En 1780, le prince Mamuwalde et son épouse Luva se rendent en Transylvanie auprès du comte Dracula. Ils espèrent que Dracula accepte de cautionner leur lutte contre l’esclavage face à l’aristocratie européenne. Mais Dracula ne l’entend pas de cette oreille, et finit par transformer le prince africain en vampire. Mamuwalde, prisonnier d’un cercueil verrouillé, se retrouve emmuré dans une des caches secrètes du château, sa femme condamnée à mourir à petit feu à ses côtés. En 1972, deux collectionneurs d’antiquités américains découvrent le cercueil et le ramènent avec eux, à Los Angeles. Ils vont alors lâcher dans la ville un monstre buveur de sang à la mesure de son créateur…
En pleine période de blaxploitation, un an après le célèbre Shaft, le scénario d’une comédie vampirique aboutit entre les mains de William Crain : Count Brown in Town. Le réalisateur, secondé par l’acteur William Marshall, décide de s’éloigner drastiquement de l’idée originale. Crain fait d’emblée de son personnage un fils vampirique de Dracula, établissant par-là une filiation avec le protagoniste dont Hammer films s’est emparé une décennie auparavant. Ce qui explique la teneur très hammerienne de l’introduction du long-métrage, qui imagine ainsi Dracula baptiser de sa malédiction (et de son nom) le prince Mamuwalde. L’essentiel du récit se passe cependant dans les années 70 à Los Angeles, deux antiquaires ayant décidé d’acheter les différentes trouvailles faites dans la demeure de Dracula. De quoi injecter au sein de son projet une dimension sociale et politique. Le quartier de Watts où évoluent les personnages est celui qui a vu les émeutes du même nom, durant les années 1960. Un choix qui n’est pas anodin, tant Blacula résonne avec le destin du peuple afro-américain. Jusqu’à faire (imparfaitement) de Blacula une émanation du Black Power ? Dans le même temps, le film met en scène un vampire qui vit sa condition comme une malédiction — de quoi rappeler La fille de Dracula (1936) — et intègre l’idée que Dracula retrouve son amour par-delà la mort. Quelques années après le Dark Shadows de Dan Curtis, ce choix scénaristique qui remonterait à La Momie (1932) s’impose donc sur grand écran. Avant même que Curtis ne le convoque à nouveau pour son propre Dracula, en 1974.
Si les effets spéciaux ne sont pas des plus réussis de la période (les vampires de la Hammer, étaient nettement plus convaincants, particulièrement au niveau du maquillage), Craine offre cependant au téléspectateur une pellicule sympathique, servi par une bande originale signée Gene Page, funky et pour le moins typé seventies. Le projet est ainsi indubitablement ancré dans son époque et le genre dont il est un des exemples les plus marquants, annonciateur de Blackenstein (1973) ou encore Dr. Black, Mr. Hyde (1976). La musique, les lieux mis en scène (clubs de Los Angeles notamment), le look des personnages (la coupe afro est de rigueur) tout cela rattache sans doute possible le film à la blaxploitation.
Si le lien avec Dracula est établi dès les premières minutes (et après, Blacula finissant par endosser une des capes du comte), Crain choisit de donner à son vampire un aspect pour le moins original. Il l’affuble d’immenses sourcils, de grosses moustaches (pas forcément bien collées) et de favoris qui le feraient presque passer pour un loup-garou. En bon vampire, Blacula ne supporte par ailleurs pas la lumière du soleil ni les flashs photographiques (son image ne s’imprimant par ailleurs pas sur la pellicule). Un pieu enfoncé en plein cœur paraît également une méthode efficace pour annihiler définitivement un vampire. La morsure du vampire est contagieuse, en cela qu’il suffit d’être mordu pour se transformer, à terme, en buveur de sang. Enfin, Blacula semble obligé de reposer dans son propre cercueil.
Un long-métrage original, relecture à la sauce blaxploitation du mythe du vampire. Un film qui, malgré ses imperfections et une ambition freinée par des moyens très limités, n’en demeure pas moins une série B sympathique. Tout en apportant sa contribution à la généalogie du septième art vampirique.
Bonjour,
j’ai trouvé votre critique sur BLACULA (W.Crain 1972) pertinente et d’autant plus intéressante que les critiques sur ce film sont rares ; cependant, j’ai détesté le film : une daube à la sauce yankee flinguant une idée à la base originale et attrayante pour en faire une pantalonnade bien vulgaire et surtout bien disco (on aura donc absolument TOUT vu !).
Un détail bien lourd qui apparemment ne vous a pas interpellé, vous qui semblez adorer l’homosexualité quand elle est lesbienne : ce film est abusivement homophobe avec une insistance haineuse bien appuyée à l’endroit des hommes, montrés par Crain comme des caricatures ambulantes… j’avais cru comprendre que le vampirisme était à l’origine bisexuel dans le sens exact du terme, dogme qui a l’air de terrifier les producteurs/réalisateurs, William Crain en tête. Les Américains ne comprendront jamais rien au vampirisme, quant à vous, je ne sais pas trop quoi en penser — on verra.