Courau, Laurent. Vampyres. 2009

Interview de Laurent Courau : première partie
Interview de Laurent Courau : deuxième partie

New York, Amsterdam, Tokyo, Venise, Paris, La Nouvelle-Orléans … la réalité dépasse la fiction dans les nuits de nos villes. Crocs de vampires, ordres initiatiques secrets, rituels de magie noire, club fétichistes, orgies sexuelles, dojo d’arts martiaux, studios de tatouage, membres de gangs… Vampyres vous entraîne au plus profond de l’underground ! Un voyage dont vous ne ressortirez pas indemne.

A l’origine il y a une rencontre, celle de Laurent Courau avec les Hiddens Shadows, un des clans New-Yorkais de la culture vampyre. Introduit par son ami Lukas Zpira, Laurent Courau va très vite avoir envie de creuser davantage les fondements de celle culture alternative qui puise ses racines dans le mythe des vampires européen. D’où viennent les vampyres et qui sont-ils ? Comment devient-on vampyre ? Quels sont leurs idéaux, leurs objectifs ? Quel rapport entretiennent-ils avec le sang, matière incontournable quand on veut parler des vampires tels que nous les connaissons ?

En véritable journaliste, Laurent Courau va ainsi mettre plusieurs semaines pour réaliser un premier sujet de 8mn destiné à l’émission Tracks de Arte. Entaché par certains faits divers (disparition d’une journaliste, meurtres perpétrés par Roderick Justin Ferrell, vampire auto-proclamé), la scène vampyre voit d’un mauvais œil cet intérêt pour ce qu’elle est. Nanti de l’appui de Lukas Zpira, qui a déjà quelques connaissances parmi certaines têtes pensantes du mouvement, Laurent Courau va ainsi poursuivre pendant près de 4 ans son enquête, voyant peu à peu se lever les barrages établis par la communauté, jusqu’à un final aussi inattendu que symboliquement chargé.

On voit peu à peu apparaître les vampyres comme partie intégrante d’une communauté multi-raciale, qui trouve des adeptes parmi diverses classes sociales. Des vampires du mythe ils ne gardent essentiellement que les crocs (dont le moulage est devenu une spécialité prisée dans le circuit) et l’attirance pour certains aspects sombres de la vie. Chaque clan semble posséder sa propre vision de ce que doit être un vampire, de ceux qui érigent la douleur comme source incomparable de plaisir, à ceux qui envisagent l’absorption des énergies psychiques comme nécessaire à leur vie, en passant par ceux qui envisagent davantage l’absorption de sang comme incontournable.

Ce dernier point, indissociable du mythe, est d’ailleurs l’un des fils directeurs du documentaire. Les vampyres boivent t-ils du sang et qu’est-ce que cela représente pour eux ? Une problématique qu’ils abordent avec une certaine pudeur, car la plupart conçoivent le fait de boire du sang comme un acte intime, d’autant plus avec le spectre du SIDA et des maladies du sang qui renforcent depuis des décennies les tabous autour du sang. Il semble d’ailleurs que le rôle et le besoin de sang divise la communauté. Laurent Courau ira, pour creuser cette problématique, jusqu’à se faire rencontrer l’un des piliers de la communauté avec le tristement le vampire de Paris, meurtrier de sang récemment libéré de prison. La discussion qui se met en place entre le vampyre auto-proclamé et celui que les médias ont érigé en vampire est ainsi un des moments les plus captivants du film.

Le documentaire de Laurent Courau s’avère intéressant au niveau vampirique pour plusieurs points. L’existence de cette scène tout d’abord, qui trouve ses fondements dans le mythe, et donc la culture populaire, et qui a su extraire de cette même culture de quoi se forger son propre référentiel et sa propre culture. Blade, Cronos, Entretien avec un vampire partagent ainsi une esthétique visuelle que s’est approprié la communauté vampyre. La Nouvelle Orléans, ville désormais indissociable de l’univers d’Anne Rice, n’est-elle pas perçue par la communauté comme une Mecque vampyrique ?

