Akagawa, Sagan. Sous le linceul de la mariée

Il y a un an de cela, le frère aîné de Jin a essayé de tuer sa fiancée Hyôka en l’empoisonnant. Si son frère et ses partisans ont été assassinés à la suite de cet tentative, la jeune femme a survécu et s’apprête à finalement épouser son promis. Depuis cet épisode, personne n’a plus revu son visage, qu’on dit horriblement défiguré par le poison. Après leur union, seul Jin s’autorise à lever — dans l’intimité — le voile de sa fiancée. Cette dernière semble bien fragile, et même sa mémoire lui fait parfois défaut. Est-elle réellement qui elle prétend être ?

Sous le linceul de la mariée est une histoire de la mangaka Sagan Akagawa, sortie début 2023 en France (et en 2021 au Japon). Cette traduction en français intègre la collection yaoi de l’éditeur Taifu Comics. De fait, si le démarrage de la trame laisse planer le doute, le cœur du récit tient bien à la relation homoérotique entre les deux personnages principaux, dont l’un est humain et le second un jiangshi. Le texte montre en réalité deux demi-frères qui sont tombés amoureux tout en étant opposés par des rivalités familiales dont ils sont les victimes. D’un côté le plus jeune, dont le père voudrait faire son héritier. De l’autre le plus âgé, que la mère espère en successeur de son père. Sans oublier la fiancée, qui a compris quel genre de liens unit les deux frères. L’ambiance flirte avec le gothique, avec l’idée d’un pacte passé par le père avec son cadet, que ce dernier décide de mener à bien après la mort de son jeune frère. Il y a certes une tension érotique palpable, et quelques scènes de relation homoérotique, mais cet aspect des choses ne prend jamais vraiment le pas sur la trame.

Graphiquement, c’est plutôt une bonne surprise. Le trait du dessinateur est très fin, et reste très réaliste d’un bout à l’autre de l’histoire. Comme souvent ce type de récit, les décors disparaissent et les illustrations paraissent se focaliser sur les protagonistes et leurs échanges. Pour autant, la demeure où se déroule l’essentiel des événements ne s’efface jamais tout à fait, contribuant à poser une ambiance, et à asseoir les personnages.

On n’est pas de facto en présence d’un vampire mais d’un jiangshi, une entité issue du panthéon chinois et que l’on a peu vu dans la culture japonaise. C’est davantage le cinéma hong-kongais qui a mis la créature à l’honneur, notamment au travers de la saga des Mr Vampire. On retrouve également des jiangshi dans d’autres médias, comme le comics V-Wars. Ils sont également en bonne place dans la saga Les chroniques de l’étrange de Romain d’Huissier, où il sont un des antagonistes régulier du Fat Si Johnny Kwan. En manga, l’utilisation la plus connue pourrait être le personnage de Chaozu dans Dragon Ball, représenté en jiangshi même s’il ne se comporte pas comme tel (en dehors de sa manière de se déplacer). Dans le cas de Sous le linceul de la mariée, on finit par comprendre que l’un des personnages est une créature ramenée à la vie par l’intercession d’un prêtre taoïste. C’est son état qui explique en grande partie ses pertes de mémoire et sa difficulté à assumer des relations sociales avec les humains. Le jiangshi a besoin d’un apport en sang pour sa survie. De fait, c’est le sang de son frère — dont il est amoureux, qui paraît le plus à même de lui octroyer le liquide vital. On assiste également à la scène de résurrection du personnage en jiangshi. Lequel nécessite de payer (cher) le prête, une vache, trois cochons, deux chèvres, les cadavre de ceux impliqués dans son empoisonnement, le sang du frère (ce qui lie lie au jiangshi), le corps de leur père ainsi que le cœur du mort.

Un manga assez surprenant par son sujet surnaturel, et offre une histoire qui assume pleinement l’ambiguïté du vampire, et convoque sa dimension transgressive.

Akagawa, Sagan. Sous le linceul de la mariée

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