Marsan, Stéphane. Interview du directeur éditorial de Bragelonne 2/3

Comment en êtes-vous arrivé à poser puis à marketer le concept Bitlit – marque déposée par Bragelonne -, qui est actuellement aussi bien adopté par le lectorat que par les autres éditeurs ? Et comment voyez-vous ce nom que vous avez donné à un genre qui n’existait pas outre-Atlantique avec ce terme-là, et qui a fait école ?

Le premier enjeu était de trouver une dénomination qui soit la plus unificatrice possible. Si on avait commencé à dire qu’il y a de la paranormale romance, de la Fantasy urbaine, donc si on avait essayé de traduire tout ça… Il y a plein d’autres vocables d’ailleurs que je cite de temps en temps qui sont très rigolos, et sur lesquels on s’est penchés. Au tout début, je me souviens, les Anglais parlaient de  » Paranormal Porn « , ce qui a le mérite d’être clair. Il y a  » fang bang  » aussi… D’ailleurs, à chaque fois qu’on rencontre un éditeur ou un agent, il y a une autre dénomination ! Jusqu’à dire Paranormal en général. Parce qu’avec Paranormal, les livres avec des sirènes, ça passe, le livre qui n’est pas tout à fait de l’Urban Fantasy, mais où il n’y a pas de romance, pareil. En gros, on s’est dit qu’il faudrait bien appeler ça d’une façon ou d’une autre, et la vérité vraie, c’est qu’en feuilletant un catalogue américain de droit qui pitchait plein de bouquins, à un moment donné, sur une liste, je suis tombé sur Bitlit, vraiment au milieu d’un paragraphe. Et je me suis dit que c’était rigolo, j’ai proposé à Alain, et il a trouvé rigolo aussi. Et à ce moment-là, on s’est dit qu’on allait dire que c’était de la Bitlit.

Ce qui est très amusant – vous l’avez sûrement vu -, c’est que, maintenant, les Anglo-saxons commencent à l’utiliser. J’avais vu sur le net l’interview d’une éditrice australienne qui disait  » On a eu une stagiaire française, elle nous a dit que c’était de la Bitlit. Ça nous a fait marrer, et on trouvait que c’était un très bon nom « . Et en effet, dans les foires internationales, quand je dis Bitlit, il y a d’abord un grand éclat de rire – ce qui est quand même la meilleure façon de commencer un rendez-vous d’affaires – et ensuite  » C’est vachement bien Bitlit, c’est une bonne idée, on va l’utiliser ! « .

Marsan, Stéphane. Interview du directeur éditorial de Bragelonne 2/3 Ensuite, la critique littéraire au sens noble pourra toujours analyser plus finalement les composantes des différentes littératures. En interne, Isabelle et Alice – qui sont les éditrices pour la Bitlit – me disent qu’il y a la Paranormal Romance, l’Urban Fantasy, et il y a la Bitlit en plus.  » Hé les filles, on a utilisé Bitlit pour recouvrir les deux ! Maintenant vous allez me dire que c’est un truc différent ?  » Mais c’est pas complètement con. Quand elles me décrivent le truc, qu’elles me disent la Bitlit c’est ça, la Paranormal Romance ça, et qu’il y a de vraies différences avec l’Urban Fantasy, tu te dis  » Ouais, en fait c’est vrai « . Donc peut-être que, inconsciemment ou par hasard, en disant Bitlit, on avait déjà mis le doigt sur une tendance un peu particulière de l’ensemble de ce genre, qui ne recouvre pas tout, au contraire, mais qui se singularise.

