Yee, Reimena. Le Marchand de Tapis de Constantinople, tome 1

Zeynel est l’héritier d’une longue famille d’érudits. Ayse, qui vit dans un petit village d’Anatolie, est la fille d’un marchand de tapis qui rêve d’exporter le savoir-faire des siens jusqu’à Constantinople. Pour mener à bien ses ambitions, elle se laisse convaincre que le mariage est une étape préalable incontournable. Zeynel, de son côté paraît destiné à devenir Imam. Mais les aspirations de la jeune femme et le monde du commerce attisent son intérêt, et il finit par décider ses parents à lui donner sa chance. Le couple s’installe à Constantinople, où leur entreprise est vite florissante. Jusqu’au jour où, lors d’un voyage, Zeynel est victime d’un vampire.

Originaire de Kuala Lumpur, Reimena Yee est une scénariste et illustratrice désormais basée en Australie. Depuis Seance Tea Party (également traduit chez Kinaye), elle a fait paraître plusieurs ouvrages, chacun témoignant de l’originalité de son approche graphique. Ses œuvres incluent des titres comme My Aunt is A Monster ou encore Alexander, the Servant & the Water of life (publié en numérique). L’autrice a aussi un pied dans le privé, en tant qu’illustratrice et designer pour des clients tels que Penguin Workshop.

Je dois avouer avoir été saisi par le style de la couverture de ce Marchand de Tapis de Constantinople. Et ce avant même d’avoir compris qu’il s’agissait d’un album qui terminerait chroniqué sur le site. La touche graphique me renvoie en effet à des artistes comme Craig Thompson, et de fait l’histoire, dans son approche intimiste, n’est pas très éloignée des ambiances de l’auteur de Blankets, mais fait surtout penser à son Habibi.

Ce premier tome est un récit où il est difficile de séparer le dessin de la trame. Le trait assez unique de l’illustratrice et sa mise en couleur riche donne le ton à cette histoire qui paraît tout droit sorti des Mille et Une Nuits. La première partie de la narration (si on laisse de côté l’introduction) est ancrée dans le réel, focalisée sur la relation qui se tisse entre Ayse et Zeynel. Le rapprochement entre les deux protagonistes, voulu par leurs parents, semble bien mal parti, et pourtant l’amour finit par naître entre la marchande de tapis et l’intellectuel. Au centre de cet amour, il y a ce goût pour le commerce, et cet attachement au savoir-faire du tapis oriental. La relation entre les deux personnages se construit et s’affermit au fil des ans. Mais survient le basculement. On suit dans un premier temps le mal-être qui s’empare de Zeynel, qui ne comprend pas pourquoi Dieu a décidé de lui faire porter la malédiction du vampirisme. Puis, de retour chez lui, il y a l’impact que son état a sur son lien aux vivants, en premier lieu à Ayse. Leur amour est mis à rude épreuve. La marchande veut prendre soin de son mari, et rester à ses côtés, mais est-ce seulement possible ?

L’intérêt graphique de l’album est indéniable. Je l’ai dit un peu plus haut, le trait de Reimena Yee rappelle celui de Craig Thompson. La différence se fait en partie dans l’importance apportée à la couleur. La palette et les effets visuels accompagnent en effet parfaitement l’ambiance orientale, l’autrice jouant avec ce rendu dans les scènes où les protagonistes présentent les tapis (notamment).

La figure du vampire n’apparaît que dans la deuxième partie de l’album. Pendant d’un voyage, alors qu’il est perdu, Zeynel sauve un homme qui paraît avoir été dévalisé. Ce dernier se révèle en fait être un vampire, qui attend le moment opportun pour s’attaquer au marchand. À partir de là, Zeynel contracte lui aussi le vampirisme. Il doit désormais apprendre à vivre avec une soif de sang inextinguible et une sensibilité à la lumière du soleil. Les crocs ne sont pas toujours visible, et poussent quand le besoin de boire se fait plus pressant. Zeynel utilise le terme goule pour désigner le personnage qui a fait de lui ce qu’il est. Celui-ci est d’apparence humaine, mais son regard n’a pas grand-chose d’humain. À noter que l’introduction de ce premier tome, où Zeynel voyage en bateau, rappelle à sa façon le passage du Démeter dans Dracula : Zeynel ne sort que la nuit, et s’abreuve des rats.

Un premier album surprenant, graphiquement assez incroyable, qui propose une histoire qui ne dépareillerait pas dans Les Mille et Une Nuits.

Yee, Reimena. Le Marchand de Tapis de Constantinople, tome 1

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *