Debats, Jeanne-A. L’Héritière

Agnès Cleyre vient de perdre ses parents et son frère dans un accident de voiture. Alors qu’elle s’apprête à leur rendre un dernier hommage au Père Lachaise, n’ayant pu se rendre aux funérailles, elle retrouve son « oncle » Géraut, absent depuis de très longues années. Offrant un travail et une nouvelle vie à la jeune femme, Géraut va également lui ouvrir les portes d’un univers qu’elle n’a fait jusque-là qu’effleurer : l’Alter-Monde. Car dans l’ombre de la société humaine, vampires, garous, sorcières et autres créatures surnaturelles existent bel et bien.

Les habitués de Vampirisme.com ont déjà croisé par deux fois le nom de l’auteur sur le site, que ce soit en tant qu’anthologiste pour Vampires à contre-emploi ou comme romancière avec Métaphysique du vampire. Ce dernier roman mettait d’ailleurs déjà à l’honneur un des personnages principaux de l’Héritière : le vampire Navarre. Une création à laquelle l’auteur a en outre consacré une dizaine de nouvelles (qu’on devrait toutes finir par retrouver chroniquées céans). Ici, ce n’est pour autant pas Navarre qui se retrouve au centre du récit, même s’il n’en est jamais très loin. L’Héritière introduit en effet le personnage d’Agnès Cleyre, fille de sorcière possédant des capacités pour le moins difficiles à maîtriser.

Comme le souligne Jean-Luc Rivera en postface de l’ouvrage, là où Jeanne-A Debats tire avec brio son épingle du jeu, c’est en choisissant un ancrage national qui fait souvent défaut aux productions françaises sur le sujet, qui lorgnent (trop) vers un référentiel anglo-saxon. L’auteur choisit ici de faire de Paris la place centrale de son intrigue, et d’y faire évoluer des factions surnaturelles (garous, vampires, sorcières) en cohérence : celles qui ont un passif avec le folklore national. On voit ainsi Agnès évoluer aussi bien au Père Lachaise que dans différents quartiers de la capitale, découvrant que l’histoire de la ville est fortement imprégnée par les créatures de l’Alter-Monde. Les différentes races se sont ainsi partagées les quartiers de la capitale, chacune régnant à sa façon sur son cheptel (tout en veillant à rester hors de vu de la société humaine).

L’auteur ne manque qui plus est pas d’idées pour proposer du neuf en Fantastique Urbain (je repique  ici la traduction d’Urban Fantasy utilisée dans la postface), faisant par exemple de Géraut, le notaire des créatures surnaturelles. Une idée savoureuse qui permet d’intégrer à la trame une présentation contextualisée du fonctionnement de chaque groupe. Et que dire du personnage d’Agnès, qui se révèle au fil des chapitres de ce premier volet, qu’on espère bientôt suivi par d’autres ?

Côté vampire, ce premier opus est particulièrement touffu. Car c’est finalement autour des buveurs de sang que la mission principale de l’office de Géraut va s’articuler cette fois-ci. Si les habitués retrouvent ainsi Navarre, la galerie des vampires s’étoffe avec des créatures comme Herfauges, Bathilde, Denis et quelques autres. On apprend également de façon assez complète comment se structure la société vampirique, autour de Cénacles familiaux à la tête desquels se trouve le Haut-Cénacle. Pour autant, cela n’empêche pas les divisions idéologiques, et trois courants que sont les Conservateurs, les Neutres et les Expos divisent tout ce petit monde. Pour ce qui est de la physiologie des créatures, les vampires de cet univers sont des buveurs de sang somme toute assez classiques : ils ne peuvent surmonter une exposition à la lumière du soleil et boivent du sang pour survivre. L’argent est un métal qui permet de se protéger contre eux (et auquel eux-même ont recours). Les plus anciens sont également dotés d’autres pouvoirs, comme celui de voler (même si cela a tendance a épuiser leurs ressources). Les méthodes utilisées par les vampires pour conserver la main-mise sur leurs possessions (en maintenant en parallèle de leur lignée vampirique une lignée humaine) est également assez bien trouvée.

De l’humour (et du second degré), une petite touche de romance (sans que celle-ci ne phagocyte l’intrigue), des personnages travaillés, un univers cohérent et regorgeant de clins d’œil à l’histoire de Paris, l’Héritière est à n’en pas douter une petite perle du genre, qui démontre autant l’amour pour l’auteur de la capitale que son souci de proposer un univers (et une histoire) personnel d’Urban Fantasy. À quand la suite ?

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