Mais franchement, tout ça, c’est de la branlette. C’est aux universitaires, aux critiques littéraires, aux analystes de faire tout ce travail. Là, fondamentalement, il y a un genre que de plus en plus de gens aiment lire. S’ils veulent appeler ça de la Bitlit avec moi, super, s’ils veulent appeler ça différemment, génial. Après tout, ça fait 40 ans qu’on se pose la question sur Fantasy. Il y a Fantasy, Heroic Fantasy, etc. Les Québécois appellent ça Fantastique Epique, ou Merveilleux Epique. Appelez ça comme vous voulez ! Par contre, ce que je trouve vraiment intéressant, c’est que ça fait quand même 40 ans d’histoire – et pour nous en particulier 10 ans – qu’on martèle le mot Fantasy, pour dire  » La Fantasy c’est ça, il y a un genre qui s’appelle la Fantasy, Harry Potter c’est de la Fantasy et vous ne le savez pas, etc.  » en pure perte. En 8 mois, Bitlit s’est imposé nickel. Et tous les journalistes ont fait des articles sur la Bitlit. Génial ! Donc finalement, ça marche.

Dernier point : pourquoi déposer la marque ? Parce qu’on s’est dit que ça pouvait être utile de s’en servir à un moment donné pour fédérer, pour réunir, si on voulait faire un site dédié à la Bitlit. Les lois ont un peu changé, mais il y a encore quelques années, il fallait détenir une marque pour être en .fr. Quand on a créé Bragelonne en 2000, c’était ça. Ce qui fait d’ailleurs que Fantasy.fr a été un peu compliqué, parce qu’il y avait plein de sites qui s’appelaient Fantasy, et on a eu plein d’offres de rachat. Donc on s’est dit que déposer la marque était une bonne façon de préserver le nom d’utilisations désagréables. Si demain il y a – je ne sais pas, je dis n’importe quoi – un truc porno ou d’extrême droite qui veut s’appeler Bitlit, on peut lui dire non, Bitlit c’est à nous. En attendant, les éditeurs qui utilisent le terme Bitlit et qui ne savent pas que c’est une marque déposée, ça ne me dérange pas.

Marsan, Stéphane. Interview du directeur éditorial de Bragelonne 2/3 C’est quand même assez énorme – alors que dans le milieu du web, tout ce qui est nom de marque, nom de domaine, est super tendancieux – que des éditeurs se soient lancés, aient accepté le terme et commencé à le placarder sur leurs bouquins sans même vérifier d’où ça pouvait venir, et s’il y avait légalement quelque chose derrière…

Bien sûr, je pense qu’ils ne se sont même pas posé la question. Dans le web, c’est un souci immédiat. Dans la littérature, une marque déposée, les marques en général, ce n’est pas un souci. Je suis d’accord, on pourrait dire que c’est un peu désinvolte, ou pas très prudent. Mais voilà, c’est fait, c’est fait. En même temps, ce n’est pas un hasard. On n’a pas dit que c’était une marque de Bragelonne, on a dit que c’était un genre, une dénomination pour tout un ensemble de fictions clairement identifiées. D’ailleurs, c’est un grand paradoxe. On a embauché un directeur marketing en février qui vient de chez Delcourt et Tonkam, et une des premières questions qu’il nous a posée, c’est  » Vous avez créé la Bitlit, tout le monde se sert de ce terme, sauf nous ? « . Alors j’ai expliqué pourquoi, qu’on n’est pas trop pour mettre le nom des genres sur les bouquins, etc., et il a dit  » En terme de marketing, c’est ridicule, parce que le nom est vachement connu, et on est les seuls à ne pas l’utiliser… « . Ma réponse a été  » Milady est quasiment synonyme de Bitlit aujourd’hui « . Il n’y a pas besoin de marquer Bitlit sur les bouquins. Sauf que, dans certains cas, on réfléchit aussi vachement sur les couvertures, et il y en a – comme les couvertures de Kelley Armstrong en poche par exemple – dont je suis sûr que les gens ne savent pas que c’est de la Bitlit.

Il y a aussi des bouquins que vous avez sortis qui ne sont pas de la Bitlit et dont la couverture pourrait, à l’inverse, laisser penser que c’en est, comme Terre Vampire…

Il y a des mecs avec des guns dessus, c’est pas très Bitlit, quand même ! C’est pas parce qu’il y a marqué vampire dans le truc que… Non, mais ce n’est pas parce que c

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