Sapkowski, Andrzej. Sorceleur, volume 5. Le Baptême du Feu

Sorceleur est une série de nouvelles et de romans écrite par le Polonais Andrzej Sapkowski dans les années 1990 et 2000. Un peu unique à son époque et dans sa société, cette suite romanesque, qui compte une douzaine de nouvelles et 6 romans, conte l’histoire de Geralt de Riv, sorceleur de son état, c’est à dire un personnage génétiquement modifié qui passe son temps à tuer des monstres contre de l’argent, bénéficiant d’aptitudes physiques augmentées et de la possibilité de manipuler, de manière rudimentaire, la magie qui imprègne le monde. Lesquels monstres sont apparus après un cataclysme ayant ouvert des portails entre les mondes 1 500 ans auparavant. Au-delà de l’aspect « monstre de la semaine », permettant à Sapkowski de décrire avec force détails insectes géants, reptiles volants et changeformes, il s’agit d’une relecture habile de l’histoire de son pays, se basant sur des mythes européens.

Le présent roman prend pied au coeur d’un cycle de 5 romans, surnommé La Saga du Sorceleur, pendant laquelle Geralt essaie de retrouver Cirilla, une adolescente à laquelle il est magiquement lié, et qui a été téléportée dans un endroit inconnu lors d’un coup d’Etat visant à priver les souverains des différents royaumes de leurs atouts majeurs, à savoir des magiciens. Chemin faisant le sorceleur rencontre différents personnages, dont l’énigmatique Emiel Régis Rohellec Terzieff-Godefroy, qui se présente comme un herboriste. sa science des plantes curatives et son dévouement vont s’avérer fort utiles lorsque Geralt et ses compagnons vont devoir faire face à l’adversité, mais ses aptitudes particulières vont également éveiller  leur méfiance… et leur peur.

Ainsi comprennent-ils bientôt qu’il s’agit d’un vampire supérieur, et à ce titre capable de se rendre invisible, d’envoûter les gens, de les plonger dans un profond sommeil. de tenir des braises incandescentes dans ses mains pendant de longues minutes sans sourciller. De prendre l’apparence d’une chauve-souris et de voler comme elles. Geralt, de par ses fonctions, a eu maille à partir avec de nombreux vampires de différentes sortes, mais Régis sort du lot, ce qui n’empêche pas le sorceleur et ses amis de ressentir de l’inquiétude, et même de la peur. Lors d’un bivouac, celui-ci décide de crever l’abcès, de raconter son histoire. Et de casser des préjugés envers son espèce.

Comme beaucoup de jeunes de son espèce, Régis fut un vampire avide de sang, au sens pathologique du terme. C’est à dire qu’il lui arrivait de saigner plusieurs victimes d’affilée, de ne pas rentrer chez lui plusieurs jours d’affilée, emporté par l’ivresse. Mais lors d’une mauvaise expérience, qui lui a valu de se faire décapiter, recevoir un pieu dans le cœur et enterrer, il eut une prise de conscience et décida d’arrêter. Totalement. Une abstinence qui n’est pas sans rappeler celles des alcooliques décidant d’arrêter après un traumatisme violent suite à une expérience extrêmement traumatisante.

Lors de cette discussion les compagnons de Régis lui opposent les différents mythes accolés à son espèce. Ainsi rappelle-t-il qu’après la Conjonction des Sphères, cataclysme évoqué ci-dessus, seuls 1 200 vampires supérieurs subsistaient sur le Continent. Dont la moitié d’abstinents. Leur population aurait dû augmenter de façon exponentielle, si une personne mordue par un vampire se transformait à son tour. Or, ce n’est pas le cas : adieu le mythe de la transmission de l’état vampirique. Mais les capacités régénératives de ceux-ci étant nettement supérieures au commun des mortels, ces derniers les ont érigés en aberrations, en marques de malédiction, à des fins sociologiques. De même, l’association de l’activité vampirique avec la nuit serait due au caractère froid, sombre, mauvais, plein de dangers de la période nocturne. Les vampires supérieurs opéraient de nuit à leurs débuts mais, de même que les humains « normaux » ont apprivoisé la nuit en chauffant et éclairant leurs demeures pendant les heures sombres, les suceurs de sang ont fait leur le jour, progressivement. Et pour finir avec les mythes vampiriques, Régis évoque la dimension sexuelle de la peur liée aux vampires. Le vampire paralyse sa victime et la contraint à un acte sexuel oral ; ou plutôt à une immonde parodie de sexe oral, selon ses termes. Cette pratique exclut la procréation, et devient répugnant. Le vampire mythologique le fait pour les humains rétifs au sexe oral, et devient par-là même l’ultime et fascinante incarnation du Mal.

Alors que le tome s’achève dans une incroyable scène de bataille, Régis se trouve près d’un autre membre du groupe, en très fâcheuse posture. Nul doute que son rôle n’est pas terminé auprès du Sorceleur. De par la présence de Régis, ce tome gagne en intérêt, le reste de l’intrigue pouvant se résumer en une errance un brin ennuyeuse.

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