Collectif. Weird Tales, numéro 364

Weird Tales est une revue emblématique, fer de lance des revues pulp de la première moitié du XXe siècle. C’est dans les pages du magazine que des auteurs comme H.P. Lovecraft ou encore Robert E. Howard ont fait leurs débuts (voire se sont fait un nom). Si le magazine a arrêté sa publication en 1954, il a été relancé plusieurs fois depuis lors. L’éditeur de la dernière mouture en date se trouve être Jonathan Mabbery, créateur (notamment) de V-Wars. Le présent numéro est le second à être publié sous sa direction. On peut également noter que le numéro 363 jouait déjà la carte du vampire à travers sa couverture. Celle-ci était en effet un hommage évident à une couverture de l’époque classique de la revue, dessinée par Margaret Brundage et publiée en 1933.

Collectif. Weird Tales, numéro 364

Weird Tales October 1933 cover by Margaret Brundage / Weird Tales July 2019 cover by Abigail Larson

A l’image de la version historique de la revue, cette nouvelle version mélange nouvelles et poèmes, le tout abondamment illustré. On y rencontre des noms bien connus comme Joe R. Lansdale, ou encore Tim Waggoner. Mais le papier et l’impression assez luxueuse de la revue en fait désormais davantage un mook qu’un pulp a proprement parler.

Ce 364e numéro de la revue contient la nouvelle «Last Days», co-écrite par Dacre Stoker et Leverett Butts. Ceux qui s’intéressent à la Fortune de Dracula connaissent le nom de Dacre, autant pour son travail de spécialiste de l’œuvre de son ancêtre que comme auteur de fiction. Une casquette pour laquelle il n’a de cesse de jouer avec Dracula, auquel il a déjà apporté deux « suites ». En premier lieu Dracula L’immortel (2009), co-écrit avec Ian Holt, puis avec Dracula – les origines, cette fois-ci en binôme avec J. D. Barker. J’avais été moyennement convaincu par Dracula L’Immortel, en revanche Dracula – les origines a été un vrai coup de cœur. Mais les deux livres diffèrent. Le premier s’essaie à proposer une suite « officielle » au roman original, en reprenant des éléments laissés de côté par Stoker, quand le premier s’amuse déjà à jouer sur la genèse de Dracula.

Pour «Last Days», Dacre Stoker fait alliance avec Leverett Butts. Ce dernier enseigne la littérature à l’université est a publié plusieurs livres, dont la saga Guns of the Wasterland, qui réécrit la matière de Bretagne dans l’Ouest américain. Butts est dans le même temps habitué à la forme courte, ayant sorti le recueil Emily’s Stitches: The Confessions of Thomas Calloway and Other Stories. L’auteur est enfin rompu aux jeux littéraires, entre l’épopée arthurienne, Sherlock Holmes, etc. Un nouvel allié de choix, donc.

«Last Days» est une nouvelle qui ne peut que plaire aux connaisseurs de Dracula, de sa genèse comme de son fil narratif. Les auteurs s’amusent à mettre en scène la famille Stoker, notamment Bram et son fils Noel, et à jouer la carte de l’hésitation entre la fiction et le réel. Ainsi, Noel découvre les dessous de Dracula, en se voyant confier par son père le journal intime de Renfield. Il y a là un écho à la forme narrative de Dracula, point de départ d’un effet de rencontre entre le roman et la vie de l’écrivain. Renfield et Harker croisent notamment Bram Stoker, alors que l’ombre de Dracula plane sur l’ensemble. Il est également question du sort réservé à «L’invité de Dracula», et ses ramifications avec le roman. Tout ça est finement exécuté, avec des renvois nombreux au texte, comme à l’état des recherches actuelles sur sa création. Ainsi, les auteurs intègrent-ils à leur récit la préface (habituellement rattachée aux « traductions » nordiques) où Stoker jouait déjà (même si la paternité de la dite préface est depuis disputée) la carte de l’ancrage dans le réel.

Nouvelle variation de Dacre Stoker autour du roman emblématique de son ancêtre, «Last Days» est un texte aux multiples facettes, qui devrait sans nul doute plaire aux connaisseurs du texte d’origine. Reste que se procurer une version papier de la revue quand on ne vit pas aux US tient pour le moment du parcours du combattant.

Collectif. Weird Tales, numéro 364

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