Manço, Aylin. Ogresse

Hippolyte, H pour les intimes, ne demandait rien à personne. Pourtant, en l’espace de quelques mois, ses parents se séparent, son meilleur ami prend ses distances et sa mère agit de plus en plus bizarrement. Comme si cela ne suffisait pas, sa voisine, une vieille dame très sympathique à qui sa mère faisait les courses, a mystérieusement disparu. Mais il y a aussi Lola, une de ses camarades de classe qui vit la porte à côté, et est l’objet des moqueries de H et ses amis. Leur rapprochement inattendu va donner des clés à H pour comprendre ce qui se trame autour d’elle. Et dans le même temps, fissurer plus durablement son quotidien.

Si une bibliothécaire ne m’avait pas alpaguée alors qu’elle venait de finir le roman, je serais passé totalement à côté de ce roman jeunesse. Rien ne laissait en effet présager que la figure du vampire s’y invitait, d’autant qu’à aucun moment le terme n’est utilisé. Il s’agit là du deuxième livre d’Aylin Manço, après La Dernière Marée. Dans Ogresse, l’autrice explore, segment Young Adult oblige, le passage à l’âge adulte. Mais elle le fait avec un savoir-faire redoutable, s’appropriant les poncifs au passage. Il y a bien de la romance, une mise en scène de l’éveil sexuel de ses personnages et un soupçon d’opposition avec les adultes. Pour autant, la manière dont elle fait évoluer ses protagonistes, sa capacité à ne pas surenchérir à tout va et son écriture cinglante permettent à son récit de sortir du lot.

Ogresse et un roman assez glaçant, qui montre des adolescents en plein apprentissage de la vie d’adulte. Ils sont quelque part plus mûrs que ces derniers, leur parole est plus directe, sans tergiversation. C’est aussi là l’une des forces de ce roman, qui bâti véritablement son intrigue autour de ses personnages et de leurs interactions sociales. Et si la figure du vampire y est bien présente, c’est à l’image du reste du récit : sans fioritures. Si l’on a parfois l’impression que le surnaturel est tapi à la lisière de ce qu’il nous est donné d’observer, Aylin Manço n’insiste pas sur cet aspect de l’histoire.

Les habitués comprendront rapidement ce qui se trame dans la cave de la mère d’Hippolyte. Cette dernière contracte du jour au lendemain une obsession pour le sang. Elle va quitter son travail et tenter de rationner ses stocks, l’alimentation de la petite famille se faisant de plus en plus carnée. C’est d’ailleurs l’un des éléments récurrents de l’histoire, les repas, qui distillent les premiers des doutes dans l’esprit du lecteur. Le personnage n’est cependant pas fantastique : son obsession et ses exactions la placent à mi-chemin entre la tueuse en série et la droguée. Ce qui est renforcé par les aspects très médicaux de la collecte de sang, de son stockage.

Un roman relativement inattendu qui exploite les codes du Young-Adult avec une efficacité indéniable. Les tropes et thématiques habituelles sont bien là, mais l’autrice et son style direct parviennent à faire sortir le lecteur de sa zone de confort. Chaudement recommandé.

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