Whyte, Elsa – Légère, Julie – Pérez, Laura. Secrets de vampires

Aujourd’hui, les vampires sont partout, des pages des romans à succès jusqu’aux écrans des cinémas et de la télévision. Mais quand et où est née la figure du buveur de sang ? À quel moment s’est formée la créature actuelle a-t-elle pris forme, et comment s’est-elle transformée au fil des siècles ? À travers un parcours géographique et historique, c’est le genre de questions auxquelles Secrets de vampires essaie de répondre. Pour lever le voile qui recouvre la genèse et l’évolution de celui qu’on croit trop bien connaître. Le tout illustré par Laura Pérez, qui s’approprie les multiples itérations du vampire, depuis ses avatars folkloriques et antiques jusqu’à ses dernières incarnations à l’écran.

Les beaux livres sur les vampires, qui allient une approche globale du sujet et un travail de recherche sur la mise en page et les illustrations sont pour ainsi dire un genre à part. La Martinière n’en est pas à son coup d’essai dans ce registre, ayant par le passé publié des titres comme le Vampires : de la légende au mythe moderne de Jean Marigny. Secrets de Vampires est en réalité le deuxième opus d’une série imaginée par Julie Légère, Elsa Whyte et Laura Pérez, sous la coordination de l’éditrice Chloé Samain. Le premier volet était sur un mode similaire consacré à la figure de la sorcière, cette fois-ci le petit groupe opte pour le sujet des vampires.

Si l’objet a la forme d’un parcours historique et géographique du vampire et de ses itérations, les auteurs n’en posent pas moins dès la préface les bases d’un fil narratif ténu. C’est en effet un vampire qui décide de prendre la parole, et de se pencher sur la genèse de son espèce depuis l’aube de l’humanité. Créature immortelle dont le rapport au temps est de fait bouleversé, le narrateur explique que pour une entité comme lui, le passé est beaucoup plus vibrant que le présent… voire que l’avenir. Au-delà des premières pages, ce fil finit par se déliter, mais il n’en ajoute pas moins un petit plus à l’ensemble. Les auteurs, par l’entremise de cette prise de parole fictionnalisée, mettent aussi en exergue le lien qui existe entre vampires et humains : l’histoire des buveurs de sang se tisse finalement en parallèle de celle des vivants.

Pour le reste Secrets de Vampire est un passage en revue qui se veut relativement complet, même si forcément réducteur. Difficile, en effet, d’être totalement exhaustif sur le sujet en 76 pages. Les cinquante premières pages sont ainsi consacrées à la période pré-littéraire, s’intéressant aux variations, un peu partout à travers le globe, du concept de vampire. Les affaires vampiriques des XVIIe et XVIIIe siècle sont mises en exergue. Les 25 dernières pages sont comme on peut s’en douter focalisées sur l’émergence du vampire en tant que motif littéraire. Elles mentionnent les poèmes romantiques tels que « La Fiancée de Corinthe » de Goethe, mais s’arrêtent surtout sur Le Vampire de Polidori, le Carmilla de Le Fanu et bien sûr le Dracula de Stoker. Avant d’explorer des itérations plus récentes, notamment au cinéma et à la télévision.

La partie graphique est assurément l’un des points forts de l’ouvrage, qui lui permet de se distinguer des autres beaux livres existant sur le sujet. La dessinatrice s’approprie autant la période (et les avatars) folklorique que les figures du vampire de fiction, de Ruthwen à Dracula, en passant par Buffy et Only Lovers Left Alive. L’ensemble alterne inserts graphiques au sein du texte et illustrations pleine page, avec un style qui rappelle parfois Pascal Croci (auquel la couverture m’a un peu fait penser).

Pour autant, le tout n’est pas exempt de raccourcis ou d’erreurs. Ainsi, quand il s’agit d’aborder la figure de Vlad Tepes, à aucun moment il n’est fait mention des pamphlets qui sont à la base de ce qu’on sait aujourd’hui du personnage. De quoi questionner l’authenticité des anecdotes qui « témoignent » de la vie du voïvode, commanditées par les adversaires politiques de ce dernier. Les auteurs s’intéressent également la genèse du Dracula de Stoker en soulignant des liens avec la Comtesse Bathory, ou faisant du Capitaine Fantôme de Marie Nizet une des influences du romancier. Sauf qu’à aucun moment, les notes de Stoker ne mentionnent la comtesse Bathory, et que le livre de Marie Nizet n’a jamais été traduit en anglais. Buffy est enfin décrit comme les premiers pas du vampire sur le petit écran, un comble quand on sait que des adaptations de Dracula existent depuis les années 1940 (et spécifiquement pour la télévision). Sans parler de la série Dark Shadows a connu un succès colossal (certes circonscrit aux pays anglophones) au milieu des années 1960. Dernier bémol, enfin : le manque de sources. Si les auteurs mentionnent sporadiquement certains des ouvrages qui ont servi de matière première, de nombreuses assertions ne sont pas sourcées. Une partie bibliographique n’aurait pas été de trop, autant pour mettre en valeur le sérieux du travail de recherche, que pour servir de point de départ pour le lecteur curieux, désireux d’en savoir plus.

Si Secrets de Vampire n’est pas un ouvrage exempt de quelques défauts (voir ci-dessus), il n’en reste pas moins un joli livre, qui devrait plaire au curieux du sujet et aux amateurs d’objets graphiques. L’objet est soigné, doté d’un papier épais très agréable au toucher. Le connaisseur que je suis en retiendra surtout d’avoir découvert le travail de Laura Pérez.

Whyte, Elsa - Légère, Julie - Pérez, Laura. Secrets de vampires

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *