Crepax, Guido. Comte Dracula, suivi de Frankenstein

Guido Crepax est un nom bien connu des lecteurs de BD. Le dessinateur et scénariste italien a quand-même œuvré dans le monde de la bande dessinée de 1968 à 2002, et s’est particulièrement fait connaître par les aspects érotiques de son œuvre, et via la série Valentina. Les deux histoires qui composent cet imposant pavé ont beau être placées sous le sceau du roman gothique, elles n’ont pas été réalisées en même temps par l’auteur, Comte Dracula ayant été publié pour la première fois en 1987, et Frankenstein en 2002 (et est à ce titre, la dernière œuvre de Crepax).

Comte Dracula est une adaptation fidèle du roman de Stoker (il n’y a pas de coupe au niveau de l’histoire ni des personnages, comme c’est souvent le cas), pour autant Crepax choisit volontairement de bousculer la structure du récit, et de ne revenir au journal de Jonathan Harker qu’au moment où Van Helsing fait sa rencontre et celle de Mina. Ce qui donne un éclairage assez différent sur l’œuvre, d’autant que l’auteur ne donne jusque-là à son Dracula qu’une présence assez évanescente. Par ailleurs, comme on pouvait s’y attendre connaissant l’auteur, la dimension érotique est pour le moins appuyée et certains choix graphiques semblent pointer l’influence du Nosferatu de Murnau, pour ne pas dire celle de Herzog. Il y a en effet une certaine part d’onirisme dans la manière dont l’auteur met en scène le fantastique, le thème du rêve étant pour le moins présent.

Je ne m’étendrai pas ici sur la deuxième partie du livre, l’adaptation de Frankenstein, même si elle ne manque pas elle non plus d’intérêt. L’auteur joue également avec le texte de base, intervertissant et mélangeant certains des moments du récit, sans pour autant trahir le propos. Quant à la charge érotique, elle est ici absente (mais n’est de toute façon pas proéminente dans le récit de Mary Shelley).

Le dessin de Crepax est assurément l’une des grandes force de l’album. Son trait en noir et blanc, sans couleur, colle particulièrement bien à Dracula. La taille de ses personnages, quant à elle, tend à donner un aspect assez grotesque à certains d’entre eux, le comte en tête (d’où cette envie de penser au Murnau, qu’on retrouve également dans certaines idées de mise en scène et de cadrage). Et que dire du travail effectué sur le personnage de Renfield, notamment dans les scènes où ce dernier joue avec les insectes qu’il collecte dans sa cellule ?

On est face à une adaptation de Dracula, la vision du vampire respecte donc les codes érigés par Stoker. Le comte y est par contre moins tangible (mais cela pourrait être une manière pour l’auteur de rappeler que dans le roman, Dracula n’a pas la parole, et est vu à travers les yeux des autres protagonistes).

Un album pour le moins dense, qui propose deux adaptations de deux textes emblématiques des littératures de l’imaginaire de la fin du XIXe siècle, par l’un des maîtres de la bande dessinée érotique italienne, ce qui donne une coloration assez réussie à Dracula, où cet aspect des choses était davantage sous-jacent.

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