Mizushiro, Setona. Black Rose Alice. Tome 1

Vienne, 1908. Dimitri, un jeune chanteur d’opéra, se relève inexplicablement d’un accident mortel. Peu après, suicides et autres décès se multiplient dans son entourage. Quand un mystérieux personnage l’approche avec de terrifiantes révélations, Dimitri rejette dans un premier temps ses dires. Avant de prend conscience que quelque chose en lui est en train de changer… Tokyo, 2008. Azusa, une jeune enseignante japonaise, vit une aventure interdite avec un de ses élèves, jusqu’au jour où un événement dramatique vient bouleverser son existence.

Le premier tome de Black Rose Alice amorce une trame originale à partir d’éléments très classiques. À travers deux histoires d’un siècle d’écart, l’auteur nous narre à la fois la métamorphose du jeune Dimitri, et les répercussions de cette métamorphose sur les liens qu’il entretient avec Théordore, son meilleur ami, et Agnieszka, la promise de celui-ci. Cent ans plus tard, l’état dans lequel est toujours plongée Agnieszka va le conduire à bouleverser la vie d’une jeune professeur et d’un de ses étudiants avec qui elle a développé une étrange relation.

Il y a un certain travail autour de la psychologie des personnages, qui se cristallise sur de Dimitri, Théodore et Agnieszka. Entre les deux hommes, c’est plutôt l’insouciance qui est de mise, même si au fond de lui Dimitri est torturé par son attirance pour Agnieszka. Dimitri incarne l’archétype de l’artiste maudit, sa métamorphose le conduisant à rompre brutalement les liens qui le rattachent aux vivants. Sa transformation paraît dans le même temps agir comme un catalyseur, sous l’influence de la personnalité de son géniteur. Car il rejette les différences de classes sociales que lui renvoie au visage Théodore, tout en assumant l’intérêt qu’il porte à Agnieszka. On le voit, cette amorce joue sur l’idée des amours impossibles, convoque l’ombre de La Belle au Bois Dormant, tout en distillant un parfum relativement malsain.

À la première lecture, j’avais été peu séduit par le dessin, que je trouve tantôt pas assez précis ni détaillé, tantôt vraiment particulier (les yeux globuleux d’Agnieszka en tête). Comme toujours dans ce genre de manga, les décors et arrière-plans s’effacent régulièrement au profit des personnages. Ce qui est dommage quand on regarde le travail effectué par l’auteur sur la ville de Vienne au début du XXe siècle. Mais il y a une bonne homogénéité de trait, et l’autrice sait appuyer son propos, entre sensualité et noirceur.

Ce premier tome recèle de nombreuses originalités vis-à-vis du mythe du vampire. S’ils ne possèdent pas tous leurs pouvoirs durant la journée, les vampires peuvent ici se mouvoir en pleine lumière. Ils ne craignent pas les symboles religieux (certains sont même catholiques). Ils disposent d’étonnantes capacités, ne s’abreuvant ainsi pas de façon habituelle (à l’instar du héros), mais en dépouillant leurs proies de leur essence vitale. Par ailleurs leur manière de procréer est pour le moins unique, et fait davantage penser à la reproduction des végétaux, la notion d’essaimage étant au cœur de leur processus de mort/renaissance.

Un premier opus au scénario assez intéressant, malgré quelques bases caricaturales. J’ai cependant un peu plus de mal à adhérer complètement au dessin. L’histoire étant bien amenée et la conception du vampire intégrant des éléments originaux, je n’hésiterais pas à lire la suite.

Cette chronique a été retravaillée suite à la ressortie du titre chez Akata. Les six premiers tomes de la série ont été publiés auparavant (2009-2012) par Asuka/Kazé Manga.

Mizushiro, Setona. Black Rose Alice. Tome 1

2 réponses à Mizushiro, Setona. Black Rose Alice. Tome 1

  1. rose dit :

    Je comprends tes réticences pour le dessin (je lis peu de manga et je n’ai jamais l’impression d’être devant un trait très original). Par contre, l’histoire est intrigante ; je pense qu’elle va exploiter l’idée de "possession" des héros par un autre être ; il y a déjà un côté "Belle au bois dormant" chez Agnieszka, donc avec l’Alice du titre, j’attends une relecture de certains contes (as-tu lu les nouvelles d’Angela Carter qui revisitait la Belle au bois dormant en version vampirique ?)

  2. Julie dit :

    Au départ, mes réticences se situaient surtout au niveau du résumé… Je sais que ce manga ne marche généralement pas très bien, peut-être à cause de cela, ce qui est fort dommage !!!
    En tout cas, j’ai vraiment aimé l’histoire, et je trouve que c’est passé à côté de quelque chose quand on aime les vampires ! J’aime énormément comment elle les décrit, je trouve que l’auteur apporte vraiment une nouvelle note au mythe.
    J’ai trop aimé !!! J’attends la suite avec impatience !!!

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