particulière, à part peut-être d’être immunisé contre l’abomination qui a décimé ses semblables. L’apparence des infectés, clairement orientée vers le style vampire à l’origine, passe à celle de mutants à l’écran. J’ai déjà évoqué le changement spatial, mais il y en a bien sûr un autre, temporel. L’action se passe en 1976 dans le roman, 2012 dans le film. Une autre grosse différence est la décontraction affichée par Will Smith. Dans la bande-annonce on le voit jouer au golf sur un porte-avions… Alors que le Neville de papier vit dans une peur constante. Smith est d’ailleurs accompagné par un chien (en fait une femelle berger allemand), alors que son modèle est vraiment seul, et que les femelles vampires le rendent sexuellement fou. L’ajout du chien n’est pas fondamentalement une mauvaise idée, puisque cela aide Neville à chasser les biches qui se baladent dans la grosse Pomme désolée, et que la scène où ledit chien meurt est vraiment poignante. Et la fin du film est quand même très différente… certains diront « trop religieuse », mais cet aspect ne m’a pas semblé si prégnant.

Globalement I am Legend est un très bon film. Grâce notamment à un Will Smith en pleine maturité à 40 ans, qui est impeccable. Il vaut mieux, me direz-vous, vu que le film repose à 97% sur ses larges épaules. Le film comporte du coup peu d’acteurs, mais leurs apparitions sont bien dirigées. A noter la présence non créditée d’Emma Thompson en début de métrage, impeccable elle aussi. Pour en revenir aux vampires, devenus des mutants, ils sont plutôt bien réalisés, même si dans 90% des plans ils vont trop vite pour être discernés. En fait, seuls deux d’entre eux ont un rôle important. Un couple, composé du chef local des monstres (ça tombe bien), furieux après que le Dr Neville ait enlevé sa compagne pour effectuer sur elle ses tests de vaccin. Parce que Neville ne désespère pas de trouver un jour le remède à cette abomination. Il séquestre donc une femelle et l’attache sur une table d’opération.

Physiquement les monstres ressemblent à des humains à la peau desquamée, jaunâtre, dont la mâchoire inférieure peut s’étirer pour s’adapter à la morphologie de la victime. Syndrome Alien ? Probablement, vu que Patrick Tatopoulos est un grand admirateur du travail de H.R. Giger sur le film de Ridley Scott. Autre concession faite à l’œuvre originale, Neville disperse devant son entrée du jus d’ail, mais cela n’est pas du tout expliqué dans le film. Les monstres sont assez réalistes, et plutôt flippants. Le film se suit très bien, grâce à une narration linéaire, entrecoupée de quelques flash-backs expliquant ce qu’il s’est passé « avant ». Seul regret par rapport à la réalisation, sa sagesse. On est bien dans le « tout-public », l’aspect gore étant assez largement gommé dans cette version. C’est peut-être dans ce déficit atmosphérique que se situe le point faible du film. Chacune des trois versions cinéma a ses avantages et ses défauts, mais ce film ne passera pas le cap du « très bien ».

Si vous voulez connaître la meilleure version, lisez le livre de Richard Matheson. Maintenant.

Lawrence, Francis. Je suis une légende. 2007Lawrence, Francis. Je suis une légende. 2007Lawrence, Francis. Je suis une légende. 2007

7 réponses à Lawrence, Francis. Je suis une légende. 2007

  1. Vladkergan dit :

    De manière à creuser un peu le sujet du tournage de ce film, un article très intéressant est disponible à l’adresse suivante : rafik.blog.toutlecine.com…

    Il permet notamment de se rendre compte que le script originalement prévu date des années 90, avait à l’origine été prévu pour mettre en vedette Schwarzenegger, et à écopé de moults remaniements par rapport à la proposition initiale. L’auteur passe également au crible les différences entre le film et le livre, et étoffe son propros de nombreuses anecdotes sur le screenplay. Très intéressant.

    Par ailleurs vous trouverez le site officiel (et donc la bande annonce) à cette adresse : http://wwws.warnerbros.fr/iamlegend/

  2. Archimede781 dit :

    Bonjour,

    Vous écrivez :

    -"Après deux adaptations au cinéma…"

    Je suis désolé de vous "reprendre" mais il a eu 3 adatations au cinéma.

    1-Court métrage Italien en N&B avec Vittorion Gasman.
    2-"Le survivant" avec harlton Heston (1971)
    3-"Je suis une légende avec Will Smith (2007)

    La plus fidéle au chef d’oeuvre du grand maître de la SF est sans conteste la premiére version cinématographique, mais elle manque hélas
    de moyens financiers et ne demeurera qu’une petite curiosité pour cinéphiles.

    La deuxiéme, tournée en pleine "guerre froide" a tous les défauts des films holiwoodiens de cette époque. Les stéréothypes y ont bonne place, l’histoire est complétement
    remaniée, bref, il faut un réel effort d’imagination pour se référer au livre.
    Les concepeturs l’ont d’ailleurs intitulé : "Le survivant"….ce qui aurait été un "bon" film de série B de
    " SF" s’il n’était mentionné dans le générique la référence à Matheson.

