De Santis, Pablo. Interview avec l’auteur de La Soif primordiale

Bonjour, pouvez-vous vous présenter pour les internautes de Vampirisme.com ?

Je suis Pablo de Santis, un écrivain argentin. Je suis également scénariste de bande dessinée, et j’ai à cet égard travaillé pour le magazine argentin Fierro, très connu là-bas, où ont notamment été publié José Muñoz, Carlos Sampayo, Alejandro Jodorowsky. J’ai aussi travaillé pour la jeunesse, et mes livres à destination de ce public sont très connus en Argentine. L’un d’entre eux, El inventor de juegos (L’Inventeur de jeux) a d’ailleurs été adapté sur grand écran avec Joseph Fiennes et David Mazouz (qui joue Bruce Wayne dans la série Gotham). Le film va d’ailleurs sortir en France cette année.

En 2010, vous publiez Los Anticuarios (La Soif primordiale), un roman plus ouvertement fantastique que ceux que vous avez pu écrire jusque-là. Pouvez-vous nous raconter la genèse de ce roman ?

J’aime beaucoup le genre fantastique. Il y a de nombreuses années, j’ai travaillé sur une sorte d’encyclopédie de la littérature fantastique mondiale, un projet quasiment sans fin. En Argentine, le fantastique est quelque chose de très important. Nos plus grands auteurs : Jorge Luis BorgesJulio CortazarAdolfo Bioy Casares… ont écrit des textes fantastiques. J’ai écrit d’autres livres fantastiques pour ma part, comme le Théâtre de la mémoire et La traduction. La Soif primordiale, c’est un roman que j’ai conçu autour du thème du vampire, mais aussi autour de mon passé de journaliste, pas dans les années 1950 comme dans le livre, mais dans les années 1990. Je cherchais un moyen de donner une vision différente du thème du vampire, qui me passionne depuis aussi longtemps que je m’en souvienne. J’apprécie ainsi beaucoup des livres Je suis une légende de Richard Matheson, ou le Carmilla de Le Fanu, ou des films comme The Hunger de Tony Scott, Vampires de John Carpenter, ou les films de la Hammer avec Lee et Cushing.

La Soif primordiale, en espagnol, s’appelle Los Anticuarios. Quand j’étais jeune, j’ai travaillé dans un tabloïd où il n’était question que de scandales reliés à des acteurs et actrices, mais aussi du monde de l’occultisme. Il y avait des astrologues, des mentalistes, des hypnotiseurs… ce monde m’intéressait.

Vous faites de vos vampires des amateurs de choses anciennes (antiquaires, bouquinistes). Le vampire est-il pour vous une créature nostalgique ?

Je me demandais comment une personne qui aurait survécu à son époque pouvait se comporter. On est toujours très attaché aux choses de sa jeunesse, et cela ne fait que s’exacerber avec l’âge. C’est à cause de cela que j’ai imaginé ces Antiquaires comme ayant une relation forte avec leur propre passé.

Le contexte politique est particulièrement présent dans le roman. Est-ce un moyen d’exorciser les années de dictature qu’a pu connaître l’Argentine ?

Il y a en fait deux périodes à ce niveau dans le roman. Une époque liée au péronisme, qui était une démocratie, mais avec quelques points très autoritaires. Il y avait un contrôle très strict de la presse, et des journaux ont été fermé par le gouvernement. C’était une époque complexe dont le souvenir est encore très présent en Argentine. Après le péronisme, il y a eu une transition militaire qui a également été très dure, sans doute plus dure que la période où Perón était au pouvoir. Mais ce sont des périodes de dictature plus anciennes que celle que j’ai vécues.

Pour parler du Cercle des Douze, qui est ressorti en poche il y a peu de temps aux Editions Métailié, l’objet du roman ne serait-il pas de désacraliser la figure du détective ?

J’ai travaillé ce roman comme si c’était un texte du genre merveilleux. Non pas par la présence de magie, mais par l’idée d’un univers autonome, fermé, où les détectives sont de grandes figures. C’était important pour moi d’en faire une sorte de chevalier servant. Salvatrio, le héros du roman, est un homme intelligent, mais pas le plus intelligent du lot. J’aime beaucoup la série Colombo, où le personnage central est certes quelqu’un de très intelligent, mais aussi un héros au sens moral du terme. Il finit toujours par deviner la vérité parce qu’il est persévérant, parce qu’il a une forte volonté, ce qui est important à mes yeux. Nous dépendons de nos vertus, de nos compétences, mais aussi de notre capacité à persévérer.

Dans Crimes et Jardins, vous revenez au personnage de Salvatrio. Était-ce prévu dès le début ?

Quand j’ai eu fini Le Cercle des Douze, je ne pensais pas reprendre le fil de l’histoire. Puis j’ai commencé à avoir l’idée d’une histoire autour du thème du jardin, qui m’intéresse beaucoup. Et j’ai donc fini par écrire le roman. J’en ai depuis écrit un autre, qui prend place entre les deux romans, mais il n’est pas encore corrigé.

Pouvez-vous nous parler de vos premières rencontres (littéraires ou cinématographiques) avec un vampire ?

Je crois que c’était à la TV. En Argentine, on avait un programme le samedi soir qui s’appelait Sábados de Super Acción. On y diffusait des films d’horreur, des films de la Hammer, les films de Godzilla, La Créature du Lagon Noir

Avez-vous encore des projets de livre sur ce thème ? Quels sont vos futurs projets ?

Le fantastique est un genre difficile : il faut nécessaire inventer quelque chose. C’est très difficile pour moi, même si j’articule souvent mes romans autour du lien entre l’écriture et le fantastique. Dans La Traduction, je mettais ainsi en scène l’idée d’une langue fantastique, qui en appelait à la Mort. J’aspire à écrire d’autres ouvrages dans ce giron, mais c’est très difficile pour moi.

Pour en revenir à mes prochains projets, il faut aussi savoir que Crimes et jardins vient également de paraître en espagnol. François Gaudry, le traducteur a ainsi commencé à travailler à partir du manuscrit d’origine. Mais je me suis déjà lancé dans un nouveau projet de roman sur le thème de la cryptographie. Un roman qui traverserait l’histoire de l’Argentine, entre 1970 et 1984, et raconterait l’histoire d’un jeune étudiant en cryptographie, sur fond de trame intellectuelle et politique.

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