Caussarieu, Morgane. Interview avec l’auteur de Dans les veines

Bonjour. Pouvez-vous vous présenter pour les internautes de Vampirisme.com ?

Morgane, 24 ans, vampirophile assumée.

Votre premier roman Dans les veines vient de sortir aux éditions Mnémos. Pouvez-vous nous expliquer la genèse de ce projet ?

J’ai juste voulu écrire un roman qui me plairait, un patchwork des thématiques qui me sont chères au service d’une histoire de vampires comme on en fait plus trop. Les personnages, je les ai portés en moi toute mon adolescence, il fallait juste un déclic pour qu’ils prennent vie sur le papier. Ce déclic fut la sortie de Twilight et l’engouement provoqué auprès des jeunes. Soudain, les blogs ne parlaient plus de Lestat mais d’Edward. Il m’a semblé qu’il était temps de rétablir certaines valeurs. Un vampire, c’est l’être le plus égoïste qui soit, il doit tuer les autres pour assurer sa propre survie. Alors quand une lycéenne s’en amourache, logiquement, ça ne devrait pas finir par un mariage… J’ai écrit ce récit très noir par contraste, en jouant sur les codes de la bit-lit. Je n’avais jamais rien écrit avant, et Dans les veines est issu d’un long apprentissage de l’écriture, sur 3 ans.

Dans les veines témoigne d’une culture étendue dans le domaine de la scène punk et post-punk, vous êtes-vous documentée dans le but d’écrire votre roman ou êtes-vous plus largement passionnée par ce mouvement ?

Tout l’univers post-punk/punk de Dans les veines, c’est le mien, c’est celui dans lequel j’évolue, et je l’ai affiné au fur et à mesure de mes rencontres avec les gens, dans les bars, les concerts, les soirées… ou au détour d’un documentaire obscur sur la scène des années 80…

Le vampire a-t-il une sorte de lien naturel avec cette culture ? Cette émanation du vampire est-elle dépassée, comme la nostalgie de JF (personnage du roman) pour cette période me le fait craindre ? Bref, le punk est-il mort ?

Le post-punk est associé au mot « gothique », et Dracula de Stoker, c’est estampillé littérature gothique. Ajoutons à cela le morceau Bela Lugosi’s Dead de Bauhaus (qui ouvre d’ailleurs le film Les Prédateurs de Tony Scott), et le lien naturel est établi ! Les post-punks ont récupéré l’image vampirique, sombre et sensuelle, qui finalement collait pas mal à leur musique…

À l’époque où le post-punk était à la mode, il y a eu deux films sortis la même année (87) qui sont restés cultes : Génération perdue de Schumacher et Aux Frontières de l’Aube de Bigelow. On y voit des vampires marginalisés, qui empruntent les tenues des punks et leur attitude de voyou. Il s’agira, dans ces films, en tuant les vampires, d’éradiquer la « punk attitude » des héros, pour en faire des jeunes gens biens sous tout rapport.

Est-ce que le vampire punk est mort avec ces deux œuvres ? Pas vraiment : dans les années 90, Spike de Buffy est devenu le digne descendant du Kiefer Sutherland de Génération perdue.

J’espère que J.F. contribuera à faire vivre le mythe du suceur de sang punk, parce que, comme dirait mon éditrice Charlotte Volper, entendre crier No Future pour l’éternité, c’est quand même fun !

Quand à la mort du punk-rock, c’est sûr, le mouvement n’a plus la même résonnance qu’à la fin des années 70. Quand on voit les punks londoniens qui vendent leur image (crête carte postale) aux touristes, c’est vrai qu’on peut se poser la question.

Mais la scène survit, il y a encore des lieux où ça bouge, comme le squat la Miroiterie à Paris, même s’il menace de fermer. Là-bas, on y rencontre des gens qui ont vécu les débuts du punk et qui continue d’y croire, et une bande de jeunes avec la rage, qui tente de ressusciter le mouvement et de lui apporter leur fraîcheur.

Pensez-vous que Zillah (personnage vampire dans Lost Souls de Poppy Z Brite) latte la gueule d’Edward Cullen ?

Je pense qu’avant de lui latter la gueule, il le sodomise… mais heureusement pour Edward, il court très vite, comme on a pu le constater dans les films Twilight.

Quel regard portez-vous sur l’évolution du vampire en littérature ces dernières années ?

Bit-Lit, Bit-lit, bit-lit, bit-lit, bit-lit… Laisse-moi entrer… bit-lit, bit-lit… Plus sérieusement, on est passé – dans les grandes lignes – à un vampire utilisé en tant que métaphore de la sexualité (Dracula, c’est le désir des victoriens qui s’exprime dans une société étouffée par des valeurs pudibondes, les crocs comme pénis de substitution ; Lestat ou Carmilla, c’est la capacité à vivre un amour homosexuel qui ne va pas plus loin que le stade oral ; Zillah, c’est l’expression de tous les tabous puritains de la société américaine…) à un vampire qui devient, à partir de Twilight, la métaphore de l’abstinence et le garant des valeurs religieuses mormones. Edward est quand même un puceau de plus de 100 ans, l’ange Mormoni réincarné, et non plus l’ange déchu, une figure lubrique du diable sur Terre…
Heureusement, certains romans de bit-lit ultra sexués rééquilibrent la balance comme True Blood. L’adaptation télévisuelle, dopée par le génial Alan Ball est bien meilleure, d’ailleurs.

Quelles sont vos premières et dernières rencontres avec un vampire (littéraire et / ou cinématographique) ?

Ma première rencontre avec un vampire, était en fait un « entretien ». Celui avec Louis et Lestat, à tout juste 8 ans. A l’époque le film de Neil Jordan sortait au cinéma, et l’affiche m’avait hypnotisée, je voulais le voir à tout prix. Évidemment, ma mère n’a pas voulu m’emmener au cinéma —on la comprend, c’était interdit au moins de 12 ans et discutable éthiquement parlant. Elle a ensuite fait l’erreur d’acheter le livre et de ne pas le cacher, pensant que c’était trop compliqué pour qu’une môme de 8 ans le lise, le comprenne et le finisse. La découverte d’Anne Rice a été une révélation pour moi, qui s’est transformée en obsession durant l’adolescence. Quand j’ai enfin eu le droit de voir le film, je l’ai regardé au moins 200 fois… il m’en reste quelques névroses…

Ma dernière rencontre était plutôt avec un chasseur de vampire, je parle d’Abraham Lincoln. Le film de Timur Bekmambetov était inégal, mais j’ai apprécié cette thématique des vampires vus comme les maîtres blancs esclavagistes de Louisiane qui dévorent les Noirs, une thématique inspirée d’Entretien avec un vampire justement, et de l’excellent Riverdream de George R R Martin (Mnemos).

J’ai aussi découvert le Comme une bête de Farmer

Pour vous, comment peut-on analyser le mythe du vampire? Qu’est ce qui en fait la pérennité ?

Le vampire fascine car c’est une figure double, un paradoxe : vivant et mort à la fois, séduisant et repoussant, un démon au visage d’ange.

Au fil des siècles, le vampire s’est adapté à la société pour survivre, mais il s’est ramolli dans le processus. En Europe de l’Est, au 18ème, le vampire incarnait la peur de l’Autre, c’était un bouc émissaire parfait, un démon responsable de tous les maux de la société. A partir des années 70, le vampire devient un anti-héros, auquel on peut s’identifier. Il n’est plus alors qu’une victime de ses instincts et inspire la compassion (Jean Marigny pourrait vous parler de cette évolution mieux que moi). À travers les amateurs d’hémoglobine, on évoque la marge, l’exclus. Au 21ème siècle, ils ont tendance à passer d’anti-héros à héros, dans cette vague d’œuvre mettant en scène un vampire détective (la plus célèbre étant bien évidemment Angel) ou bien dans la bit-lit où il sert de chevalier servant aux lycéennes en détresse. Bref, le vampire a toujours été une créature à la mode, parce qu’il se métamorphose pour suivre la mode, la créant parfois…

Avez-vous encore des projets de livres sur ce même thème ? Quelle va être votre actualité dans les semaines et les mois à venir ?

Je pense que Dans les veines ne m’a pas encore permis d’exorciser complètement cette fascination pour la figure vampirique. Le roman s’achève sur une fin ouverte, et pourra donner lieu à une éventuelle suite. Peut-être en apprendrons nous plus sur Gabriel, l’enfant vampire… En tout cas, si cette suite se fait, elle n’aura rien à voir avec le premier, je compte bien en faire quelque chose de plus original. Dans les Veines était mon tribut au genre, et il est très marqué par ses codes.

En ce qui concerne mon actualité, j’ai deux nouvelles qui ont été choisies pour figurer dans une anthologie sur la vie après la mort aux éditions l’œil du Sphinx, qui sortira courant 2013 probablement. L’une est une variation sur le thème de Peter Pan, et l’autre met en scène deux personnages de Dans les Veines, dans un texte inédit.

Et pour me rencontrer, rendez-vous à la librairie parisienne l’Antre-Monde le 20 octobre à partir de 15h30…

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