Francis, Freddie. Dracula et les Femmes. 1968

Il y a un an, Dracula a été détruit alors qu’il luttait contre Charles Kent : son corps a été plongé dans l’eau courante, après que la glace se soit rompue. Monseigneur Muller, l’autorité religieuse de Kleinenberg, vient s’enquérir de la situation sur place. Là, il ne peut que constater que le prêtre de Carslbad n’est plus que l’ombre de lui-même. Les villageois, quant à eux, vivent dans la peur du château et de son effroyable propriétaire. Muller décide de prendre les devants et d’aller réaliser un exorcisme au pied des remparts, forçant le curé à lui indiquer le chemin. Sur place, il a l’impression que l’office s’est déroulé avec succès : il conclut son prêche en barrant la porte de sa demeure d’une lourde croix empruntée à l’église. Mais sans qu’il en ait conscience, son accompagnateur s’est blessé, et son sang a réveillé Dracula. Lequel entend bien se venger de celui qui a sali son antre.

Sorti en 1966, Dracula et les Femmes (Dracula Has Risen from the Grave en VO) est le quatrième film du cycle Dracula de la Hammer, faisant ainsi suite à Dracula : Prince of Darkness (1966). Un accident de la route pousse Terence Fisher — jusque-là à l’œuvre sur l’ensemble des opus de la franchise — à céder la main à Freddie Francis. Ce dernier n’est pas un inconnu : il a notamment signé la photographie pour Les Innocents (The Innocents, 1961) de Jack Clayton, et a réalisé des longs métrages tels que L’Empreinte de Frankenstein (The Evil of Frankenstein, 1964) et Le Train des épouvantes (Dr. Terror’s House of Horrors, 1965). C’est encore Anthony Hinds (sous le pseudonyme de Jack Elder) qui prend en charge le scénario, le générique soulignant comme à son habitude que les personnages sont inspirés par le roman de Bram Stoker.

Sans surprises, on retrouve donc pour la troisième fois Christopher Lee dans le rôle de l’aristocrate vampire. Si l’acteur parle peu, il a néanmoins quelques lignes de dialogue. Reste que c’est par sa prestance et son physique qu’il impose une nouvelle son incarnation du comte à l’écran. C’est le duo formé de Rupert Davies – un vieux briscard qui a imposé sa marque sur le personnage de Maigret et qu’on verra la même année dans Witchfinder General face à Vincent Price – et Barry Andrews – au physique très Roger Daltrey-esque dont c’est le premier rôle au cinéma – qui constituera ses principaux antagonistes. Les rôles féminins étant confiés à Veronica Carlson – une des figures féminines de la Hammer qu’on reverra dans Le Retour de Frankenstein (Frankenstein Must Be Destroyed, 1969) et Les Horreurs de Frankenstein (The Horror of Frankenstein, 1970) – et Barbara Ewing, qu’on reverra maintes fois à l’écran, notamment dans Hammer House of Horror (1980). Le scénario paraît davantage travaillé que pour le précédent film, où les personnages étaient des victimes par opportunité. Ici, c’est la vengeance de Dracula qui sert de fil rouge à l’histoire. Une vengeance qui va l’amener à corrompre une première jeune femme, de façon à se rapprocher progressivement de sa véritable cible : l’évêque qui lui barre l’entrée de son propre château. Le film convoque également dans le cycle la question de la foi. Il y a déjà le personnage du prêtre, dont l’église a été souillée par un meurtre perpétré par le vampire, et dont la croyance s’est effritée au fil des ans. Il y a ensuite l’évêque, sûr de son fait, qui s’appuie sur les dogmes pour rassurer ses ouailles. Mais il y a également Paul, le héros, athée revendiqué. De quoi lui valoir autant l’opprobre de Muller que lui poser un problème quand il s’agira de réciter des prières pour entériner la mort du vampire.

C’est aussi un Hammer qui pousse un peu plus en avant la gradation vers l’érotisme. Les personnages féminins dévoilent davantage leurs charmes, même si elles s’arrêtent encore au-dessus de la poitrine. Zena est présentée comme aguicheuse, dotée d’une sexualité libérée. Diana est plus pure, mais elle n’hésitera pas à dégrafer sa chemise de nuit devant Dracula. Son regard se fait lascif, la scène s’achevant dans son lit, alors que Dracula s’apprête à la mordre. On retrouve d’ailleurs dans les deux personnages l’idée de deux archétypes féminins bien différents, dont l’un — la femme impure — sera la première à succomber face au comte. On serait tenter de déceler à ce niveau une réminiscence du roman, et du duo Mina/Lucy. 

Visuellement, c’est indéniablement une réussite. Que ce soit au niveau des accessoires — la calèche dans laquelle se déplace Dracula — ou des décors. À ce titre, les scènes se déroulant sur les toits lorgnent vers le surréalisme, de même que celles qui dévoilent l’antre où Dracula a trouvé refuge, au cœur de l’auberge. Il y a en réalité peu de décors différents, mais Bernard Robinson — encore un régulier de la saga — paraît se surpasser. Les plans autour du château sont du même acabit.

Ressuscité pour la deuxième fois, Dracula ne peut que constater que l’entrée de son domaine lui est refusée. De ses pouvoirs, ce nouvel opus met surtout en avant sa capacité de suggestion, qui lui permet de prendre l’ascendant sur le prêtre, qui devient son homme de main. Matière à suivre l’évêque dans sa propre ville, et corrompre déjà Zena, puis Diana. On verra en action le crucifix face au vampire : ce dernier est repoussé par l’artefact. Et si le pieu paraît le moyen le plus efficace d’en venir à bout, il ne suffit pas seul : il doit être associé à la prière pour exorciser définitivement le vampire. On assistera ainsi à la survie de Dracula après une première tentative de Paul. Il sera néanmoins détruit par un pieu géant — le crucifix qui est tombé au pied du château — combiné cette fois aux admonestations du curé qui retrouve son aplomb — et la paix.

Premier film de la série qui ne sera pas tourné par Terence Fisher, Dracula Has Risen from the Grave de Freddie Francis reste le plus gros succès financier du cycle. Un retour d’entre les morts qui voit le vampire sortir des murs de son château, avide de vengeance.

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