Atticus Sloane appartient à la caste des premiers nés, les seuls à pouvoir transformer d’autres vampires. Ces derniers, qu’Atticus et ses pairs nomment Sip, ne sont qu’une pâle imitation de leurs ainés. Ils en ont l’immortalité, le goût du sang, mais ne peuvent procréer. A l’issue d’une soirée entre premiers nés, Atticus se voit confronté à un ultimatum : il a un mois pour détruire tous les Sip qu’il a laissé derrière lui. Le cas échéant, c’est son existence qui va s’arrêter. Car les premiers nés voient d’un mauvais œil les nombreuses créatures qu’il laisse derrière lui, contre espèce sonnante et trébuchante.
Christian Ward se fait connaître à la fin des années 2010 en remportant le Eisner Award pour son dessin sur la série Black Bolt (Marvel). Il a depuis travaillé pour DC Comics (Batman) et sur la série SF Invisible Kingdom. Pour Blood Stained Teeth, il s’allie avec le dessinateur Patric Reynolds, qu’on a notamment pu croiser sur plusieurs titres chez Dark Horse (Abe Sapiens, Serenity), notamment le comics Let me In, lié au film américain du même nom de Matt Reeves (lui-même une réadaptation du roman Let the Right One In de John Ajvide Lindqvist). Avec cette nouvelle série, ils brouillent les pistes, s’investissant à tous les niveaux (couvertures, couleurs, encrages, scénario).
Blood Stained Teeth à un côté très hard-boiled, avec son personnage de vampire premier-né désabusé. La trame s’oriente rapidement autour de la recherche et de la mise à mort de ceux qu’Atticus a transformé par le passé, pour de l’argent. Le personnage n’a rien de particulièrement fort : rares sont les face-à-face dont il sort indemne. Musiciens, fous du volant, boxeurs, acteurs : nombreux sont ceux qui ont fait appel à lui pour obtenir l’immortalité. Accompagné du fantôme de son familier, premier à avoir été détruit en représailles à son manque de discernement, le personnage devra faire appel à son instinct de survie. D’autant qu’une autre menace semble se profiler dans l’ombre : l’immortalité des vampires attirent les convoitises.
Il y a une relative homogénéité d’approche entre les approches graphiques des différents illustrateurs à la manœuvre. Il y a une certaine forme de réalisme dans le trait, couplé à une mise en couleur qui amplifie la dimension urbaine et nocturne du récit. La violence, la drogue, les couleurs de la nuit s’invitent à chaque planche. Le dessin n’est pas parfait ni surprenant, mais force est d’avouer qu’il colle bien à l’histoire, à sa progression et à l’acidité du propos.
Il y a en premier l’idée que les vampires premiers nés sont une race à part. Ils sont les seuls en capacité à engendrer de nouveaux vampires. Mais ces derniers, baptisé les Sip (les suçons) n’ont pas l’ensemble des capacités de leurs créateurs. S’ils sont résistants, doté de la capacité de subjuguer leurs victimes, ils ne peuvent pas transformer ces dernières. Et leur résistance est limitée. Pour le reste, l’univers vampirique ici mis en branle s’affranchit des artefacts religieux : les vampires luttent avec des armes modernes, voire en utilisant le cadre où ils évoluent. De la créature classique, ils gardent néanmoins le danger représenté par les rayons du soleil.
Un premier opus efficace, peuplé d’anti-héros, qui déroule son récit sans temps mort. Pas la BD de vampire du siècle, mais une exploitation efficace du sujet.