Heylbroeck, Julien. Le dernier Vodianoï

URSS, 1937, en pleine période stalinienne. Alors que sa famille voit en lui un paisible fonctionnaire du parti, Ilya Krasnov est en fait un liquidateur de la Komspetssov, chargé de traquer et liquider les créatures surnaturelles du folklore russe. Car les fées, gobelins et autres créatures de légendes ne sont pas que des entités destinées à effrayer les enfants : elles existent bel et bien, apparemment décidées à faire vaciller le pouvoir communiste. Alors qu’il se trouve en pleine ascension professionnelle, Ilya va découvrir que la propagande qu’il écoute jusque-là sans se poser de questions donne une vision manichéenne de la vérité.

Chronologiquement, Le dernier Vodianoï est le premier roman de Julien Heylbroeck, même si celui-ci a entre-temps publié d’autres textes (notamment un roman, Stoner Road, chez ActuSF et des fascicules mettant en scène Green Tiburon au Carnoplaste). Ce premier roman montre d’emblée l’imagination foisonnante de l’auteur, qui choisit d’ancrer son récit dans l’URSS communiste, en proposant une relecture urban fantasy de cette dernière. En effet, en imaginant l’existence d’un service secret voué à l’éradication de la menace surnaturelle, il confronte le totalitarisme et la bureaucratie stalinienne avec le rêve (et le cauchemar) des légendes.

L’auteur fait preuve d’une forte volonté de s’en remettre aux récits et créatures du folklore russe, puisant dans le bestiaire local, de manière à se démarquer de l’urban fantasy traditionnelle. Aussi riche qu’inhabituel, son univers représente à n’en pas douter le point fort du récit. Ce qui permet de gommer quelque peu les failles d’un scénario par trop convenu, qui joue sur des ressorts déjà maintes fois utilisés (la quête initiatique d’un personnage au cœur du système qui devient le grain de sable de ce dernier). S’il s’avère au final que pas mal de rebondissements ne sont pas des surprises pour le lecteur habitué du genre, les créatures mises en scène, le détournement de certaines figures de l’histoire russe (Raspoutine notamment) permettent de maintenir à flot l’intérêt du lecteur jusqu’à la fin du récit. Du Vodianoï à Chernobog, en passant par la Baba Yaga, les Bérendeï, Lechiï et autres Roussalki hantent les pages du livre, donnant à contempler un bestiaire grouillant, des arbres de la forêt aux rivières, en passant par la montagne.

Côté vampirique, c’est avant tout l’Oplétaï, envoyé de Chernobog (le seigneur des profondeurs) sur lequel l’amateur verra son attention se porter. Une créature aux membres démesurés qui enserre ses victimes dans ses bras et jambes pour s’abreuver de leur sang. Fidèle à son maître, particulièrement combatif, le récit ne permettra pas de le voir en difficulté, mais bien de se montrer sous ses deux jours : aussi retors que celui auquel il a fait allégeance quand il doit parler au nom de ce dernier, et fidèle aux ordres, surtout quand ces derniers lui permettent de se repaître de sang. Il n’hésite par ailleurs pas, quand il est commandité, à mettre le pied sur les terres humains, pouvant se déplacer à une vitesse hors du commun, en utilisant les ombres.

Avec ce premier roman, Julien Heylbroeck montrait déjà un intérêt pour le folklore qui sort des sentiers battus, et la confrontation des genres. Le scénario manque malgré tout d’une vraie personnalité, mais les récents travaux de l’auteur (dont Stoner Road) montrent qu’il s’agit d’une plume à surveiller de près. À conseiller aux amateurs de créatures originales et de variations inattendues dans les sphères de l’urban fantasy.

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