Après une longue tournée à l’étranger pour promouvoir sa spécialité, les donuts fourrés à la gelée d’orange sanguine, le comte Dracula est de retour chez lui. Reste que la situation sur place a fortement changé, et pas dans le bon sens. Alors que Dracula — et son père avant lui — milite pour un rapprochement entre les humains et les vampires, le monde des vampires est désormais sous la coupe de Constantine. Ce dernier a pris les rênes du Brunch Club initié par Dracula, et impose une stricte ségrégation entre les créatures de la nuit et les hommes. Et si le comte espérait s’appuyer sur sa recette miracle pour retrouver les faveurs des siens, cette solution s’avère vite une voie sans issue : il ne reste plus aucune orange sanguine dans le pays.
Dracula Brunch Club est le premier récit publié de Brian Gonsar. Ce dernier était jusque-là essentiellement connu en tant que producteur de cinéma et de publicité. Il a notamment officié sur le thriller Forgetting the Girl (2013) et le drame Favorite Son (2011). Le copieux volume (214 pages) qu’est Dracula Brunch Club puise dans son double intérêt pour les origin story et pour les parodies. Car c’est là aussi l’une des ambitions de cet album tout public : expliquer pourquoi les vampires aiment le sang. Le scénariste choisit de le faire sur un ton léger, dans un récit où la question du sang n’apparaît que tardivement. Dans le même temps, l’histoire explore la figure du vampire en croisant les thèmes du vivre ensemble, à la ségrégation et aux idées reçues.
Graphiquement, le style de Keenan Gaybba dénote de son passif dans l’animation. Le trait de ses protagonistes et la colorisation rappelle des séries Nickelodeon telles que Bob l’éponge, ou la touche visuelle des projets de Jean-Yves Raimbaud, comme Les zinzins de l’espace ou Oggy et les cafards. Il y a un côté à la fois naïf et hyperexpressif donné aux personnages, le tout associé à une mise en couleur numérique simple.
Au début de l’histoire, les vampires ne semblent pas avoir besoin de sang : ils se contentent des donuts à l’orange sanguine. Reste que, acculé devant la pénurie du fruit, le comte trouvera son salut dans le sang humain que lui fournira Elena, l’humaine dont il est amoureux. Pour le reste, les vampires paraissent dotés des caractéristiques habituelles : ils vivent la nuit, peuvent se transformer en chauve-souris et craignent la lumière du soleil. Armés d’un bijou, leur pouvoir de suggestion est d’une puissance sans égal.
Je n’attendais pas forcément grand-chose de ce Dracula Brunch Club, mais force est de constater que le duo d’auteur connaît autant son sujet qu’il s’amuse avec… pour le plaisir du lecteur.