    Pour le 3 éme que je viens de voir, certes, il est "modernisé" par rapport au livre mais à mon sens assez fidéle à l’esprit de celui ci.
    Bien sûr on peut toujours espérer qu’un jour, un sénariste de génie (il ne lui en faudra d’ailleurs pas beaucoup, car il y a toute la trame du film dans le livre),
    écrira fidélemént ce que R.M. à imaginé.

    Voilà, je ne décourage personne à aller voir celui ci car il est de bonne facture et si ça peut donner l’envie à certains de lires les oeuvres de R.M. …..tant mieux

    Archimede781

  3. Spooky dit :

    Bonsoir Archimede781.
    Nous sommes d’accord, il y a eu 3 adaptations au cinéma. Mais je n’inclus pas le court métrage italien (dont je n’ai jamais entendu parler) avec Gassman dans ces 3. Je compte comme première adaptation celle où c’est Vincent Price qui joue le rôle de Neville. Ce film, intitulé The Last man on Earth, date de 1964. Mais ne l’ayant pas vu, je ne saurais dire s’il s’éloigne de beaucoup de l’oeuvre originale.

  4. Vladkergan dit :

    Petite info intéressante pour les connaisseurs : les voix des mutants du film sont faites par le chanteur Mike Patton, connu pour avoir officié dans les groupes Mr Bungle, Faith No More, Tomahawk, Fantomas, Peeping Tom, Lovage, etc… Plus d"infos ici : http://www.vacarm.net/content/vi...

  5. Vladkergan dit :

    Après avoir pu voir le film, j’ai enfin pu me rendre par moi-même de ce qu’il en est. Certes les adaptations cinématographiques de livres sont rarement fidèles à l’original. Mais là, le scénario a un peu trop tendance à américaniser les choses.

    Les vampires sont ainsi devenus des zombies sans cervelle, ce qui aboutit à un escamotage complet d’un des pans principaux du roman, tourné autour des différentes mutations de la maladie depuis qu’elle s’est déclarée. Le détournement le plus honteux du roman de Matheson est de modifier le pourquoi du titre. Le héros devient une légende pour ceux de sa race, alors que dans le roman c’est une légende, voire une sorte de croque-mitaine, pour les vampires. Cette modification d’un des fondamentaux du récit original débouche par ailleurs sur une fin américanisée au possible, pleine de bons sentiments, de patriotisme, etc.

    Si on ne peut pas retirer au film de Francis Lawrence de posséder quelques scènes émouvantes (notamment avec le chien), voire bluffantes au niveau réalisation (les course-poursuites dans un New-York où la nature a repris ses droits), il n’en demeure pas loin que ce film est loin d’être à la hauteur du roman. Qu’il s’agisse d’une adaptation, soit, mais là on se rapproche davantage d’un massacre dégoulinant de bons sentiments. Navrant.

  6. Shin dit :

    Bonjour,

    Le problème de "Je suis une Légende" est surtout de ne pas avoir su s’affranchir de son héritage romerien pour offrir un film de zombies à la symbolique bien fade en regard du roman original.

    Le bouquin de Matheson questionnait le lecteur sur la notion de normalité et de monstruosité sur la thématique du "Qui sont les véritables monstres ?". Romero a fait de même avec sa saga, plaçant des zombies en place des vampires.

    Ici, Francis Lawrence ne soulève aucune réflexion intéressante et ne propose qu’un divertissement bien peu satisfaisant à côté du remake de Zack Snyder ("L’Armée des morts") ou de la saga initiée par Danny Boyle ("28… plus tard"). En outre, l’aspect numérique des infectés est peu convaincant et la destinée de Neville en totale contradiction avec le roman.

    On peut s’éloigner de ses inspirations pour offrir une œuvre plus personnelle. Romero l’a fait sans problème avec sa "Nuit des morts-vivants" (qui s’inspirait déjà du livre de Matheson). Mais il aurait été beaucoup plus honnête alors de baptiser le film autrement, à l’instar de Boris Sagal et de son "The Omega Man" (le film de Lawrence y reprend d’ailleurs la symbolique christique). Et si Lawrence propose un film plus agréable que celui de Sagal (qui n’a que peu d’intérêt aujourd’hui, si on excepte la présence de Charlton Heston), il propose aussi une adaptation très mauvaise du livre.

    Pour l’instant, l’adaptation officielle la plus convaincante est de loin "Last Man on the Earth" avec Vincent Price ; même si je préfère la variation libre de Romero et sa saga des morts-vivants…

    Amicalement,

    Shin.

    PS: La version alternative de film de Francis Lawrence offre néanmoins un compromis intéressant, à défaut d’être parfait.

  7. Ruthven dit :

    En fait, la seule chose qui soit vraiment à retenir est l’interprétation et le jeu d’acteur de Will Smith (c’est le seul film où je l’ai trouvé bon, convaincant et impressionnant).

    Pour le reste…

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