Delestre, Nicolas – Mbuma, Isidore. Interview des auteurs de Perdido

Delestre, Nicolas - Mbuma, Isidore. Interview des auteurs de Perdido

Quel est votre parcours artistique à tous les deux ? Qu’est-ce qui vous a amené à travailler ensemble sur un projet comme Perdido ?

Isidore Mbuma : J’ai vraiment commencé ma carrière de dessinateur il y a deux ans. J’avais jusque là suivi des études qui n’avaient rien à voir et qui ne débouchaient sur pas grand chose. Ensuite, vu qu’on me demandait souvent pourquoi je n’essayais pas de me lancer dans le dessin, je me suis dit: quitte à en baver, autant le faire pour ma passion. Je dessine depuis tout petit, je n’ai jamais pris de cours, sûrement inspiré par mon père qui passait tout ses week-ends à peindre dans son atelier.

J’ai d’abord réalisé Cupcake!, le quête initiatique d’un jeune garçon issue d’une famille au passé chaotique. Par la suite, j’ai commencé le projet Tanooki! qui devait être à la base un jeu vidéo indépendant. Le projet vidéoludique fut abandonné, mais vu que j’avais écrit l’histoire et créé les personnages, j’ai réalisé la BD correspondante que j’ai publié sur le net.

C’est pendant que je réalisais Tanooki! que Nicolas m’a proposé de réaliser tout d’abord un polar basé sur une histoire qu’il avait écrite. Exceptée une histoire courte (Yesterday par Julie Delemontez), j’avais jusque là toujours dessiné ce que j’avais écrit moi-même. L’idée de mettre en image l’univers d’un autre et à fortiori Nicolas m’intéressait beaucoup. Puis, très vite, le projet s’est mué en polar vampirique et Nicolas, musicien professionnel, a apporté l’idée de proposer un MP3 pour accompagner chaque épisode. Le projet Perdido commençait.

Nicolas Delestre : Pour ma part j’évoluais surtout dans un univers musical depuis pas mal de temps déjà et j’écrivais également des paroles pour différents groupe en parallèle. La rencontre avec Isidore m’a permis de passer a quelque chose qui me lançait, l’écriture d’une histoire complète et des dialogue qui s’y rapporte.

Parlez-nous un peu de Perdido. Qu’est ce qui vous a inspiré pour cette série, autant graphiquement qu’au niveau du scénario ? D’où est venu cette idée de proposer des illustrations sonore de chaque chapitre ?

I.M. : Dans la première saison, je voulais exprimer un érotisme exacerbé jusqu’au dégoût qui rejoindrait la terreur qu’un vampire est supposé inspirer. Cela peut paraître très éloigné mais le premier film de Shinya Tsukamoto, Tetsuo a été une forte inspiration pour ce début. Je voue une vénération pour ce film et son réalisateur. Avec le recul, j’essayai probablement de proposer une nouvelle vision de ce film dans un contexte différent: montrer le corps humain soumis à des forces qu’il ne supporte pas. Le résultat fut quelque peu grand guignolesque….

Cette fois-ci, je me suis juré de ne pas me laisser aller aux dérives de la première saison. Plus de monstres ni de gore, focus sur le héros et l’atmosphère qui l’entoure. Alors qu’il était une victime auparavant, il est désormais le prédateur au premier plan. J’ai préféré ne pas souligner son côté vampirique dans les premiers épisodes et j’ai plutôt suggéré son inhumanité, un peu comme dans Pale Rider de Eastwood ou Goyokin de Hideo Gosha qui dépeignent leurs héros de telle manière que le doute subsiste: sont-ils de simples humains ou des fantômes vengeurs? Où se range notre héros sans nom? Est-il devenu un démon, un fantôme, un humain avec des pouvoirs? J’ai souvent changé de technique de dessin quand le héros agit comme un vrai vampire pour sortir l’action du récit, comme si c’était une part de rêve. Si le lecteur n’a pas lu le premier Perdido, il découvrira seulement au fil de l’histoire que le héros est un vampire.

N.D. : Je suis un passionné d’Audiard et du coup forcement le style des dialogue s’en ressent. La musique est venue pour moi naturellement vu que je suis trompettiste pour pas mal de formations différentes. Sur perdido 1 on a demandé a plusieurs groupe d’amis et a des projets auxquels je participe de donner leur vision de la bd. Au cour de Perdido 1 est né le projet DTC Groove Gang, d’ailleurs, qui avec Doberman [Cew] a fait la BO de perdido 2.

Perdido comptait déjà une saison, publié sur Vampirisme.com l’an passé. Comment avez-vous envisagé le passage de la première à la deuxième saison ?

I.M. : Pour ma part, concernant la première saison, je voulais à tout prix éviter les poncifs sur le vampire et proposer quelque chose de neuf sans me fixer aucune limite. Mais le rythme de production était bien trop élevé (un chapitre couleur par semaine), je découvrais le scénario chaque semaine et donc le résultat fut très peu réfléchi. De plus, c’était mon tout premier travail en couleur et (je pense que c’est assez visible), il y a une grande différence de qualité entre le début et la fin.

A la fin de la première saison, je n’étais pas très fier du résultat et enchainer directement sur une deuxième saison était pour moi impensable. Quelques mois plus tard, j’approchais de la fin du projet Tanooki! avec lequel j’ai pu parfaire ma technique. Nicolas me parla alors d’une histoire qu’il avait imaginé pour la suite de Perdido. Etant très curieux de voir ce que je pouvais maintenant apporter à « Perdido » et emballé par le scénario, j’acceptai de réaliser la suite.

