Powers, Tim. Le Poids de son regard

Un soir d’ivresse lors de son enterrement de vie de garçon, Michael Crawford passe l’anneau qu’il réserve à sa promise au doigt d’une statue. Le lendemain, impossible de retirer l’anneau, qui semble avoir durant la nuit fusionné avec le doigt de la créature de pierre. Interloqué, le jeune homme parvient cependant à trouver une solution et à rejoindre sa future femme. Mais au lendemain de sa nuit de noce, il se réveille avec horreur aux côtés du cadavre éviscérée de son épouse. Le cauchemar ne fait cependant que commencer, et l’entraînera en France, en Suisse et en Italie, dans les pas de Lord Byron, John Polidori, Mary Shelley et John Keats.

J’avais découvert Powers avec Les Voies d’Anubis, ouvrage incontournable pour qui s’intéresse au Steampunk. C’est donc avec plaisir que j’avais découvert qu’il s’était aventuré également sur le terres des vampires, avec ce roman dont une suite a été publiée il y a peu chez Bragelonne (Parmi les Tombes), quelques mois avant que ne soit réédité ce premier opus. Les deux peuvent certes se lire indépendamment, mais pour comprendre au mieux l’univers élaboré par l’auteur, la lecture du Poids de son regard est recommandée.

Je dois avouer avoir mis plusieurs semaines pour finir ce copieux volume, qui demande une attention particulière et offre à n’en pas douter une variation originale sur le thème du vampire. Powers ne manque pas d’idée, connaît ses classiques et sait parfaitement jouer avec ces derniers. Reste que ce roman possède de nombreuses longueurs, des passages  trop symboliques et m’aura fait plusieurs fois décrocher. Le fond est donc prometteur (et remplit ses promesses) mais le rythme très particulier de l’ensemble m’aura fait plusieurs fois hésiter à interrompre ma lecture (ce qui ne m’arrive quasiment jamais).

Le roman terminé, force est d’avouer que je pense avoir bien fait de passer outre et de terminer ma lecture, certaines clés concernant les créatures auxquelles font face les différents auteurs mis en scène ici ne se révélant que dans le dernier quart du roman. Il faut également dire que ce qui fait parfois la faiblesse du roman (ses passages à la limite du symbolisme, comme cette scène onirique dans les Alpes suisses) est aussi une de ses forces, en cela qu’elle fait écho au fantastique de l’époque. Et la réflexion proposée sur la création littéraire ne manque pas d’intérêt, surtout quand elle se frotte à des littérateurs aussi passionnants (et importants) que Byron, Keats ou encore Shelley.

Les vampires de cet univers sont des créatures antédiluviennes d’essence minérale qui ont été réveillées lorsqu’un homme désireux de s’attirer leurs faveurs a incorporé en lui un fragment du corps fossilisé d’une de ces créatures. L’ail, le fer, l’aubépine et des balles en bois semblent des moyens sûrs de s’opposer à ces créatures, qui sont capables d’offrir à leurs hôtes (où à ceux qui acceptent de leur servir de réceptacle) l’inspiration. De quoi tenter poètes et autres auteurs en mal de muse, même si l’appétit de ces créatures dépasse souvent les limites de l’hôte, et finit par rejaillir sur ses proches (les créatures en question étant exclusives à l’extrême). L’auteur revient également sur la fameuse soirée à la villa Diodati de laquelle découlèrent le Frankenstein de Mary Shelley et le Vampire de Polidori. Un évènement de taille pour qui s’intéresse au mythe du vampire, ici porté sous un éclairage quelque peu inhabituel.

S’il m’aura fallu plusieurs semaines pour venir à bout de ce roman particulièrement dense, et que j’ai en toute franchise failli en interrompre la lecture plusieurs fois, il n’en demeure pas moins qu’il contient de nombreux moments de bravoure, et une variation particulièrement originale et inventive sur le thème du vampire, qui se paie le luxe de revenir sur les premiers pas des buveurs de sang en littérature. Pas parfait (la plume de Powers manque décidément d’homogénéité, et brille plus sur les idées que sur leur mise à l’écrit), mais totalement à part. Un texte qui parle en fin de compte de l’écriture, des aléas de l’inspiration et offre une essence surnaturelle à cette dernière, le tout en utilisant le mythe du vampire à cet effet.

Une réponse à Powers, Tim. Le Poids de son regard

  1. Escrocgriffe dit :

    Je n’ai jamais lu de Tim Powers, du coup je vais peut-être commencer par Les Voies d’Anubis qui est encensé ! Merci pour ton article.

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