Buñuel, Juan Luis. Leonor. 1975

Riche seigneur d’un château solitaire et sans nom, Richard vit dans un deuil désespéré causé par la tragique mort de sa bien-aimée Léonor, suite à une chute de cheval. Il se remarie cependant avec la jeune et belle Catherine, qui lui donne deux enfants, mais le souvenir de Léonor le poursuit. De nombreuses années passent, dans un bonheur feint, jusqu’au jour où Richard a une vision de Léonor, qui lui apparaît près d’une rivière.

Dévasté par la douleur encore vive de son premier amour, il se fait enfermer dans le caveau où elle repose. Il passe alors un pacte avec le diable pour que Léonor revienne à la vie. Le désir le plus cher de Richard se réalise, mais on sait bien que les effets secondaires d’une résurrection diabolique peuvent être sanglants…

Inspiré librement d’un récit de l’écrivain romantique Ludwig Tieck (1773-1853), l’histoire ne se déroule pas au XIXe siècle originel, mais dans un moyen-age épuré dont on ne saurait identifier le lieu ou l’époque exacte. Juan Luis Buñuel, fils du légendaire Luis, réalise avec ce film une rencontre cinématographique inespérée d’un grand nombre d’idéaux esthétiques et narratifs vampiriques d’un XIXe siècle où la figure du vampire n’était pas encore associée à Dracula. De ce point de vue, c’est une réelle prouesse car nous sommes en 1975, et les vampires sont majoritairement estampillés Universal ou Hammer. Pour ajouter au prestige, on peut évoquer le casting: Michel Piccoli, Liv Ullmann, Ornella Muti; ou la musique d’Ennio Morricone. Il ne s’agit clairement pas tant d’un film à grand spectacle que d’une oeuvre d’art subtile, destinée aux amateurs et puristes. En deux mots: on adore ou on s’ennuie à mourir…

La belle, douce et adorée Léonor est à la fois sainte et damnée. Elle est Clarimonde, Carmilla, Christabel, mais elle est aussi Mignon ou Lanthe. Le film privilégie le romantisme et le Romantisme, laissant au surnaturel le rôle de faire-valoir. Le romantisme, l’histoire d’amour obsessionnel, deux êtres que la mort ne suffit pas à séparer. le Romantisme, les paysages rocailleux et déchirés symbolisant les états d’âme des protagonistes, les châteaux, le thème récurrent des danses macabres, la jeune fille et la mort, etc…

Le vampire ne fait pas peur. Le vampire n’est pas sexy. Le vampire ne répugne pas. Il est condamné malgré lui à errer sur la terre à cause de l’intervention du Malin, sollicitée par amour. Oui, je suis convaincue que les fans des vampires tels qu’ils sont représentés ces dernières années seraient déçus ou ennuyés devant un tel film. Mais en tant que puriste (légèrement excessive parfois je l’avoue) j’invite chaleureusement chacun à considérer le fait que ce film est plus un récit illustré et cultivé qu’un blockbuster.

Le succès confidentiel de ce film, sa rareté, son style unique en font paradoxalement un réel incontournable de la véritable culture vampirique.

Buñuel, Juan Luis. Leonor. 1975

Buñuel, Juan Luis. Leonor. 1975

Buñuel, Juan Luis. Leonor. 1975

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