L’un des autres points forts du documentaire est de montrer la cohésion interne de ces clans, et la manière dont ils s’établissent en philosophie et en socle fédérateur dans des endroits où ce type de structure fait souvent défaut. Spanish Harlem, berceau du clan Hidden Shadows, est ainsi un quartier réputé pour sa violence, ses trafiquants de drogue, ses rixes qui se finissent régulièrement à l’arme à feu. Au milieu de cette violence, qui peu prétendre que les vampyres sont de dangereux fanatiques ? Ils semblent au contraire avoir bien compris les rouages du monde qui les entoure, et se jouer des barrières morales et sociales érigées autour d’eux. Nombreux sont ceux qui voient ainsi le port des crocs comme une manière d’extérioriser la violence qui sommeille en chacun de nous.

Immersif, aussi bien réalisé que visuellement intéressant, Vampyres est ainsi un documentaire qui nous permet de découvrir un monde à part (une sorte de 4e dimension comme l’explique Lukas Zpira dans les bonus), avec ses codes, ses piliers, son organisation et ses hauts-lieux. Un DVD certes à ne pas forcément mettre dans toutes les mains, mais qui bénéficie de bonus aussi longs qu’indispensables car ils explicitent les objectifs initiaux du réalisateur, qui filme chaque scène de la manière la plus objective possible.

L’ensemble bénéficie par ailleurs de bonus vraiment intéressants (scènes coupées, interview réalisées pour le film mais pas utilisées), d’un packaging somptueux (notamment d’un livret avec quelques explications supplémentaires, une liste de liens et quelques photos de Lukas Zpira) qui rendent l’objet aussi esthétique que son propos. Quatre ans de recherches et de filmage, un mini-sujet et deux livres sur le sujet plus tard (un recueil de photo pour Lukas Zpira, un essai sur la réalisation du présent film pour Laurent Courau), voilà donc l’aboutissement de ce portrait honnête d’une sub-culture dont l’importance va crescendo aux Etats-Unis, qui s’est depuis implanté en Asie, et qui commence à prendre pied dans la vieille Europe. Passionnant.

Le site du Chat qui fume, qui édite le DVD : http://www.lechatquifume.com/vampyres.html

Courau, Laurent. Vampyres. 2009 Courau, Laurent. Vampyres. 2009 Courau, Laurent. Vampyres. 2009

3 réponses à Courau, Laurent. Vampyres. 2009

  1. Calivhere dit :

    Excellent article ! Un film à voir absolument pour tout les gens qui s’intéresse de près ou de loin aux vampires. Merci…

  2. Lucy Westenra dit :

    Ce documentaire est intéressant et bien filmé. J’ai beaucoup apprécié les bonus qui donnent, à mon sens, un éclairage indispensable au raison de l’existence de ces tribus et par extension de ce documentaire.
    Les interviews les plus marquantes pour moi restent celle d’Ice Pick et de Thierry Hermann.
    En effet, l’interview du vampyre "marginal" Ice Pick m’a fascinée car cet homme exprime une philosophie de vie qui n’a rien a envier à certaines personnes d’apparence plus respectables.
    Thierry Hermann, quant à lui, nous fait part de son soutien presque aveugle à ce projet mais aussi de son réel intérêt pour le mythe du vampire. Et ça, ça fait plaisir à entendre.
    A voir.

  3. Red Mist dit :

    Sympa pour voir les dérives de ces gens, les paroles de certains sont convaincantes, d’autres ont l’air assez fou. Certains se contredisent même, preuve qu’on ne peut placer tous les "vampires" dans une même catégorie.
    Par contre, le documentaire est assez mal foutu. Par d’organisation si ce n’est chronologique, filmé et monté un peu n’importe comment, et on sent surtout que le réalisateur ne fait qu’exploiter le sujet et fait exprès d’insister sur des éléments pour essayer de faire croire qu’il y a de l’intérêt là où il n’y en a pas.

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