Paris, 1956. Un batelier remonte de la Seine le cadavre d’une jeune femme exsangue. Quelques jours plus tard, c’est au tour d’une comédienne d’être mystérieusement enlevée dans sa loge. Pierre Lantin, un jeune journaliste, se lance sur les traces du tueur – kidnappeur, rapidement baptisé Le vampire par ses pairs. Pour autant, la police ne voit pas d’un bon œil qu’on empiète sur ses plates-bandes. Mais Lantin a également d’autres soucis, assailli par les avances répétées de Gisèle, nièce de la duchesse du Grand.
Si le film se présente comme une œuvre conjointe entre les deux réalisateurs, il faut bien comprendre que le projet initial avait été uniquement confié à Freda, qui décide au bout de 10 jours de passer l’éponge. Bava, alors simple chef-opérateur se voit alors proposer de reprendre le flambeau, avec uniquement deux jours à sa disposition pour boucler l’ensemble. Et pour quel résultat !
Ce qui frappe d’emblée avec ce film, c’est le choc entre le réalisme des scènes de villes, où fleure davantage la dolce vita italienne que le Paris des années 50, et les décors gothique en diable du château des Du Grand, entre le parc du château, le caveau de la famille ou encore le laboratoire de Julien du Grand. De quoi y percevoir une ambition de dépoussiérer les codes classiques du genre et de moderniser (par la touche scientifique, qui propose également des parallèles avec Jekyll et Hyde, voire avec Frankenstein) le thème du vampire, tombé quelque peu en désuétude après la surexploitation made in Universal.
I vampiri marque donc le retour du thème, sous l’égide de deux grands réalisateurs de l’école italienne, et avant même que Bava ne réitère sur le sujet (du moins en partie) avec son Masque du démon. Et si le film n’est pas parfait (le journaliste à un côté Ric Hochet un peu figé) et possède quelques retournement de situations un peu faciles, il n’en demeure pas moins une œuvre incontournable pour le cinéma vampirique, centré autour du personnage interprété par Gianna Maria Canale (et par les effets spéciaux saisissants qui accompagnent cette interprétation).
A noter également que le scénariste, Piero Regnoli, s’est par la suite essayé à la réalisation avec le sympathique Des filles pour un vampire, récemment réédité chez Artus Films. Le film bénéficie en outre d’un noir et blanc superbe (magnifiquement restauré par les gens de Carlotta), de jeux de lumières réussis (notamment dans les comparaisons entre les scènes en ville et celles dans la demeure des du Grand)
L’amateur de cinéma vampirique comprend rapidement que le film est en fait une réécriture modernisé de l’histoire de la comtesse Bathory. Pour autant, pas ici de baignoire et de bains de sang à n’en plus finir. Car si la comtesse s’attaque aux jeunes femmes, c’est davantage via la science qu’elle tire profit de leur sang, en prenant garde à n’utiliser que des victimes compatibles. Pas de crucifix, de pieux ni d’hosties donc, même si le film joue avec le décorum classique. L’idée apparaissant ici comme une tentative de mêler film policier et cinéma fantastique.
Un film qui mériterait d’être reconsidéré à sa juste valeur, et tenir la place qui lui revient au niveau du cinéma aux dents longues. Car si beaucoup connaissent le Dracula de Browning et celui de Fischer, nombreux sont ceux qui ignorent que la Hammer n’était pas la première à se réapproprier le thème, précédé par les italiens, voire les mexicains. Esthétiquement génial (le travail du décorateur est bluffant, même si le château qui sert de cadre à une partie de l’intrigue n’y est pas pour rien), secondé par des effets spéciaux saisissants même si peu présents, Les vampires est un film certes imparfait mais que tout amateur de cinéma aux dents longues se doit d’avoir vu.
Je confirme la qualité de ce film d’après-guerre tourné dans le décor réaliste de l’Italie des années 1950 (la dolce vita !), bien que l’intrigue se déroule à Paris. J’ai été tout particulièrement impressionnée par la décoration intérieure, soignée, riche, en somme assez impressionnante, ainsi que par l’astuce de Bava pour l’effet spécial de vieillissement, qui est tout à fait bluffant.
J’ai également été séduite par l’actrice principale, Gianna Maria Canale, qui incarne très bien la femme forte, intelligente et séduisante, mais aliénée (en réalité par la société ?) qu’est la Bathory.