Nous avons abordé cette saison de manière bien plus réfléchie et nous étions plus préparés. La première saison a été faite dans la précipitation et le chaos. Je considère désormais Perdido II comme la vraie histoire de Perdido, elle tient très bien debout par elle-même et gagne même en force si on occulte la première mouture. Celle-ci au final n’était en fait qu’un prototype.

Quelle a été votre première et dernière rencontre avec un vampire (littéraire et/ou cinématographique) ?

I.M. : Mes premiers souvenirs vampiriques remontent à quand j’étais tout petit, je me rappelle avoir vu un film avec Christopher Lee qui m’avait bien évidemment beaucoup marqué… Un autre film m’a également marqué, une comédie française sur le fils de Dracula. J’étais tout jeune et déjà à l’époque, ce film sentait le nanard… Sinon j’ai beaucoup joué à la série des Castlevania, j’ai du finir en long et en large les premiers épisodes sur NES et SNES puis les suivants m’ont moyennement attiré. Je trouve que ces jeux rendent assez justice à Dracula avec une mythologie propre et souvent une bande son magnifique.

Ma dernière rencontre avec un vampire s’est produite à la vision de Morse. J’ai beaucoup aimé ce film qui propose une vision inédite d’un mythe vieux de plusieurs siècle (ce qui est un tour de force) avec une atmosphère propre et des acteurs géniaux. J’ai été très déçu d’apprendre qu’un remake en langue anglaise était en chantier, il est loin d’être nécessaire…

N.D. : Ma première rencontre à moi a sûrement ( enfin si ma mémoire est bonne ) été le film de Coppola qui m’a vraiment marqué a l’époque, surtout la scène d’introduction je dois dire. Plus récemment, j’ai suivi la série True Blood.

Pour vous, comment peut-on analyser
le mythe du vampire ? Qu’est ce qui en fait la pérennité ?

I.M. : Question difficile… Le mythe a été étiré dans tout les directions, encore plus depuis quelques temps… Le vampire est victime d’une malédiction. Il en est réduit à vivre seul, la nuit et pour l’éternité. Il ne peut pas vivre au sein de la société, il est rejeté en quelque sorte. D’un autre côté, il est aussi un prédateur pour l’homme, quasi-indestructible et le fait qu’il ressemble à un humain ne le rends que plus dangereux. Il est invisible comme une épidémie, un virus. J’ai déjà entendu dire que le vampire pouvait être une personnification de la peste. Au final, je pense que c’est peut-être cette dualité, la vision romantique de l’être maudit et le côté immoral de la bête qui fait que ce mythe est une source d’inspiration inépuisable. Il représente pour moi à la fois le paria et le puissant mais toujours à l’encontre de la société.

A chaque moment de crise, la société se durcit et devient plus puritaine. C’est pendant ces périodes que l’art se révolte et devient le plus corrosif. La réémergence du mythe du vampire doit probablement correspondre à ces périodes, en opposition au mouvement néochrétien des Etats Unis qui lui aussi réapparait cycliquement au rythme des crises économiques. Le problème est qu’à notre époque, la mythologie vampirique qui prédomine, Twilight, est produite par ces mêmes néochrétiens à laquelle s’opposait le vampire d’autrefois. Faut-il y voir un signe concernant l’époque où l’on vit ?

N.D. : Je suis d’accord avec Isidore.

La saison deux de Perdido a commencé il y a plusieurs semaines et s’achève dans quelques semaines. Envisagez-vous déjà un futur à la série ? Avez-vous réfléchi, comme certains l’ont remonté, de publier une sorte de combo musique/bd Perdido ?

I.M. : Personnellement, je suis tout à fait d’accord pour réaliser une troisième saison de Perdido, à condition qu’elle apporte quelque chose à la série. Mais ce ne sera pas pour tout de suite, j’ai des projets plus personnels à mener à bien et j’ai aussi besoin d’un peu de repos! Je suis sur le point de terminer ma série sur le net Tanooki! mais la publication des derniers épisodes aura lieu l’année prochaine. Je prépare aussi un projet de plus grande envergure que je vais proposer à des éditeurs, un projet en couleur dans la veine de Perdido.

Je vais aussi contacter des éditeurs afin de produire une version papier de Perdido. Concernant une édition jointe de la bande son et de la BD, il y aura apparemment des problèmes à ce niveau-là, je ne peux personnellement pas me prononcer.

N.D. : Pour ma part aussi un Perdido 3 est tout a fait envisageable, avec cette fois en BO un groupe qui vient de voir le jour « Soki » dans lequel j’évolue avec des ancien membres de DTC Groove Gang. Je pense déjà a quelques trames qui pourraient être une base pour Perdido 3 mais il faut du temps pour que tout cela mûrisse.

2 réponses à Delestre, Nicolas – Mbuma, Isidore. Interview des auteurs de Perdido

  1. Senhal dit :

    Ah ben Nico, tu t’es pas foulé la langue, je vois. En revanche, les réponses d’Isidore sont très intéressantes. Bravo pour le boulot les garçons, en tout cas.

  2. niquot dit :

    En fait pour la petite histoire j’avais dit pleins de truc a l’interview mais le H2 a pas fonctionné… Les boules… Du coup voilà mais promis le jour où on en refait une je me découvre plus… En même temps comme ca je garde un mystère sur ma personne… Les filles devraient adorer:-) Et si vous avez des questions sur Perdido, la zic ou mon régime je répondrais avec plaisir

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