Cornillon, Christophe. Quai des moribonds

Lyon, hiver 1898. Plusieurs prostituées sont retrouvées exsangues, sur les quais de la ville. La police, incapable d’y voir clair, fait appel au professeur Lazard, spécialiste du sang, et à son assistant Léonard Brisemert, pour l’aider dans son enquête. Les deux hommes vont devoir se lancer à la poursuite du tueur, depuis les rues de Lyon jusqu’au quartier de Whitechapel à Londres, en passant par les routes d’Auvergne. Au fil de leurs avancées, le duo va croiser quelques personnages tout droits issus des bas-fonds, mais aussi l’un des descendants directs de Vlad Tepes, un cocher décidément peu bavard, une poignée d’illuminés et un sympathique agent du Yard.

Du polar XIXe lyonnais mâtiné d’une ambiance à la lisière du fantastique, voilà un roman qui a tout naturellement attiré mon attention lors de mes perpétuelles recherches d’ouvrages aux dents longues. L’auteur s’en sort relativement bien pour plonger le lecteur avec délectation dans les années qui précédèrent le 19e siècle. Et si les protagonistes ont un tantinet la bougeotte, c’est surtout Lyon qui est au centre du récit. Lyon où tout commence et tout finira par se terminer, par un retournement de situation surprenant. Les amateurs de polars à l’ancienne devraient donc y trouver quelque chose à se mettre sous la dent.

Pour ma part, si la lecture a été plaisante, l’auteur ayant un style sobre mais pas moins efficace, deux ou trois petites choses m’empêchent de m’enthousiasmer outre mesure pour ce roman. A commencer par la manière d’écrire Stoker, qui est écrit avec un c sur l’ensemble du texte. Une faute qui passe certes sans écueil auprès des publics peu connaisseurs mais qui est une des plus connues pour les puristes. Deuxième petit bémol : la trop grande facilité avec laquelle les différentes pistes sont explorées. Pour le coup, c’est davantage le lecteur de polar 19e qui parle, et qui apprécie qu’on le mène davantage en bateau, l’égarant sur des fausses pistes, creusant la psychologie des personnages au fil du texte. Mais bon, la longueur du roman, plus proche en ce sens d’une novella, explique sans doute se resserrement.

L’aspect vampirique de l’ouvrage est présent dès la première découverte d’une victime, retrouvée exsangues avec la gorge marquée par une double incision caractéristique. L’auteur va rapidement, par le truchement d’un de ses personnages principaux, introduire le Dracula de Stoker dans le récit, roman publié l’année précédente, en 1897. Une idée qui va appuyer cette hésitation entre réalité et fiction, ce que fera aussi l’introduction dans le récit du descendant d’un personnage bien connu des amateurs de vampires littéraires. Sans compter que l’impossibilité d’attraper le criminel, ses crimes perpétrés uniquement la nuit venue et l’état dans lequel il laisse les cadavres provoquent un certain trouble

Un roman au final assez sympathique, même s’il aurait mérité un développement plus dense, qui aurait permis de davantage plonger dans le Lyon de l’époque. L’auteur n’en joue pas moins de manière habile avec ses références (le lien entre Vlad Tepes et Dracula ne sera réellement étayé que bien des décennies plus tard), et a un certain sens de la mise en scène (et du retournement de situation) qui surprennent agréablement.

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