Clavel, Fabien. Le miroir aux vampires. Tome 2. La légion des stryges

Pourquoi tu ne me réponds pas, Bérénice ? Je t’ai tout dit de mon année passée, je me suis confiée à toi en sachant que si quelqu’un pouvait m’épauler, ce serait bien ma frangine. Et pourtant, on dirait que je me suis trompée.

J’ai quand même envie de te raconter ce qui se passe dans ma vie. J’ai été prise en prépa littéraire à Gustave-Caillebotte. À part le fameux miroir que j’ai pu récupérer, j’ai rapporté très peu d’affaires dans ma petite chambre parisienne où je ne fais que bosser. En fait, j’essaie de ne pas trop réfléchir, parce qu’entre Nòra qui a disparu, plusieurs SDF retrouvés exsangues juste à côté de chez moi et mes rêves étranges, il y a de quoi faire !

Tu vas dire que je suis parano, mais à force, je me demande si tout ça n’est pas lié. Du coup, je repense sans cesse à ce qui s’est passé avec les vampires l’an dernier, et j’ai l’impression que mes pouvoirs se réveillent.

Il y a toujours un moment de peur, cet instant d’appréhension lorsque l’on tient entre les mains la suite d’un livre qui nous a énormément plu. Est-ce qu’elle va être à la hauteur ? Est-ce que l’auteur sera fidèle à ce qui s’est imprégné en nous des personnages, de l’univers ? Et est-ce que, même si ce tome est bien, on ne sera quand même pas déçu, simplement parce que le premier était tellement bon qu’il est difficile de passer derrière ? Parfois, ce malaise persiste à la lecture. Et d’autres fois, comme dans La Légion des Stryges, il fond comme neige au soleil une fois la première page tournée.

Si le premier opus se déroulait essentiellement à Augustin-Thierry, dans celui-ci, Léa gagne la capitale et élargit l’horizon, tant géographique qu’humain. Elle suit toujours des cours et bosse comme une forcenée, tranquille, enfin tout du moins en apparence, puisqu’il n’y a pas l’ombre d’un sanguisugae dans les parages. Pourtant, elle est encore surveillée, mais cette fois-ci par les « siens », les stryges, qui la recruteront et la formeront à devenir un vrai soldat. Car si elle avait déjà découvert ses facultés, il lui manque une bonne dose de pratique. Et pour notre plus grand bonheur, tout ne se passe pas facilement !

À côté des cours et des entraînements, il y a sa solitude au milieu de la foule, la disparition de Nòra qui lui pèse, les relations avec sa sœur qui sont aussi distantes que superficielles, des SDF qui se font sucer jusqu’à la moelle et des pigeons massacrés à deux pas de chez elle… Sans compter sur un certain policier qui semble penser que tout est lié à elle. Son année d’hypokhâgne ne sera pas de tout repos ! Va-t-elle trouver où est sa place dans le monde, entre les stryges, les sanguisugae et les humains ?

Quel plaisir de retrouver une Léa qui n’a pas changé ! Bien sûr, elle s’est adaptée à son nouvel environnement, qui est encore en constante mutation. Mais la Léa d’origine est là, fidèle à elle-même, aussi sensible que courageuse, résolue à faire ce qui lui paraît juste, même si parfois elle doute et ne sait pas ce qui l’est. Ce qui est plaisant, avec ce personnage, c’est que ce n’est pas la plus forte. Ce n’est pas la plus belle, non plus, ni la plus populaire. Léa, personnage de fiction, est vraie. C’est quelqu’un comme vous et moi, mis à part ses quelques particularités héréditaires. On n’a aucun mal à s’identifier à elle. Cela se fait même tout naturellement, sans qu’on y fasse attention. On la lit, on l’entend nous parler, comme si ses mots nous étaient destinés pour de bon, à nous et à personne d’autre, et le temps disparaît dans l’intimité de ses pages. Car c’est un autre point fort de Clavel. Le style est simple, mais dans un sens tout sauf réducteur. Il prend là où il doit, et il ne relâche pas. Comme dans le premier tome, l’immersion est totale et immédiate. On se fait entraîner sans même s’en apercevoir. Pour le Miroir, je n’avais réalisé ça que lorsque, ô surprise, je m’étais rendu compte que moi aussi j’avais un faible pour Nòra, et dans celui-ci, c’est quand la tension s’est enfin évaporée à son retour que j’ai senti que la sauce prenait toujours aussi bien. Ce sont des petits détails, et pourtant, c’est à ça qu’on remarque quand un livre fait mouche ou pas. Grâce à ce style fluide et intimiste, on n’est pas spectateur extérieur, mais partie intégrante des événements.

Un des autres points forts de l’histoire, c’est la relation entre Léo et Léa. Sans en dire trop, pour ne pas gâcher le plaisir de ceux qui n’ont pas encore lu, ils sont comme un miroir de l’autre (sans mauvais jeu de mots), et malgré ce qui les sépare, ils ne sont pas si différents l’un de l’autre. C’est un des points qui font remarquer les grands auteurs, ce moment où on arrive à en apprécier les méchants, à les comprendre, à s’identifier à eux, et à leur pardonner, d’une certaine manière, d’être ce qu’ils sont, même si on n’est pas d’accord avec ce qu’ils font.

Dans ce tome, on en append plus sur les stryges, leur formation, et leurs habitudes alimentaires… Eh oui, en bonnes prédatrices, elles mangent leurs victimes ! Détail qui ne tente d’abord pas franchement Léa, même si elle va se laisser séduire par le côté obscur de la chair ennemie… On apprendra aussi comment le sort a été placé sur les miroirs, et où les sanguisugae ont passé ces derniers siècles. Peut-être même qu’on va avoir un aperçu de ce qu’il y a derrière ces fameux miroirs si mystérieux…

Il est un peu difficile de donner des informations sans dévoiler des choses qui font partie de l’intrigue, mais une chose est sûre : les stryges ont plus d’une paire d’ailes dans leurs sacs. Quant aux sanguisugae, on en découvre une 3ème caste, les constricteurs, qui sont aussi sympathiques que leur nom l’indique. On apprend également que si Léa les voit sous leur forme réelle, ce n’est pas le cas de tout le monde, et que ce sont ses origines qui le lui permettent. Les deux ennemis sont complexes, et en parler en reviendrait à spoiler une partie de la trame, aussi ne puis-je que vous conseiller de lire : vous serez intrigués et conquis. Dans la Légion comme dans le Miroir, on n’a pas droit au vampire de tous les jours, et c’est une vraie bouffée d’air frais.

Vous l’aurez compris, c’est séduite que j’ai refermé ce deuxième opus sur un vers de Baudelaire et que je me languis de la suite. Les personnages sont fidèles à eux-mêmes, en apprendre plus sur eux un est un plaisir, parfois frustrant, mais sans fin, l’intrigue est prenante et les pages vous avalent plus que vous ne les avalez. Cerise m’a manqué, certes, mais seulement après avoir terminé le livre. D’ailleurs je l’entends me murmurer du fond de son blog oublié un message que je me dois de vous faire passer… « Ce livre, c trop de la bombe !!!!! (lol) »

La Légion des Stryges, tout comme le Miroir aux Vampires, c’est de la littérature ludique et intelligente comme j’aurais voulu en lire quand j’étais ado et dont je me régale même en ne l’étant plus, car il n’y a pas d’âge pour les bonnes choses.

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