Sfar, Joann. Aspirine, tome 1

Aspirine vit dans un appartement à Paris, aux côtés de sa soeur Josacine. Transformée il y a 300 ans alors qu’elle était encore une adolescente, la vampire semble ne pas vouloir s’assagir avec les années. Elle laisse derrière elle une piste sanglante, et n’hésites pas à s’attaquer aux compagnons d’un soir de son aînée. Excédée par l’approche de l’immortalité que son prof de philosophie assène aux étudiants, elle sort de ses gonds. Ce qui sera pour elle l’occasion de faire la connaissance d’Ygdor, un jeune rôliste qui n’aspire qu’à se confronter véritablement avec la magie.

Ceux qui connaissent la production vampirique de Joann Sfar ont déjà croisé les personnages d’Aspirine et Josacine dans Grand Vampire (réédité depuis sous le titre Le Bestiaire Amoureux). Cette fois-ci, c’est en tant que personnage principal d’une nouvelle série qu’elles vont refaire leur apparition. Sfar nous convie donc à suivre l’adolescente vampire, bloquée à jamais dans son corps de jeune fille, et qui peine à s’extraire de son éternelle rébellion. En témoignent les nombreux cadavres qui jalonnent ses nuits, et ses professeurs et sa soeur, sur qui elle passe ses nerfs à n’en plus finir.

A la différence de Grand Vampire / Le Bestiaire Amoureux, il y a beaucoup plus de cohérence dans l’histoire, la série originale ayant été pensée en écriture automatique. L’auteur nous offre à suivre son personnage à travers les rues de Paris, au bord de la Seine comme à l’Université, et à la confronter avec ce qu’est devenu la société actuelle. Avec laquelle elle semble être plus en phase que celle des siècles passés, comme elle l’explique à son professeur, qui ne comprend pas son usage d’un langage châtié. Sfar injecte dans le même temps plusieurs thèmes centraux de son oeuvre dans ce nouvel opus, à commencer par la philosophie, toujours par l’entremise du professeur d’université d’Aspirine. Mais il joue aussi avec ses passions plus geek, en intégrant Ygdor, un jeune gothique solitaire passionné de Jeu de Rôle, à sa trame. Et si Aspirine rejette initialement ce dernier, c’est bien lui qui finira par la sortir (ne serait-ce que temporairement) de son éternelle insatisfaction.

On retrouve ici le trait de Sfar propre à ses séries plus adultes. Mais la mise en couleur y est plus explosive que dans les albums sus-citées, ce qui donne un certain dynamisme à l’ensemble (alors que Grand Vampire m’avait toujours semblé un peu froid dans son approche graphique). A l’image de la production de l’auteur, le style est d’apparence simple, mais les détails sont relativement nombreux, donnant vie aux lieux où évoluent les personnages comme aux affects de ces derniers.

Côté vampire, c’est bien Aspirine qu’il convient de s’intéresser dans ce nouvel opus, sa soeur Josacine tenant plus de la succube (ne serait-ce que par ses perpétuelles frasques). Aspirine ne ressent pas de problème pour se déplacer à la lumière du soleil. Mais hormis sa capacité à voler, elle ne semble pas particulièrement dotée de pouvoirs surnaturels. Elle n’en est pas moins immortelle (et d’une force incroyable, contrairement à ce que laisse paraître son apparence), et victime d’une soif de sang difficile à étancher.

Un nouvel opus à ajouter à la production vampirique de Joann Sfar. De quoi retrouver, après Petit Vampire, d’autres personnages de sa geste philosophico-fantastique, avec Aspirine, l’adolescente vampire en rébellion depuis des siècles. Une touche de philosophie, une touche de crise d’adolescence, le tout saupoudré d’humour et de quelques références annexes (le professeur Bell, auquel l’auteur à naguère consacré une série, Lovecraft et ses grands anciens). Bref, un opus sympathique, qui se laisse lire très agréablement. Je suis curieux de voir comment cela va évoluer, car il s’agit bien là du premier volet d’une nouvelle série.

Sfar, Joann. Aspirine, tome 1

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