Wietzel, Erik. Interview avec l’auteur de La porte des limbes

Bonjour. Pouvez-vous vous présenter pour les internautes de Vampirisme.com ?

Je vais vous faire une confidence : contrairement à ce qu’on raconte, je ne m’appelle pas Erik Wietzel. Certes, je n’ai pas trop été inquiété depuis la fin du XIXe siècle, mais une société secrète est toujours sur mes traces et je préfère prendre mes précautions, c’est tout.

Votre roman La porte des Limbes a été réédité il y a quelques semaines aux éditions Mnémos. Pouvez-vous nous expliquer la genèse de ce projet ?

C’était en 1996. Un copain illustrait des cartes pour un jeu Néphilim, un autre avait commencé à bosser sur une campagne de jeu de rôle. L’un et l’autre m’ont dit que Multisim cherchait de jeunes auteurs pour lancer une collection de romans. Ça faisait quelques années déjà que j’écrivais des nouvelles et des romans, sans succès car les éditeurs de  littérature fantastique francophones étaient alors quasi inexistants.

J’ai cherché dans leur catalogue l’univers qui me plaisait le plus et j’ai proposé quelques chapitres et un résumé de roman. L’éditeur m’a appelé pour me dire qu’il serait enchanté de lire la suite. Et voilà ! L’été dernier, Mnémos m’a proposé de rééditer La Porte des limbes, car l’ouvrage était épuisé. On a profité de l’occasion pour retravailler le texte, clarifier quelques points et ajouter un lexique, histoire de donner quelques clés d’un univers très riche et complexe.

Aviez-vous expérimenté le jeu de rôle Nephilim avant de vous pencher sur cet univers via ce roman ? Et si non, comment avez-vous travaillé la cohérence avec l’univers du jeu ?

Je n’étais déjà plus trop rôliste à l’époque. Sur l’insistance d’un copain, j’avais quand même failli me lancer ; mais en jetant un œil sur les feuilles de personnages Nephilim, je n’ai pas eu le courage d’en tirer les caracs’ : ça prenait des heures ! Alors jouer une partie…

Vos vampires sont davantage du ressort du vampire psychique que du vampire traditionnel. Est-ce un hasard du à l’univers du jeu ou une envie de votre part de faire de vos vampires autre chose que la créature buveuse de sang habituelle ?

Les Selenim étaient décrits ainsi dans l’excellent supplément de Tristan Lhomme. Je me suis amusé à écrire un personnage qui fréquente un petit groupe d’humains pour profiter d’eux. Comme il se nourrit de leurs émotions, il doit en provoquer l’apparition. Un drôle de jeu pour une drôle de relation. Il finit toutefois par s’attacher à ses victimes, si bien qu’il oscille en permanence enter des sentiments contraires, entre profit et loyauté. Mais il a surtout un monde à sauver, le nôtre !

Nephilim est un jeu de rôle qui prend habituellement place dans un cadre contemporain. Pourquoi avoir choisi un contexte fin XIXe pour ce roman ?

A l’époque, je me passionnais pour les peintres Symbolistes et tout le « fatras » ésotérique que véhiculaient certains écrivains. Fin XIXe, la Révolution industrielle avait déjà bien bouleversé l’occident et cette forme de résistance, de « réaction », presque, que portaient les Symbolistes, les Préraphaélites, les rosicruciens…  est un matériau excitant pour un auteur de fantastique ! On trouve des spectres partout, d’étranges messages venus de l’aube des temps et les tables se mettent à bouger toute seules.  

Quel regard portez-vous sur l’évolution du vampire en littérature ces dernières années ?

Beaucoup de choses ont changé et tout est semblable : les vampires véhiculent encore un fantasme de séduction, d’abandon de soi au bénéfice d’une créature toute puissante, et qui plus est vous offre la possibilité de partager son éternité ! Enfin, si elle est bien lunée… La part romantique du vampire a chez certains auteurs pris le dessus pour en extraire presque toute violence, à la façon dont les loups dans la littérature enfantine sont désormais systématiquement sinon gentils, du moins pas très dangereux. Pas la métamorphose que j’aime le mieux.

Comme le dit un ami, Anne Rice avait déjà limé les crocs du vampire, dès 1976 donc ; mais beaucoup de ses buveurs de sang restaient avides et cruels. Il ne faut pas oublier que le Dracula de Stoker a gagné Londres pour retrouver Mina Harker, la femme dont il est follement épris… Dans tous les cas, j’ai l’impression qu’il y en a aujourd’hui pour tous les goûts, que l’on aime la romance ou que l’on préfère les récits plus sombres. Tant mieux ! Mais à leur place je me méfierais : les zombies pourraient bien leur tomber dessus, en assez grande quantité pour les submerger. Quand on sait que les morts-vivants sont insensibles à la séduction vampirique…

Quelles sont vos premières et dernières rencontres avec un vampire (littéraire et / ou cinématographique) ?

Premières, sans doute des extraits du Nosferatu de Herzog vus à la tv. Plus récemment j’ai rencontré quelques spécimens dans les ouvrages que publie Milady, comme les Laurell K. Hamilton ou Patricia Briggs. J’ai essayé aussi Twilight, le 1er tome. L’auteur parvient vraiment à donner une voix crédible à sa narratrice – simplement ce n’est pas une voix que j’ai aimée, sans parler de la pruderie sous-jacente, un comble pour un roman de vampire.  

Pour vous, comment peut-on analyser le mythe du vampire? Qu’est ce qui en fait la pérennité ?

Comme je le disais, un vampire représente en partie le prédateur puissant, séducteur et que l’on aimerait dompter – bonne chance ! Il est sûrement une allégorie de la sexualité dans ce qu’elle aurait de plus libre, une sexualité condamnée par la « bonne » société et à laquelle on aspire pourtant – si l’on excepte le Vampire de Polidori, le personnage naît  pendant le siècle victorien, une ère fâchée avec la notion de plaisir.

Un vampire est aussi un être immortel, et échanger son sang est un moyen d’accéder à l’éternité. Le sexe et la mort, en quelque sorte, Eros et Thanatos. Une figure de la transgression mais aussi une représentation de ses conséquences les plus lourdes : cédez à ses avances et vous verrez bien ce qu’il vous en coûtera ! Hélas, dans une société plus conservatrice qu’on ne veut bien le dire, cette tension sur les interdits sexuels reste d’actualité.

Bon, à part ça il faut avouer qu’ils font des super-villains vraiment cools : d’autant plus dangereux qu’ils sont séduisants, avec une classe folle la plupart du temps. Pas comme ces brutes de lycanthropes !

Avez-vous encore des projets de livres sur ce même thème ? Quelle va être votre actualité dans les semaines et les mois à venir ?

J’ai écrit une nouvelle aventure avec les mêmes personnages. Elle se situe cette fois en Bretagne nord, avec un bestiaire que j’ai créé pour l’occasion. Un peu moins d’ésotérisme et d’alchimie pour autant de fantastique et encore plus d’action… Le roman devrait paraître à l’automne 2013. D’ici-là, une nouvelle d’urban fantasy sortira au printemps dans une anthologie liée au festival Imaginales d’Epinal, chez ActuSF. A la même période on pourra aussi trouver une autre nouvelle, cette fois un thriller, dans un recueil écrit par les membres du collectif Calibre 35 : ce sera aux éditions Critic.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *